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créées au travail par les corps de métiers; le travail devenait libre en fait et en droit.

Mais cette situation ne dura pas, elle changea d'abord par les progrès scientifiques, puis par l'évolution économique. L'industrie devint le travail prédominant, et elle fut gouvernée par les machines. Au travail chez le petit patron succéda celui de l'atelier et de l'usine. Cette raréfaction des patrons causa les accumulations d'ouvriers dans le même lieu, au même temps, dans les mêmes conditions de travail et de salaire. Auparavant l'ouvrier discutait avec le petit patron librement et une à une ses conditions; avec l'usinier, il ne peut que les accepter ou les rejeter en bloc. Bien plus, s'il les rejetait et s'il conservait le même métier, il s'adressait à un autre usinier, qui ne lui proposait que les mêmes conditions. Il lui fallait alors subir cette loi ou changer de métier, ce qui n'est pas facile. Il devait agréer le danger de la machine à lui confiée, le travail de nuit, celui continu de douze ou quatorze heures, celui du dimanche, l'insalubrité de l'atelier. Il était libre en droit de ne pas vouloir, il n'était, il n'est plus libre en fait.

C'est pour lui restituer cette liberté de fait qu'il réclame avec ardeur, autant qu'il avait réclamé autrefois la liberté de droit, que l'intervention du législateur est nécessaire. La restriction que celui-ci apporterait à la liberté n'est qu'apparente, c'est, en réalité, une restitution de liberté qu'il procure. Le législateur exige que le patron ait un atelier salubre, qu'il laisse à l'ouvrier le temps de repos nécessaire, qu'il ne l'expose pas à une tenue de machines trop dangereuse et, pour que cette défense soit effective, il l'impose non seulement au patron, mais à l'ouvrier lui-même, car autrement, celui-ci peu soucieux de l'ensemble de ses intérêts, et ne considérant que ceux actuels, mettrait de côté les protections de la loi en échange d'un faible gain.

Tel est donc le rôle exact du législateur en ces questions sociales, en particulier celle du repos dominical: Il impose l'obligation pour restituer la liberté de fait.

Les deux objections préalables à l'intervention du législateur et au principe de l'obligation étant écartées, voyons comment le législateur, soit en France, soit à l'étranger, a pu se trouver amené peu à peu à légiférer en cette matière et en même temps, quels sont les degrés de nécessité de la protection de l'ouvrier par la loi.

Les travailleurs se distinguent nettement en deux classes, les majeurs et les mineurs du travail.

Les majeurs du travail sont ceux qui jouissent à la fois d'une plus grande force physique et qui auraient une pleine liberté, n'était l'état économique actuel du travail usinier; ce sont ceux qui ont atteint l'âge de pleine vigueur et qui appartiennent au sexe masculin. Pour eux on n'eut pendant très longtemps aucune pensée d'intervention. On estimait qu'ils pouvaient

encore se défendre eux-mêmes, tantôt individuellement, tantôt en se coalisant, surtout depuis l'introduction de la liberté des grèves; aux condensations de capital auxquelles ils ne pouvaient résister individuellement, ils pouvaient opposer des condensations de travail et triompher en se groupant à leur tour.

Les mineurs du travail sont ceux qui travaillent avec une infériorité marquée de forces physiques. Ils comprennent trois groupes: 1° l'enfant, qui ne peut supporter que peu de travail et qui a surtout besoin d'intervalles fréquents pour son développement physique et intellectuel; l'insalubrité lui est plus fatale, le danger des machines est pour lui plus grave; 2o l'adolescent, qui a besoin dans une époque de transition de certains ménagements, quoique sa force soit plus grande; 3° la femme, soit fille, soit mariée, soit veuve, avec sa faiblesse musculaire, les soins du ménage qui la réclament et ceux de la maternité. Ce sont les trois mineurs du travail. Ces mineurs se trouvaient justement sous une double pression: 1° celle commune à tous les travailleurs de l'atelier par suite du monopole que nous venons de décrire; 2° celle spéciale de leurs maîtres domestiques, du père, du mari. En effet, pour un salaire très minime, ils doivent travailler à l'usine, dépenser leurs forces dès leur plus jeune âge, être privés de la maison paternelle, et ils y étaient contraints, non plus seulement par les conditions économiques générales, mais par leur chef de famille qui pour quelques sous les envoyait à l'atelier, sans souci de ce qu'il leur faisait perdre à eux-mêmes de forces ultérieures. Il y avait urgence pour cette catégorie de travailleurs, et presque partout le législateur est intervenu. D'abord par les lois sur l'instruction obligatoire; il fallait laisser à l'enfant le temps nécessaire pour la recevoir; ce fut une restitution indirecte de liberté et de force; puis plus directement par d'autres lois on limita pour eux le temps quotidien de travail, on exclut le travail de nuit, on leur accorda le repos dominical, on exclut certaines industries insalubres: nous n'entrerons pas ici dans le détail. Ce mouvement législatif fut généreux et universel, il avait été amené par des abus certains.

