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chez son futur, avec tous les negociants francois, Mr de la Tour et tous les officiers, et Mr Mahon ministre de la Republique qui fûrent tous invités. Ce beau jour passé, qui avoit été tel pour moi, je fûs calomnié à la Cour, et à la ville, et je fus accusé pour jacobin. C'est de cette epoque, mon ami, qu'en m'ensevelisant vivant; personne m'a plus appellé pour composer; toute la cohue de musiciens m'a jetté la pierre, m'a méprisé, et a esperé de me voir exilé, et depouillé de la pension que notre bon Roi m'avoit accordé.

Ce magnanime prince très éclairé, me l'a laissé, et c'est avec cette modique pension que moi, ma femme, 4 fille, et deux sœurs nous traînons notre pauvre vie; mais moi et mon talent, quoique vivants, nous sommes descendu au tombeau; et, ce qui est terrible! choisir pour prison ma maison, sans plus voir qui que ce soit. Voilà la raison, mon ami, qu'en recevant votre charmante lettre par Mr Trouvat, je n'ai pas pû vous donner une reponse, ni me charger de la liaison dont vous m'honoriez. Il commence paroître un peu de beau tems; Dieu fasse qu'enfin cela augmente. Voilà 5 ans que je souffre, et je ne sais pas comment j'en ai eu la constance. Ah! mon ami! je ne me croiois pas reservè à tant de malheurs, dont je vous en épargne le recit. Si vous voudriez accepter ma procuration, Ô Dieu, combien je serois heureux ! je pourrois commencer voir le jour dans mes affaires, et recevoir quelque soulagement. Faites moi savoir là dessus, quels sont vos intentions. Donnez moi, je vous prie, des nouvelles de ce fils denaturè, de qui je n'en ai pas eu depuis un an. L'autre, qui est à Stockolm suit à la piste les traces de celui ci; le castrate, il en fait autant. Tout est enseveli dans l'obscurité. Je vous y joins ci une lettre pour la citoyenne Natalie la Borde de Nantiles mon ecolière, que, je vous prie, mon bon ami, de remettre en ses propres mains, et d'entrer en matiére. Vous lui pouvez peindre mon affreuse situation, et faire en sorte, que son frère, qui vient de rentrer dans les biens de la famille, veuille me donner les fonds de la

TOME III.

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rente, que feu son pere me donna pour me mettre à l'abri de la misére. J'ai sû, que cette rente s'en va en fumée, qu'on va payer le tiers en numeraire, cet à dire, 700 f, et le reste du capital en bons, qu'ils seront presque rien. J'aurai donc, au lieu de 2000 cent livres, 700 pour tout. Moi agé de 69 ans, comment pourrai-je donner un etat à mes pauvres 4 filles, et quelque subsistance à ma femme à mon decés? Vous voyez, mon ami, que si le citoyen Laborde voudroit avoir pitié de moi et d'une famille accablée par la misére, il seroit un homme bienfaisant, est vrai, mais il seroit cent fois au dessus, satisfaisant la volonté de feu son pere, que c'étoit de nous donner du pain. Je vous charge de beaucoup des choses à la foi. Je me suis tû 6 ans, la bonde est lachée tout d'un coup. Mon ami, ayez pitié de moi. Je me jette dans vos bras. Oui : Dieu vous aidera; vous reussirez en tout; vous aurez la gloire de relever votre ami, et une famille, qui vous a toujours aimé, toujours cheri. Je vous embrasse du fond de mon cœur uniment à votre trés digne, et trés chere moitiè; ma femme et mes filles en font autant, et pour la vie je suis

vetne omi of serviteur Ficcinni

Peu après Piccinni quitta Naples, passa par Rome et vint à Paris, où il se logea, « au haut du faubourg Saint-Honoré, près de la rue Verte, dans un appartement plus qu'exigu, sans meubles autres que les plus indispensables, et manquant de tout. » (1) Plus tard il obtint un appartement dans l'ancien hôtel d'Angivilliers, mais il dut encore réclamer des secours. « Piccinni, s'écria-t-il, meurt de faim à côté du gouvernement françois; Piccinni meurt de faim à côté des théâtres qui ne sont riches que par ses talens. » (2) Enfin, épuisé, il mourut à Passy le 7 mai 1800, à l'âge de soixante-douze ans.

(1) Gluck et Piccinni, p. 404.

(2) Id., p. 407.

LES CARROSSES AU XVII SIÈCLE

RÉVOCATION DU PRIVILÉGE POUR LES CARROSSES A UN CHEVAL CIRCULANT

DANS PARIS.

FERME DES VOITURES POUR LA SUITE DE LA COUR.

GAGES DES COCHERS ET MENEURS DE LITIÈRE AUX XVIo ET XVII SIÈCLES.

