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suite et ses bagages à l'Ile d'Aix, qu'il fit embarquer à bord du brick. Dans la nuit du 14 au 15 il mit sous voile, en parlementaire, et se fit transporter à bord du Bellerophon, que l'amiral anglais mit à sa disposition; d'où il a écrit au Prince Régent, que nouveau Thémistocle, il se livrait avec confiance à lui, comptant sur sa générosité comme le plus grand et le plus loyal de ses ennemis. L'amiral a fait partir immédiatement sa lettre pour le prince par une frégate de sa croisière à bord de laquelle le général Gourgaud et le conseiller Las Cases étaient embarqués, et le vaisseau a pris en même tems le large.

On ignore qui a pu le déterminer à prendre une résolution aussi désespérée, car il y avait encore quelques chances favorables à tenter avant de se livrer, surtout d'après les dispositions que l'on avait prises pour faciliter son départ sur les deux chaloupes de la Rochelle; puisque celui des frégates devenait presqu'impossible, il est probable qu'il aurait passé, puisque ces embarcations devaient le transporter à 40 ou 50 lieues au large, par une hauteur donnée, à bord d'un smack danois, sorti depuis 24 heures de la Charente, chargé d'eau-de-vie, pour un port de la Hollande où il était supposé devoir se rendre après la visite qui fut faite à son bord par la croisière anglaise devant l'Ile d'Aix, qui lui permit de continuer son voyage d'après la vérification de ses expéditions. Ce smack devait recevoir 200,000 francs s'il parvenait à le débarquer à la Nouvelle-Orléans où sa suite devait aller le rejoindre, mais au moment d'exécuter ce projet dont le succès paraissait certain, Napoléon changea de résolution disant qu'il ne voulait pas se

noyer.

Il a été très-bien reçu du commandant du Bellerophon que l'amiral Hotham montant le Superbe, avait mis à sa disposition, il se présenta à bord en uniforme de colonel général de chasseurs, ainsi que les généraux et autres officiers qui l'accompagnaient et qui jusqu'à ce jour étaient restés comme lui en

bourgeois sur la Saal et dans l'Ile où d'après ses ordres aucuns honneurs militaires ne lui ont été rendus.

A son arrivée à bord du Bellerophon il a témoigné au capitaine le désir de voir son état-major et son équipage et de visiter l'intérieur du vaisseau, ce qui lui a été accordé.

De toute sa suite, c'est le général Bertrand qui semble être le plus affecté et le plus absorbé par les réfléxions.

Pour extrait conforme au journal tenu à bord de la Saal, par le soussigné S. Come de marine empé aux armements du port de Rochefort, pendant son séjour en rade où il avait été envoyé par M. le Préfet maritime pour constater l'embarquement de Bonaparte et de sa suite.

PICKÔME.

La troisième pièce est une lettre du vice-amiral anglais Henry Hotham adressée au capitaine de frégate Henri de Rigny. L'amiral accuse réception de la dépêche du comte de Jaucourt, qui devient sans objet par suite de l'embarquement de Napoléon sur le Bellerophon.

Sir,

H. M. Ship Superb, Basques roads,
July 19th 1815.

Monsieur le Lieutenant Fleuriau has delivered the letter you have done me the honor to address to me and the dispatch you was charged with from Mr Croker, the secretary of the admiralty of Great Britain; the object of which has been rendered unnecessary, as you observe, by the embarkation of Napoleon on board one of H. B. M. Ships, in which he sailed for England on the 16th, and as Mr Croker informs me he has communicated to the British Government the purpost of the letter you took charge of, there will be no occasion to send another ship to England on that account.

Under other circumstances I should have been happy to have had the honor of concerting with you measures for the accomplishment of the wishes of our respective Governments; and under those which exist I beg leave to express my opinion

that you have done right to Keep the dispatches you was equally entrusted with, for the Captain of the Amphitrite, and the Commandant of Isle d'Aix.