Des mineurs du travail on passa lentement aux majeurs, et l'on finit par reconnaître qu'eux aussi n'étaient pas tout à fait libres en fait, que le législateur devait venir à leurs secours; la route avait été frayée pour les autres, on la suivit pour ceux-ci. Mais il restera toujours entre les deux une différence. La protection deviendra plus complète pour les mineurs du travail que pour les majeurs.

Nous n'avons à nous occuper ici parmi les questions ouvrières que de celles du repos dominical. Mais il faut déterminer sa position exacte parmi ces questions. La situation du travailleur, sa liberté de fait, sa sécurité et sa santé doivent être protégés quant aux points suivants : 1° il importe que le travailleur ne voie pas sa vie ou sa santé menacée par l'insalubrité du local où il travaille, ou des matériaux ou des procédés qu'il emploie, et

les adultes dans son article 14. Elle interdit, à moins d'absolue nécessité, le travail du dimanche, excepté dans les établissements qui par leur nature exigent un travail continu; alors une autorisation spéciale est donnée à ces établissements par le Conseil fédéral, comme s'il s'agissait d'un travail de nuit; même lorsque cette permission a été accordée, chaque ouvrier doit avoir un dimanche libre sur.deux. La législation cantonale a le droit de déterminer d'autres jours de fête pendant lesquels le travail dans les fabriques est interdit, ces jours de fête ne peuvent pas dépasser huit par année, ils ne peuvent être déclarés obligatoires que pour les membres des confessions religieuses qui chôment ces fêtes. En outre, l'ouvrier qui refuse de travailler un jour de fête religieuse non compris dans ces huit jours réservés ne peut être frappé d'une amende d'atelier pour ce fait.

Cette interdiction s'applique à plus forte raison au travail de l'enfant, de l'adolescent et de la femme.

La loi fédérale règle la durée au maximum d'une journée de travail, elle est de onze heures, mais elle est réduite à dix heures la veille des dimanches et des jours fériés.

En exécution de cette loi fédérale et dès auparavant, divers cantons Suisses ont légiféré sur le même sujet. On peut citer une loi du canton de Glaris de 1872, complétée par une ordonnance du 13 février 1889.

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ALLEMAGNE.

C'est la loi du 1 juin 1891 (Bull. lég. comp., 1892, p. 167) modificative de celle sur l'industrie du 21 juin 1869, fruit des débats de la conférence de Berlin, qui règle et impose le repos dominical pour les adultes dans ses articles 105 et suivants.

Le repos dominical et celui des jours fériés est ordonné pour les ouvriers travaillant dans les usines, les salines, les ateliers de préparation mécanique, les carrières de pierre et de sable, les usines, fabriques et ateliers, les chantiers de charpente et autres, les constructions navales, les briqueteries et les constructions de toute nature.

Le repos doit être au minimum, pour chaque dimanche et jour férié, de vingt-quatre heures, pour deux dimanches et jours fériés consécutifs, de trente-six heures, pour les fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, de quarante-huit heures. La durée se compte à partir de minuit et, dans le cas de deux dimanches ou jours fériés consécutifs, doit se prolonger jusqu'à 6 heures du soir du second jour. Dans les établissements qui ont normalement un poste de jour et un poste de nuit, le repos ne peut commencer avant 6 heures du soir du jour ouvrable qui précède, ni après 6 heures du matin du dimanche ou du jour férié, si l'établissement est arrêté pour les vingt-quatre heures qui suivent les débuts du repos.

Dans les entreprises commerciales, les aides-apprentis et ouvriers ne peu

vent être employés le premier jour des fêtes de Noël, de Pâques ou de la Pentecôte, et les dimanches et jours fériés ils ne peuvent l'être plus de cinq heures. En outre, la commune ou une association communale peuvent réduire la durée de ce travail, ou l'interdire totalement pour toutes les branches de commerce ou pour l'une d'elles.

Pour les quatre semaines qui précèdent les fêtes de Noël, ainsi que pour les fêtes ou dimanches pendant lesquels les relations commerciales sont plus pressantes, l'autorité de police peut porter à dix heures le temps du travail, en tenant compte du moment du service religieux.

