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ception des taxes successorales immobilières soit encore assise sur une valeur de convention et non sur une valeur réelle. Il n'y existe pas moins de trois manières différentes de fixer la valeur imposable: pour certains immeubles, notamment pour ceux situés à l'étranger, la valeur est obtenue en multipliant le produit annuel par 20 ou par 30, suivant qu'il s'agit de propriétés bâties ou non bâties; pour les immeubles situés en Belgique, le gouvernement détermine périodiquement le rapport moyen du revenu cadastral à la valeur vénale (); enfin les héritiers ont la faculté de faire procéder, à leurs frais et avant la déclaration, à l'évaluation des immeubles; l'estimation est définitive et elle sert de base à la perception de l'impôt. Ces dispositions sont inscrites dans la loi du 17 décembre 1851, et il est intéressant de constater que, dans le projet de Code des successions actuellement soumis à la Chambre des représentants, aucune modification n'est proposée à cet égard par le gouvernement (2).

(1) Ce multiplicateur varie dans des proportions considérables: 20 à 70 p. 100 pour les propriétés bâties; 20 à 60 p. 100 pour les biens ruraux.

(2) L'Angleterre, où jusqu'ici les taxes successorales étaient également assises sur une valeur de convention, vient à son tour d'abandonner ce système.

La coutume traditionnelle chez nos voisins d'outre-Manche de substituer indéfiniment presque toutes les propriétés foncières, de telle sorte que le propriétaire actuel n'est, en réalité, que l'usufruitier des immeubles qu'il a recueillis par succession, avait fait adopter, pour la perception du succession duty, un système tout particulier basé sur l'intérêt de la vie (life interest) de l'héritier. La valeur imposable était calculée en capitalisant le revenu des immeubles (déduction faite des rentes foncières, des frais de réparation des immeubles, de la taxe des pauvres et des autres charges locales) et l'impôt appliqué d'après l'âge du bénéficiaire, conformément à la table officielle annexée à la loi organique de 1853 (lois 16 et 17 Victoria) et d'après laquelle un revenu de 100 livres (2,500 francs) représente en capital:

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Ge mode de calcul, très rationnel lorsqu'il s'agissait d'un droit viager, ne s'expliquait pas, au contraire, lorsque les biens étaient transmis en toute propriété. Le Parlement vient de faire droit aux observations présentées à ce sujet par sir William Harcourt, et désormais, l'impôt sera liquidé sur la valeur vénale toutes les fois que la succession sera absolue.

Tout en reconnaissant que, dans la rigueur du droit, la valeur vénale devrait fonctionner seule, sans maximum ni minimum, M. Poincaré comme M. Burdeau, M. Boudenoot comme M. Dupuy-Dutemps, et avec eux la Commission spéciale, conservent le système d'évaluation actuel pour le cas où la valeur vénale serait inférieure aux évaluations fournies par la capitalisation du revenu par 20 ou 25.

Il ressort de ce double mode de détermination de la valeur imposable une incontestable inégalité des contribuables devant l'impôt. Aussi est-ce là évidemment, dans la pensée du Parlement comme de l'administration, une mesure transitoire, et la restriction apportée à la déclaration en valeur devra-t-elle être abrogée lorsque la mise en vigueur du nouveau régime fiscal aura permis à l'administration de l'enregistrement de recueillir les éléments d'appréciation qui lui font actuellement défaut, pour assurer, en ce qui touche la valeur vénale déclarée, un contrôle aussi exact que celui qu'elle exerce actuellement sur le revenu réel des biens.

Nous préférerions, quant à nous, le maintien, tout au moins provisoire, du système actuel, sauf à exiger la déclaration en valeur, légèrement atténuée, lorsqu'il s'agit de propriétés d'agrément, de terrains à bâtir, ou de tous autres immeubles non susceptibles de revenu par leur nature.

