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L'Agriculture et les prix à Castelnaudary et à Narbonne en 1788 ET 1789, par M. Camille Bloch.

M. Bloch présente son envoi «comme une modeste contribution à l'histoire économique du Languedoc à la veille de la Révolution». Les tableaux qu'il a extraits à notre intention des archives de l'Aude (série C, non classée) portent seulement sur deux marchés, ne concernent que quelques produits agricoles et n'en suivent les prix que pendant quelques mois. Ce serait de quoi ajouter une note ou deux, peut-être, à l'important travail de M. Biollay sur les prix en 1790. Les passages détachés des lettres du subdélégué de Narbonne et des mémoires manuscrits de M. Ballainvilliers, le dernier intendant du Languedoc, n'apprennent pas non plus grand'chose de nouveau. Voici cependant une page de M. de Ballainvilliers que nous demandons la permission de transcrire presque intégralement, parce qu'elle met bien en lumière, sur un point déterminé du territoire, cette prodigieuse activité du petit propriétaire français qui faisait, à la même époque, l'étonnement et l'admiration de l'agronome anglais Arthur Young. Il s'agit de l'ancien diocèse de Saint-Papoul, près Castelnaudary :

Il est peu d'endroits où le cultivateur prenne autant de peines et de soins que dans ce canton pour la culture des terres. La valeur progressive des denrées depuis 1763 a opéré une émulation générale; il semble que les bras se soient multipliés. On a fait des transports de terres considérables, moyen dispendieux à la vérité, mais le plus assuré pour procurer une fertilité durable. On a divisé les grandes pièces pour faciliter l'écoulement des eaux dont le séjour est toujours préjudiciable aux terres. La folle avoine, une des mauvaises herbes qui nuit le plus à la récolte, a été totalement extirpée. On a semé du millet qui fournit au paysan une nourriture aussi saine qu'abondante. Les ruisseaux de Tréboul et Fresquel, qui longent la plaine de Castelnaudary, étaient autrefois bordés de prairies naturelles qui produisaient beaucoup de fourrages et d'excellents pâturages. Les inondations fréquentes causaient aux récoltes des grands préjudices: on a remédié à ces inconvénients en donnant plus de profondeur et de largeur à ces rivières; mais il en est résulté une grande diminution dans la récolte des foins parce que les prairies, ne recevant plus le limon qu'entraînaient les eaux, sont devenues arides et fournissent à peine de quoi nourrir les bestiaux absolument nécessaires. Ce fut à cette époque qu'on essaya de réparer cette perte par les prairies artificielles. Elles sont d'une grande utilité: elles occupent des terres légères et sablonneuses qui, avant cette expérience, produisaient peu de grains. La récolte faite, il fallait les laisser reposer plusieurs années. Aujourd'hui, après avoir retiré trois récoltes en luzerne ou esparcette, on les sème en blé qui réussit communément très bien."

Ce

que le paysan français a fait autour de Saint-Papoul, il l'a fait partout où le sol, pour devenir fécond, avait besoin d'être arrosé de ses sueurs.

SCIENCES ÉCONOM.

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Tous ceux qui ont fait le procès de la propriété foncière, depuis Ricardo jusqu'à Henry George, lui ont reproché les plus-values dont elle est susceptible et qu'ils appellent un unearned increment. De nos jours et de ce côté de l'Atlantique surtout, ce n'est pas la hausse qui est à l'ordre du jour pour les biens-fonds; mais, même en remontant aux années les plus prospères, que resterait-il des accroissements de valeur que la statistique a pu enregistrer à l'actif des trois premiers quarts de ce siècle, si l'on en retranchait tout ce qui a été dépensé d'argent et de labeur - frais de culture mis à part pour l'amélioration des terres? Le prix moyen du mètre carré, pour l'ensemble de la France rurale, ne dépasse guère 3 sous, et il y a bien des régions où l'homme, pour défricher, pour nettoyer, pour amender, pour irriguer son champ, a dépensé beaucoup plus que cela! A. DE FOVILLE.

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LES VIEILLES ARCHIVES D'UN BUREAU D'HYPOTHÈQUES À PARIS, par M. de Saint-Genis, conservateur des hypothèques à Paris.

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Dans une brochure de 16 pages, extraite des Annales de l'enregistrement, l'auteur rend compte du fonds primitif des archives du Bureau des hypothèques de Paris. Une première série de ces registres a servi à l'exécution de l'édit royal du mois de juin 1771; une seconde à l'exécution, seulement de la loi du 19 septembre 1790, mais aussi, bien qu'on l'ait crue sans application, de la loi du 9 messidor an 11 (27 juin 1795), et jusqu'à la loi sur le régime hypothécaire du 11 brumaire an vII (1a novembre 1798), qui est revenue, en l'élargissant et en le complétant, au régime de 1790.

Sur la proposition de l'auteur, ces registres, utiles à consulter pour l'histoire économique du pays, ont été transportés aux Archives centrales du Domaine, rue de la Banque, à Paris. C'est une mesure bonne à généraliser, surtout au moment où le Parlement est saisi de propositions législatives ordonnant le transfert aux Archives départementales des minutes notariales antérieures à 1789.

Th. DUCROCO.

SÉANCE DU MERCREDI 10 AVRIL 1895.

PRÉSIDENCE DE m. Levasseur.

Étaient présents MM. Aucoc, Bonnassieux, des Cilleuls, Gréard, Lyon-Caen, Martha.

MM. CHEYSSON et TRANCHANT s'excusent de ne pouvoir pas assister à la séance.

Il est fait hommage à la Section de l'Annuaire des bibliothèques et des archives.

M. GRÉARD présentera un rapport sur un épisode de l'histoire du collège de Laon au XVIII siècle, par M. Souchon, correspondant du Ministère, archiviste à Laon.