I shall deliver this into the hands of the Lieutenant Fleuriau, together with my dispatches for Mr Croker, which I beg leave to recommend to your care. I request you will accept the assurances of my high consideration, and

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M. le lieutenant Fleuriau a remis la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser et la dépêche dont vous avez chargé M. Croker, secrétaire de l'Amirauté de la Grande Bretagne, dont le but a été rendu inutile, comme vous le faites observer, par l'embarquement de Napoléon à bord d'un des vaisseaux de S. M. sur lequel il a fait voile pour l'Angleterre, le 16, et comme M. Croker m'apprend qu'il a communiqué au gouvernement anglais le contenu de la lettre dont vous vous étiez chargé, il n'y aura pas lieu d'envoyer un autre vaisseau en Angleterre, à ce sujet.

Dans d'autres circonstances, j'aurais été heureux de m'entendre avec vous sur les mesures à prendre pour l'accomplissement des désirs de nos gouvernements respectifs; et, dans les circonstances présentes, je demande la permission d'exprimer mon sentiment pour déclarer que vous avez bien agi en gardant les dépêches qui vous avaient également été confiées pour le capitaine de l'Amphitrite et le commandant de l'ile d'Aix.

Je remettrai la présente missive entre les mains du lieutenant Fleuriau, avec mes dépêches pour M. Croker que je prends la liberté de recommander à vos bons soins.

Je vous prie de vouloir bien recevoir les assurances de ma haute considération, et

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L'étonnement fut grand en Europe quand on apprit que Napoléon s'était volontairement livré aux Anglais. Le gouvernement britannique délibéra aussitôt sur les mesures à prendre à l'égard de son prisonnier. « Les plus savants jurisconsultes de l'Angleterre, consultés à cette occasion, éprouvèrent un assez grand embarras. Pourtant, en présence du repos universel toujours menacé par Napoléon, cet embarras ne pouvait pas être de longue durée. Notre qualité de Français conservant une sympathie toute naturelle pour le vieux compagnon de notre gloire, ne doit pas nous faire méconnaître une vérité évidente, c'est que l'Europe, bouleversée pendant vingt ans, tout récemment encore arrachée à son repos et réduite à verser des torrents de sang, ne pouvait renoncer à se garantir contre les nouvelles entreprises, toujours à redouter, du plus audacieux génie (1). » Aussi arrêta-t-il de désigner pour prison à l'ex-empereur l'île Sainte-Hélène, située au milieu de l'Atlantique. Napoléon, instruit de cette décision, protesta ie 4 août 1815 contre la conduite de l'Angleterre; puis il choisit pour compagnons de captivité les généraux Bertrand, Montholon et Gourgaud. Il dut se séparer de ses fidèles serviteurs Savary, duc de Rovigo, et Lallemand, car les ordres du gouvernement britannique défendaient à ces deux généraux de suivre leur maître. Savary, inquiet de cette exclusion, écrivit à Jacques. Laffitte la lettre qui suit :

A bord du Bellérophon le 2 août 1815.

Conformément à ce que vous m'avez dit, mon cher La Fitte, je fais passer à Mrs Boering les lettres que je suis dans le cas d'écrire à Paris. J'ai même pris la liberté de réclamer leur assistance et celle de leurs amis dans la position où je me trouve. Faites-moi le plaisir de me recomander à leur intérêt. On me persuade icy que je dois être transféré en France. Je

(1) Histoire du Consulat et de l'Empire par Ad. Thiers, t. XX, p. 562.

me refuse à le croire, parce que ce seroit m'assassiner sans motif ni de justice, ni d'utilité, vous le sçavez bien.

Dites mille choses de ma part à Perregaux et croyez que quoi qu'il m'arrive je serai toute ma vie reconnaissant de vos bons procédés.

qasinis tout à vous Lorne Merign

Savary et Lallemand furent conduits à Malte pendant que le Northumberland emportait à Sainte-Hélène Napoléon et ses compagnons. Pendant sept mois ils furent enfermés dans le fort Emmanuel. Dans la nuit du 7 au 8 avril 1816, Savary s'évada et parvint, sur une chaloupe, à Smyrne. En 1819 il rentra à Paris pour purger le jugement qui l'avait, le 25 décembre 1816, condamné à mort. Il fut acquitté et rétabli dans son grade. Il s'occupa dès lors de l'achèvement de ses Mémoires commencés dans la prison de Malte. Il vivait à Rome lors de la révolution de 1830. Il rentra alors à Paris, et devint, le 16 décembre 1831, commandant en chef de l'armée d'Afrique, et mourut à Paris le 2 juin 1833, à l'âge de cinquante-neuf ans.

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