Si la déclaration en valeur vénale devait, au contraire, prévaloir, il semble qu'on pourrait atténuer ce que ce mode de procéder a de rigoureux, en autorisant la distraction pour la détermination du revenu capitalisable, sinon, ainsi qu'on l'a demandé, de la totalité des charges qui viennent réduire, dans une proportion si sensible parfois, le revenu brut, du moins de l'impôt foncier. Personne ne saurait contester, en effet, qu'il est vraiment excessif de faire ainsi acquitter l'impôt sur l'impôt même et qu'il y a là une déduction qui s'impose. On n'aurait à craindre, à cet égard, aucune fraude, puisque l'extrait du rôle déterminerait le quantum déductible, et on apporterait ainsi plus d'équité dans la loi. La diminution de rendement que subirait le Trésor de ce chef peut être approximativement chiffré, avec les tarifs actuels, à 8,750,000 francs.

V

La détermination de la valeur à taxer, lorsque les transmissions portent séparément sur la nue propriété et sur l'usufruit, constitue une des questions les plus délicates que le législateur ait à trancher à l'occasion de la réforme qui nous occupe. Dans le système de la loi du 22 frimaire an VII, l'usufruit, à quelque époque que s'opère sa transmission, est évalué, pour la perception de l'impôt, à la valeur de la moitié de la pleine propriété. Or il est incontestable que, suivant l'âge auquel il est arrivé, l'usufruitier recueille une valeur supérieure, égale ou inférieure à la moitié de celle de la propriété. Ce dernier cas est le plus fréquent, et l'usufruitier acquitte le

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plus souvent des droits trop élevés. D'un autre côté, le nu propriétaire est tenu de payer, dès l'ouverture de la succession, exactement les mêmes droits que s'il était mis immédiatement en possession de la pleine propriété. Et non seulement il peut attendre pendant de nombreuses années la consolidation de son droit, mais encore mourir sans que cette éventualité se soit réalisée. Dans ce cas, ses ayants droit n'en devront pas moins acquitter à leur tour l'impôt sur la nue propriété recueillie par eux, sauf à attendre eux-mêmes la cessation de l'usufruit. Il est incontestable que ce mode de procéder recèle une serie d'injustices dont on a vraiment peine à dire quelle est la plus criante. On a demandé depuis longtemps la cessation de cet état de choses, et le moment paraît venu de donner satisfaction sur ce point aux justes réclamations des contribuables, mais dans quelles conditions?

Dans plusieurs États, la valeur de l'usufruit est fixée, pour le payement des droits de succession, à une quotité déterminée de la valeur réelle, en pleine propriété, des biens soumis à l'usufruit, sans avoir égard à l'âge de l'usufruitier. En Espagne, cette quotité a été maintenue par la loi de 1892 au quart de la pleine propriété; dans le grand-duché de Bade, elle est des deux cinquièmes; elle est de moitié, comme en France, en Belgique et dans le grand-duché de Luxembourg, en Russie et, en Suisse, dans les cantons d'Argovie, Fribourg et Schaffouse "). Mais, notamment en Espagne, en Grèce et en Belgique, le nu propriétaire n'acquitte l'impôt que lors de la consolidation de la toute propriété sur sa tête.

En Italie, l'usufruit constitué pour un temps indéterminé ou dépassant dix ans s'évalue à la moitié de la pleine propriété; lorsque l'usufruitier a plus de 50 ans, la valeur est fixée au quart de cette valeur (2).

En Allemagne, à l'exception du grand - duché de Bade, tous les États calculent la valeur de l'usufruit viager d'après l'âge de l'usufruitier. Ce mode de procéder a été également introduit en Alsace-Lorraine par la loi de 1889, que nous avons déjà eu l'occasion de citer.

Lorsque l'usufruit s'éteint dans l'année qui suit la mutation, la valeur imposable est fixée seulement d'après la durée réelle et le trop-perçu est restitué d'après la législation prussienne. Le nu propriétaire a la faculté de payer immédiatement l'impôt sur la différence existant entre la valeur de la toute propriété et celle attribuée à l'usufruit, ou d'acquitter les droits sur la valeur entière lors de la consolidation de la pleine propriété. La loi

(1) Grand-duché de Bade, ord. du 18 mai 1855, art. 71.

