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pourrait très aisément élucider ce point en groupant les souvenirs des Ingénieurs de l'Administration qui ont eu à instruire de semblables accidents. Il serait possible également de tenter des expériences directes dans le but de faire ressortir le danger de la compression instantanée et auquel il convient de soustraire, sans plus tarder, le personnel de nos houillères.

Quoi qu'il en soit, nous estimons que l'usage du bourroir lourd constitue une menace réelle et permanente que l'expérience n'a que trop mise en évidence. On éviterait assurément les accidents dont il s'agit en recourant au bourroir en bois plus léger qui, d'ailleurs, a été employé dans certains charbonnages à la suite de catastrophes que l'on ne voulait voir se renouveler à aucun prix. J'ajouterai, pour me borner à un seul exemple, que dans ce charbonnage des environs de Mons auquel nous avons fait allusion ci-dessus, l'accident du bourroir qui trancha l'existence de l'un des bosseyeurs fut la cause d'une terreur salutaire qui empoigna toute la population du fond. A partir de ce moment, les ouvriers se refusèrent énergiquement à employer le bourroir métallique auquel on dut substituer, de par le Vox populi, le bourroir en bois qui procure une sécurité plus franche. Car la puissance du bourroir devant être à peu de chose près proportionnelle à son poids, elle se trouvera de 7 à 8 fois moindre pour l'appareil en bois et il en sera de même, au moins, pour le travail transformé en calorique par le fait de la compression ainsi que pour l'échauffement possible de l'air. L'étincelle, elle-même, ce Deus ex machina de tant d'Ingénieurs, serait rendue impossible avec un outil de cette nature. Peut-être, lors du battage, les coups se succéderaient-ils plus rapidement, mais la température ne saurait atteindre cette limite critique que nous avons vu être franchie ci-avant.

Tout au moins, si la solution radicale que nous préconisons et pour laquelle nous formons tous nos voeux, devait effrayer, conviendrait-il de faire mettre à la disposition des bosseyeurs un bourroir en bois et de leur en recommander l'usage pour introduire la première bourre, la plus dangereuse à placer. Nous ne saurions croire qu'une semblable réforme des habitudes du houilleur, si utile et si anodine, se heurterait, dans la pratique, à une opposition bien vive. Dans l'état actuel des choses, on prend, pour éviter le danger pouvant résulter d'une étincelle énigmatique, toutes les précautions afin de purger, au préalable, des fragments de silex et de quartz qu'elle pourrait contenir, l'argile

servant comme bourrage et, en même temps, on remet aux bosseyeurs le bourroir métallique qui peut provoquer la mise à feu indépendamment de la bourre.

D'autre part, l'Administration des mines qui prescrit aux exploitants, par ses règlements, d'inspecter d'abord, avant le tirage à la poudre, l'atmosphère ambiante, et par ses circulaires non seulement les environs immédiats, mais encore les alentours du point où l'explosion doit se produire, ne saurait, à mon sens, tolérer le bourroir actuel qui peut amener cette explosion à un moment où l'on n'a pu se renseigner sur la pureté de l'air et alors que le personnel, non averti, est le plus exposé aux terribles effets de l'inflammation du grisou et de toutes ses conséquences.

Liège, mars 1883.

BIBLIOGRAPHIE

DES AREINES ET DU CENS D'AREINE DANS L'ANCIENNE JURISPRUDENCE LIÉGEOISE, PAR EUDORE PIRMEZ.

Un de nos hommes d'Etat les plus éminents, jurisconsulte distingué, qui depuis longtemps nous a prouvé qu'il manie la plume avec autant d'esprit et de facilité que la parole, l'honorable M. Pirmez, a entrepris la réfutation de la jurisprudence qui prévaut jusqu'ici devant nos cours et tribunaux, concernant le droit spécial appelé à Liège Cens d'areine.

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Le travail devant lequel nous nous trouvons est-il un livre, un mémoire ou un plaidoyer? Nous laissons à chacun de répondre à cette question. Pour nous, le charme de ce style large et concis est tel qu'il nous fait presque oublier et le but poursuivi et la personnalité de l'auteur. Celui-ci, toutefois, dès son préambule, a soin de nous indiquer dans quelles conditions son œuvre est née : « L'auteur de ce travail, dit-il, appelé à étudier cette question par le devoir de veiller aux intérêts d'une partie engagée dans l'un de ces procès, a reçu communication de nombreux documents qui jamais n'ont été produits en justice. Il a acquis en les parcourant la conviction qu'ils doivent opérer une révolution complète dans les idées qui ont cours sur le cens d'arcine >>.

Ces lignes indiquent dans quel sens l'honorable avocat a traité ce sujet si intéressant et encore tout d'actualité pour les exploitations du pays de Liège; mais avant d'exposer la thèse ainsi développée, nous croyous bien faire de rappeler en quelques mots quelle est la jurisprudence actuelle et d'indiquer, d'après elle, ce que c'est qu'une areine et les droits qui résultent de sa construction. Nos lecteurs jugeront ainsi mieux de l'innovation présentée.