M. LEVASSEUR rendra compte des mercuriales du marché de Nemours en 1553-1554, par M. Thoison, membre de la Société historique du Gâtinais, à Larchant.

M. GLASSON présentera un rapport sur un ouvrage de M. Gabriel Demante, Étude historique sur les gens de condition mainmortable en France au XVIIIe siècle. Appréciation, sur ce chef, des lois abolitives du régime féodal.

M. BONNASSIEUX donne lecture du rapport ci-annexé sur une étude de M. Maréchal, Une colonie indienne à Thieux (1).

M. GRÉARD lit un rapport sur l'ouvrage de M. Arnaud, L'instruction publique à Barcelonnette (2).

Des rapports sont présentés sur des demandes de souscription aux ouvrages suivants :

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M. Le Bon, Les lois psychologiques de l'évolution.

M. Naudier, Le socialisme et la résolution sociale.

M. Arréat, Mémoire et imagination.

M. Durkheim, Les règles de la méthode sociologique.

M. le D' Pioger, La vie sociale, la morale et le progrès.
M. Séailles, Ernest Renan. Essai de biographic psychologique.

La séance est levée à 5 heures.

UNE COLONIE INDIENNE À THIEUX, PRÈS DAMMARTIN-EN-GOËLE (17851787), par Paul Maréchal. Paris, 1895, br. in-8° de 32 pages. (Extrait du Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-deFrance, t. XXII.)

M. Paul Maréchal, archiviste aux Archives nationales, retrace en détail dans la présente brochure un épisode peu connu de l'histoire de l'industrie colonnière en France et qui méritait, croyons-nous, d'être remis en lumière.

En 1785, le bailli de Suffren proposa au Gouvernement français d'employer une cinquantaine d'ouvriers indiens, tisserands et fileuses, qu'il avait amenés de la côte de Malabar. Ce projet intéressa vivement un des intendants du commerce, M. de Montaran. Il vit le moyen d'introduire en France la filature des tissus les plus fins et consentit à transformer en manufacture le château qu'il possédait à Thieux, près Dammartin-en-Goële. Malheureusement ces ouvriers indiens ne savaient faire que la grosse filature. Ils n'étaient guère en état de tisser que des toiles. La fabrication de la mousseline, en particulier, leur était tout à fait étrangère.

Dans de semblables conditions, l'expérience dirigée par Montaran ne pouvait donner des résultats satisfaisants. Au bout de deux ans, on dut renvoyer les Indiens dans leur patrie. Tous ne la revirent pas. Six fileuses étaient mortes durant le séjour de Thieux.

La tentative faite au siècle dernier par le Gouvernement, a peut-être été trop sommaire pour être réellement instructive. Elle n'en a pas moins laissé des traces durables dans le pays. Entre 1850 et 1860, le souvenir des Indiens était encore vivace à Thieux; une croix, aujourd'hui encore, y est érigée en leur honneur. L'étude intéressante et fort consciencieuse que vient de leur consacrer M. Maréchal précise désormais et fixe d'une manière définitive leur courte histoire.

P. BONNASSIEUX.

L'INSTRUCTION PUBLIQUE À BARCELONNETTE, par M. Arnaud, correspondant du Ministère de l'instruction publique.

Ce volume de 150 pages est divisé en trois chapitres portant : le premier, sur les écoles primaires; le second, sur les écoles normales d'instituteurs; le troisième, sur un collège d'enseignement secondaire, dit collège SaintMaurice.

Dans l'histoire des écoles, M. Arnaud remonte jusqu'au xv° siècle; mais, sauf pour la petite école d'Allos, il a réuni peu de renseignements. Le traité de 1 619 passé entre l'instituteur et la commune d'Allos ne contient lui-même que des données déjà connues sur la procédure relative à la nomination du maître d'école. C'est de la Révolution que datent en réalité les progrès de l'instruction primaire à Barcelonnette. Encore faut-il s'entendre sur ce mot de progrès d'après les méthodes signalées, les leçons d'arithmétique et de système métrique se faisaient encore, en 1830, sous forme de catéchisme, par demandes et par réponses. Quelques donations à signaler pour l'école des filles. Locaux très insuffisants. Dans la commune de Meyronnes, en 1881, 55 élèves étaient entassés dans une pièce de 24 mètres carrés de surface.

L'école normale date de 1832; elle est du petit nombre de celles qui précédèrent la promulgation de la loi de 1883. M. Arnaud, après en avoir fait un très intéressant historique de 1832 à 1892, regrette qu'elle ait été supprimée en 1893 ou tout au moins fusionnée, comme on dit, avec celle d'Aix.

par

Le collège de Saint-Maurice a été fondé en 1646. L'acte de fondation a été retrouvé M. Arnaud. Un certain nombre de communes ou de particuliers s'étaient engagés à soutenir l'établissement. Au commencement du xvIII° siècle, un cours de théologie fut annexé au collège, et, chose peu commune, l'enseignement était fourni par les frères de la Doctrine chrétienne, qui d'ordinaire, comme les frères des Écoles chrétiennes, se consacraient plus particulièrement aux écoles. Les études étaient faibles d'ailleurs; l'établissement n'avait qu'une clientèle restreinte et les bâtiments étaient fort délabrés. Le collège, aujourd'hui, s'est relevé, et l'auteur en prend acte dans ses conclusions, non sans orgueil.

M. Arnaud est un notaire qui a pris goût aux questions d'instruction publique et aux recherches d'érudition. Étudier l'histoire de son pays, dit-il, c'est l'aimer; le faire connaître, c'est le servir. C'est un service, en effet, qu'il a rendu par la publication de ses intéressants documents, et dont nous devons le remercier.

0. GRÉARD.

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