Belgique et grand-duché de Luxembourg, loi du 27 décembre 1817, art. 17. Russie, règlement de juillet 1882, I, art. 7.

:

Suisse Argovie, loi du 28 mai 1857, art. 7; Fribourg, loi du 8 mars 1882, art. 14; Schaffouse, loi du 8 mars 1884, art. 5.

(2) Italie, loi du 13 septembre 1874, art. 16 et 18.

applicable à l'Alsace-Lorraine fixe dans les même conditions la valeur imposable, mais elle exige le payement immédiat "").

En Wurtemberg, la valeur de l'usufruit se calcule d'après un tableau annexé au décret du 26 mars 1881, en exécution de l'article 8 de la loi du 24 mars précédent, qui a fixé la valeur d'un mark de rente annuelle aux différents âges (2).

Dans les Pays-Bas, le mode de calcul des usufruits viagers est à peu près identique à celui suivi dans les pays allemands. Le revenu des biens est évalué à 4 1/2 p. 100 de leur valeur vénale et ce revenu est multiplié par des coefficients qui se rapprochent de ceux que nous avons cités pour ces pays.

(1) Il est intéressant de comparer les multiplicateurs adoptés, non seulement entre eux, mais aussi avec ceux précédemment admis :

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(2) Ce tableau nous paraît également utile à reproduire à raison des données scientifiques qui ont servi à l'établir. Nous en déduisons, pour permettre la comparaison, la valeur d'un franc de rente annuelle :

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En Angleterre, les transmissions d'usufruit demeurent taxées d'après le life interest en prenant pour base la table annexée à la loi de 1853 (). C'est donc là encore un système analogue à celui des pays allemands.

Dans le canton de Genève, l'usufruitier paye, s'il est âgé de 50 ans et au-dessous, sur la moitié de la valeur totale; de 50 à 60 ans, il paye sur le tiers; de 60 à 70 ans, sur le quart; au-dessus de 70 ans, sur le huitième (2).

Disons enfin que, dans plusieurs cantons suisses, les transmissions de l'espèce ne sont pas assujetties à l'impôt, mais l'usufruitier est tenu de payer au nu propriétaire les intérêts des droits de mutation acquittés par ce dernier, et cela pendant toute la durée de l'usufruit. Telle est notamment la législation du canton de Vaud (3).

D'accord avec les auteurs des propositions, la Commission spéciale ne s'est arrêtée à aucun des systèmes que nous venons d'analyser : elle s'est prononcée en faveur d'un mode de procéder qui en est, si l'on peut s'exprimer ainsi, la résultante, et auquel M. Poincaré a également adhéré.

Aux termes des dispositions nouvelles, l'usufruit est estimé, si l'usufruitier a moins de 20 ans révolus, aux sept dixièmes, et la nue propriété aux trois dixièmes de la propriété entière, telle qu'elle doit être évaluée d'après les règles de l'enregistrement. Au-dessus de cet âge, cette proportion est diminuée par l'usufruit et augmentée par la nue propriété d'un dixième pour chaque période de dix ans, sans fraction. A partir de 70 ans de l'âge de l'usufruitier, la proportion est fixée à un dixième pour l'usufruit et à neuf dixièmes pour la nue propriété.

L'incidence de cette proportion ressort, par suite, aux chiffres suivants :

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Il n'est tenu compte, pour fixer la proportion, que des usufruits qui se sont ouverts ou qui s'ouvrent au jour de la mutation. L'usufruit constaté pour une durée fixe est estimé aux deux dixièmes de la valeur de la pro

(1) Voir page 48, note 2.

(2) Genève, loi du 18 juin 1870, art. 16.

(3) Vaud, loi du 25 mai 1824, art. 38.

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