La défense du travail ne s'applique pas : 1° aux travaux qui doivent être exécutés sans retard dans des cas d'urgence ou d'intérêt public; 2° pour un dimanche, aux travaux nécessaires à l'exécution d'un inventaire prescrit par la loi; 3° à la surveillance d'installation et d'entretien que nécessite la marche nécessaire de l'établissement et aux travaux dont dépend la reprise complète du travail des jours ouvrables; 4° aux travaux nécessaires pour éviter la perte des matières premières ou la malfaçon de produits industriels; 5° à la surveillance de l'exploitation. Un état doit alors être dressé des ouvriers ainsi exceptionnellement employés et être remis à l'autorité municipale. Pour les travaux n° 3 et 4 ci-dessus, s'ils durent plus de trois heures ou s'ils empêchent d'assister au service religieux, l'ouvrier doit être libre, soit tous les trois dimanches pendant trente-six heures, soit tous les deux dimanches de 6 heures du matin à 6 heures du soir, soit dans la même semaine pendant vingt-quatre heures.

Lorsque l'exercice d'une industrie ne permet aucune interruption, et pour les entreprises que leur nature limite à certaines périodes de l'année, le Conseil fédéral peut autoriser d'autres dérogations. Il en est de même quand l'entreprise travaille principalement avec des moteurs actionnés par le vent ou par une force hydraulique irrégulière, ou quand le travail est accidentellement nécessaire pour empêcher un dommage; dans ce dernier cas, une autorisation de l'autorité administrative suffit.

L'interdiction du travail pour les industries visées dans la loi peut être étendue à d'autres par ordonnances impériales avec l'approbation du Conseil fédéral.

Cette interdiction ne s'applique ni aux hôtelleries, ni aux cabarets, ni aux exécutions musicales, ni aux représentations théâtrales, ni aux autres divertissements, ni à l'industrie des transports.

Quant à la fixation des jours fériés, elle est abandonnée à chacun des États confédérés.

Ces dispositions s'appliquent à plus forte raison, aux femmes, aux enfants et aux adultes. Cependant, en outre, le travail des femmes audessous de seize ans ne doit pas durer les veilles des fêtes au delà de 5 h. 1/2 du soir, ni le travail de celles qui ont plus de seize ans au delà de 10 heures du soir.

HONGRIE.

C'est la loi XIII de 1871 (Annuaire de la Société de législ. étr., 1892, p. 410) qui a introduit dans ce pays l'obligation du repos dominical; auparavant, la loi de 1884 se bornait à prescrire au patron de laisser à l'ouvrier le temps nécessaire pour assister au service religieux.

La loi ne s'applique qu'au travail industriel et non aux exploitations agricoles ou forestières, aux industries domestiques, aux mines et aux entreprises de transport.

Elle interdit le travail le dimanche, ainsi que le jour de la saint Étienne et de toute fête nationale, sauf s'il s'agit des travaux nécessaires au nettoyage et à l'entretien des lieux de travail et des installations. L'interruption doit avoir lieu dès le samedi à 6 heures du soir et durer vingt-quatre heures, jusqu'à 6 heures du matin le lendemain du jour férié.

Le Ministre du commerce a le droit de déterminer les genres d'industrie où le travail pourra continuer, soit parce qu'il est impossible de l'interrompre, soit parce qu'un intérêt industriel ou stratégique, ou celui des consommateurs l'exige; en outre, il fixe les conditions auxquelles peuvent être dispensés du repos les artisans de la petite industrie qui travaillent exclusivement dans leur propre demeure, sans le concours d'auxiliaires ou d'apprentis. Dans ces cas, l'industriel doit laisser à chaque ouvrier, au moins tous les mois, un dimanche entier, ou toutes les quinzaines un demidimanche de repos.

La sanction est une amende de 1 à 300 florins, l'affaire est de la compétence des autorités administratives.

ANGLETERRE.

Une loi de 1781 punissait de peines très rigoureuses toute violation du repos dominical; cette loi est tombée en désuétude sans être abrogée. L'act du 13 août 1875 donne à la Couronne le pouvoir de remettre les peines prononcées.

DANEMARK.

L'obligation du repos dominical a été établie dans ce pays par la loi du 7 avril 1876. (Ann. Législ. Comp. 1877, p. 603.) Elle a été confirmée par une loi spéciale, celle du 1 avril 1892 (Lov om den offentlige fred paa folke kirkens nelligdage samt paa grundlovsdagen).

Pendant les dimanches et jours fériés, il est défendu de vendre et d'acheter dans les rues et autres endroits publics, et dans les magasins; ceux-ci doivent rester fermés à partir de 9 heures du matin et tout le reste de la journée. Mais cette disposition ne s'applique pas après 4 heures du soir,

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