L'usage des chars et voitures de toute espèce, si répandu dans l'antiquité, était considéré au moyen-âge comme un signe de faiblesse et de lâcheté. Les malades et les infirmes seuls avaient droit de se faire transporter; l'homme ne connaissait que son cheval; les femmes et les moines montaient des mules ou des ânesses (1). Au XIe siècle cependant l'usage des voitures devint plus fréquent : Philippe le Bel défendit par une ordonnance de 1294 que les bourgeoises eussent des chars (2). Les rois possédaient des chars richement ornés dont ils ne se servaient qu'en de rares circonstances. Jusqu'au xvre siècle les chariots n'étaient guère employés que pour porter les bagages. Sous François Ier la mode des carrosses, déjà fort goûtée en Italie, s'introduisit en France. Henri III se promena en coche avec sa femme dans les rues de sa bonne ville de Paris (3). C'était un exemple que ne pouvaient manquer de suivre les mignons et les gentilshommes, mais ce nouvel usage était considéré comme un indice de la corruption des mœurs, et les magistrats refusèrent de s'y conformer et continuèrent à aller au Palais sur des mules (4). Les voitures devinrent plus nombreuses sous Henri IV : ce prince s'opposa vainement à ce que les hommes employassent ce mode de locomotion; lui-même périt assassiné dans un carrosse. Toutefois les particuliers seuls — et encore ne s'agit-il que des nobles - avaient alors des voitures. Mais bientôt il y eut des coches de voyage et enfin des carrosses de louage. Nicolas Sauvage, dans les premières années du règne de Louis XIV, établit à Paris rue Saint-Martin, vis-à-vis la rue Montmorency, dans une maison qui avait pour enseigne l'effigie de Saint-Fiacre, un entrepôt de voitures qu'il louait à l'heure ou à la journée (5). De là le nom de fiacres qui s'est perpétué jusqu'à nous. En 1650 Charles Villerme avait le privilége exclusif des voitures de louage dans Paris moyennant quinze mille livres, Au mois de mai 1657 (1) Histoire des chars, carrosses, etc., par D. Ramée; Paris, Amyot, 1856, in-12, p. 51 et

suiv.

(2) Traité de la police par Delamarre, t. I, p. 418.

(3) Journal de l'Estoille, coll. Michaud, t. XIV, p. 62.

(4) Histoire des chars, par Ramée, p. 76. — (5) Id., p. 122.

M. de Givry obtenait un privilége pour des carrosses, calèches et chariots attelés de deux chevaux, qui devaient rester dans les carrefours et lieux publics de Paris « pour y être exposés depuis les sept heures du matin jusqu'à sept heures du soir, et être loués à ceux qui en auront besoin, soit par heure, demi-heure, journée ou autrement (1). » Enfin Louis XIV accorda, le 3 avril 1659, à un de ses mousquetaires, le sieur Nicolas Picquet de Sautour, un privilége pour établir dans Paris des calèches, carrioles ou petits carrosses à deux roues tirés par un seul cheval. Mais la dame de Cavoy et le sieur de Montbrun, chargés de l'entreprise des chaises portatives, réclamèrent si vivement contre la concurrence que leur faisaient les voitures à un cheval qu'ils obtinrent que le Roi retirât au sieur de Sautour le privilége qu'il lui avait octroyé, C'est ce qui ressort des lettres-patentes de Louis XIV données à Paris le 8 janvier 1661 : voici le texte de ce document dont nul historien, à notre connaissance, n'a fait encore mention.

Louis, par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, à tous présents et advenir salut. Sçavoir faisons que le sieur Nicollas Picquet de Sautour, l'un de nos mousquetaires, et la damoiselle sa sœur, ayants, sur le renvoy par nous faict en nostre Conseil du placet qu'ils nous ont cy devant présenté, à ce qu'il nous pleust leur faire don et accorder la permission à l'exclusion de tous autres d'establir dans nostre bonne ville, faulxbourg et banlieues de Paris, des galeches, cariolles ou petits carosses à deux roues tirées par un seul cheval, obtenu arrest en nostre conseil le troisiesme avril mil six cens cinquante neuf, portant advis que nous leur pourrions accorder le don pour ledit establissement. Et ayant depuis esté informé du notable préjudice que la dame de Cavoy et le sieur de Montbrun recevroient au don que nous leur avons faict des chaises portatives qu'ils ont estably pour la commoditté publique dans ladite ville et faulxbourg de Paris, si celluy des galeches, cariolles ou petits carosses à un seul cheval si faisoit, lequel mesme ne fairoit qu'acroistre les embarras qui ne sont desja que trop fréquentz par le grand nombre des carosses, charettes et harnois qui roullent incessamment dans les rues (1) Histoire des chars, par Ramée, p. 124.

de nostre dite ville, faulxbourgs et banlieue de Paris; à ces causes et pour autres bonnes considérations à ce nous mouvans, après nous estre faict représenter ledit brevet et arrest de nostre Conseil, nous avons de nostre plaine puissance et aucthoritté royalle dit et déclaré par ces présentes signées de nostre main, disons et déclarons que nostre intention est que l'establissement desdites galeches, cariolles ou petits carosses à deux roues tirés par un seul cheval, n'ayt point de lieu et ne soit effectué dans nostre bonne ville, faulxbourgs et banlieue de Paris, à cet effect avons révocqué et révocquons par ces mesmes présentes tous brevetz, lettres de don et arrest que lesdits de Saucour, sa sœur et tous autres pourroient avoir obtenu ou pourroient cy après obtenir pour raison dudit establissement desdites galeches ou cariolles, voulant que le tout demeure nul et comme non advenu, faisons très expresses inhibitions et deffances ausdits de Sautour, sa sœur et tous autres de s'aider en aucune manière dudit don ny autre chose quelconque en conséquence d'icelluy pour l'establissement desdites galeches, cariolles ou petits carosses à deux roues tirés par un seul cheval dans nostre dite bonne ville de Paris, à peine de confiscation et de trois mil livres d'amande. Si donnons en mandement à nostre prevost de Paris et tous autres nos justiciers et officiers qu'il appartiendra que nos présentes lettres pattentes de déclaration ils ayent à enregistrer, faire garder et observer en sorte qu'il n'y soit contreveneu, et en cas de contravention aux deffences portées par icelles faire contraindre les contrevenans au payement de l'amande et choses y contenues, car tel est nostre plaisir. Et affin que ce soit chose ferme et stable nous avons faict mettre nostre sceel à ces dites présentes données à Paris le vir jour du mois de janvier l'an de grâcemil six cens soixante ung et de nostre règne le dix-huitiesme. LOUIS.

Par le Roy :

De Lomenie.

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