On appelait areines, au pays de Liège, des galeries d'écoulement destinées à démerger les mines noyées au sein de la terre, en en évacuant les eaux dans le fond des vallées. L'action de l'areine se portait naturellement sur les terrains qui lui étaient supérieurs et artificiellement sur les terrains immédiatement inférieurs dont les eaux relevées par tonneaux ou thines étaient déversées dans l'areine. Cette action de l'areine se poursuivait bien au delà de la galerie elle-même : les vides laissés au sein de la terre par l'extraction de la mine servaient à amener les eaux vers l'areine proprement dite et à en propager l'effet utile. Ces vides devenaient une dépendance naturelle de l'areine; c'est ce que nous apprend un record de 1607, également reproduit par M. Pirmez : « Il est de vérité selon les règles et observances de toute ancienneté tenues en houillerie que les vides ouvrés et vacuités avec tous ouvrages faits par le bénéfice d'aucune areine franche, soit alle xhorre delle thine, par versage ou autrement, sont tenus et réputés entre vrais connaisseurs houilleurs pour limites, pourchasses et rotices d'icelle areine, laquelle servirait ou aurait servi de la cause mouvante et efficiente des dits ouvrages et vides, sans laquelle areine tels vides et vacuités n'auraient pas été faits ».

Les areines se subdivisaient en franches et en bâtardes, et aussi en primitives et en secondaires. On réservait le nom d'areines franches aux quatre grandes areines qui alimentaient les fontaines du palais et de la cité de Liège et auxquelles on avait, en raison de leur service public, attribué des privilèges et droits spéciaux sur lesquels nous n'avons pas à nous étendre ici. Toutes les autres areines étaient réputées bâtardes. L'areine primitive, comme son nom l'indique, était celle qui avait, la première, bénéficié une exploitation et sans le secours de laquelle l'extraction de la houille eût été impraticable. D'après la définition que nous avons donnée ci-dessus de l'areine, on conçoit que l'effet en était, en réalité, assez limité. Il arrivait un moment où, par suite, par exemple, de l'épuisement des gîtes dans les terrains démergés soit par l'écoulement naturel des eaux dans la galerie, soit en y aidant par un exhaure supplémentaire, l'areine devenait inutile. Il fallait, pour porter les travaux en profondeur, creuser de nouvelles areines plus dans le fond des vallées. Ces areines étaient secondaires, par rapport aux areines supérieures, dites primitives.

Le but de l'areine, avons-nous dit, était de démerger et d'assécher les mines devenues infructueuses et de les rendre ainsi exploitables. La

coutume s'établit ainsi, par la force même des choses, que les exploitants se servirent des areines à portée de leurs travaux; mais l'usage de l'areine ne s'acquit pas gratuitement. Toute exploitation bénéficiée par une areine devait à l'arnier, ou constructeur de l'areine, une redevance qui fut généralement fixée au même taux que le droit de terrage dû au propriétaire du sol sous lequel on exploitait. Cette redevance spéciale prit le nom de cens d'areine. Ce cens était le prix d'un service rendu; l'arnier, de son côté, était obligé de tenir son areine libre ou franche, c'est-à-dire en état de porter les eaux qui pourraient y être versées; il devait encore prouver que l'exploitation se trouvait dans les marches et rotices de l'areine et en bénéficiait.

Lorsque peu après la nécessité fit porter les areines à une plus grande profondeur, lorsqu'on créa, en un mot, les areines secondaires, la position de l'arnier primitif ne fut guère modifiée. Le cens d'areine lui restait dû du moment qu'il était prouvé que l'areine avait rendu jadis possible les travaux, c'est-à-dire quand les nouveaux travaux n'étaient que la continuation de ceux pratiqués avec l'aide nécessaire et indispensable de l'areine primitive. Le nouvel arnier avait, de son côté, également droit au cens pour les exploitations que la construction de son areine avait rendues possibles; il arrivait ainsi qu'une même mine pouvait être grevée de deux ou plusieurs cens d'areine et on est amené à conclure que ce cens serait encore dû actuellement si on reprenait aujourd'hui des travaux qui auraient été ci-devant poussés jusqu'à une certaine profondeur à l'aide de l'areine. Le cens était imprescriptible.

Ces droits des arniers, existant de temps immémorable, et que la Paix de Saint-Jacques, de 1487, ne fit que confirmer (1), ne parurent

(1) L'article 1 de la Paix de Saint-Jacques est ainsi conçu : « Promier, usage est que quilconques comenche heraine, ou ayde fair par ovre de brache ou de ses deniers, pour quelcque parchon qu'il ait, ladite heraine doit parsuyr, et les proffils ou acqueste, durant de luy, ses hoiers et successeurs après luy, se dont ne le perdent ou meffachent par leur colpes; et assí de cheulx qui heraine acquirront ou araient acquis, où parchon à celuy ou à cheulx qui fait ou comenchié l'araient, ainsi que dit est.

Laquele heraine, une ou plusseurs, doient, partout là eulhes sont ou sieraient passees, demoreir franches en leur droit course, nonobstant quelconcques raisons que l'on polroit contre ce opposeir ou alligier, fuist par court de justice, de tenants, par lettrez ou par simple covent devant bonnes gens, ou par maniment anchien.

- Et ne doit nulz es dites heraines getteir, ne pottier, encombreir, stopper ne redigeir se ce n'est pas boin covent; et s'il advenoit que aulcunne heraine strenglast ou remontast au devant, quelcque part que ce fuist en lieu de sa droit course, cil cuy ladite heraine sierait, le puelt alleir requerir et discombreir parmy les domaige delle hirtaige desseur rendant à l'hirtier, au dit de bonnez gens ad ce cognisseurs.

Et se puelt celuy qui ladite heraine aura fait, ou aidié fair ou acquis, comme dit est, de ladite heraine aidier, soit dessouz eawe ou desseur, en toute nécessité, pour ovreir ses ovraiges ou acquestes, scelon les covens des terrageurs, salve les terrages. »

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