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lettrés, des cours spéciaux pour les jeunes gens qui désirent compléter leur instruction, des conférences et des lectures communes à tous...

«Les cours et les conférences peuvent être confiés à toute personne qui en fera la demande sur la proposition du maire, approuvée par le préfet, après avis de l'inspecteur d'académie.

Des subventions de l'État, ainsi que des concessions de livres et de matériel d'enseignement pourront être allouées aux associations d'enseignement créées en vue d'organiser des cours d'adultes ou d'apprentis."

L'appel à l'initiative privée est contenu implicitement dans ce décret; mais pour que ces cours s'ouvrent et réussissent partout, il faut, non pas que le concours de maîtres dévoués et convaincus de la grandeur de leur mission, il faut, condition première, puisque ces cours ne sont pas obligatoires, que la population en comprenne l'indispensable utilité. Il faut que l'esprit public soit retenu vers cette question d'importance si grande de la diminution lente du savoir après la sortie de l'école et aussi, disons-le, des sentiments moraux que l'école met en germe dans l'esprit et le cœur de l'enfant. Il faut que chacun voie que c'est une tâche patriotique que de contribuer sous une forme quelconque à empêcher cette déperdition. Il faut faire comprendre à chacun qu'il est intéressé à ce que la dépense qu'entraîne l'enseignement primaire ne risque pas de rester vaine, qu'il doit assurer son savoir et le savoir de ses enfants par des moyens appropriés. N'assure-t-on pas sa maison et son champ?

Nous savons, et c'est le moment de le dire, que pour les cours d'enseignement général, pour ceux qui ne semblent pas avoir une utilité d'application immédiate, les sociétés d'enseignement populaire n'ont certainement pas de plus redoutables adversaires que l'apathie et l'indifférence du public, et de celui, qu'on le remarque bien, qui a le plus grand, le plus pressant besoin, de ces cours. C'est cette apathie, cette indifférence qu'il faut faire cesser!

Est-ce un mirage? mais il nous semble qu'il y a quelque vingt ans, les questions d'enseignement constituaient une des plus importantes préoccupations de la population tout entière? Il faut, dans son intérêt et dans l'intérêt de tous, qu'elle revienne à ces idées hautes, saines et fécondes!

C'est à l'esprit, disait à propos de l'appel qui nous occupe, le président actuel de l'Association philotechnique, M. Léon Bourgeois, c'est à la conscience de tous, grands et petits, puissants et humbles, riches et pauvres, satisfaits et révoltés, qu'il s'agit de s'adresser désormais. >>

Permettez-moi maintenant de vous signaler simplement quelques moyens qui aideraient puissamment, nous le pensons, à l'accomplissement de la tâche que le Conseil supérieur de l'instruction publique vient de tracer.

Nous sommes convaincu qu'une enquête analogue à celle qui se fait en Suisse reste nécessaire. Il est indispensable, par un examen conforme aux progrès de l'enseignement primaire en France, et non par une simple dé

claration, une simple conversation à la mairie, de constater ce que sait le jeune homme à l'époque de sa majorité, jusqu'à quel point il est lettré ou illettré, quels sentiments lui restent de ceux qu'il a emportés de l'école.

Cette enquête serait-elle annuelle, triennale? Peu importe. Comporteraitelle seulement des questions d'ordre primaire, y joindrait-on des questions de sciences physiques, de sciences naturelles, d'instruction civique ou de science de la patrie? Peu importe encore! N'eutrons pas dans le détail. Mais cette enquête aurait précisément l'immense avantage d'appeler l'attention populaire sur le savoir de la jeunesse; elle tiendrait en éveil la vigilance des conseils élus, des commissions scolaires. Elle serait un moyen puissant d'exciter l'émulation; chaque commune voudrait ne pas être inférieure au point de vue de l'instruction à la commune voisine, aucune ne voudrait se trouver la dernière du département. Quel légitime orgueil pour les maîtres, pour les administrateurs et pour les habitants de celle qui serait au contraire la première de toutes! Cette enquête provoquerait un mouvement considérable dans l'esprit public; elle aurait pour résultat certain de ramener à l'école, aux cours d'adultes, les jeunes gens, qui ne voudraient pas rester sans réponse devant une simple question d'enseignement primaire. Comme l'a dit le rapporteur de la classe VI de l'Exposition de 1889, les cours d'adultes y trouveraient leur sanction. N'est-ce pas là un des moyens de succès pour ces cours, un des moyens d'y faire venir les auditeurs volontaires, un des moyens de rendre ces cours moralement obligatoires?

Il en est d'autres, peut-être? Pourquoi n'y aurait-il pas, tout comme il y a un livret militaire, un livret scolaire, suivant l'enfant et le jeune homme? On y indiquerait s'il a obtenu le certificat d'études ou le certificat d'instruction; on y verrait s'il fréquente les cours du soir. On y noterait sa bonne conduite: en fait de morale, les plus belles théories ne valent pas l'acte accompli. Est-ce une mesure inquisitoriale? Ne serait-elle pas au contraire un contrôle utile, paternel et bienfaisant?

Nous avons parlé du certificat d'instruction, appelé bientôt à disparaître, on le dit, et du certificat d'études primaires. Ce dernier, qui a le mérite d'aider à la fréquentation scolaire et qui sanctionne les études, n'a-t-il pas le désavantage, à cause du rôle même qu'il remplit, de laisser croire que l'enfant a terminé son instruction, d'apparaître comme le couronnement des études? Il faudrait lui enlever ce caractère qu'il a dans l'esprit de la très grande majorité des enfants et des familles. La chose paraît facile : une simple mention suffirait, elle indiquerait qu'il certifie, mais provisoirement, les connaissances de l'enfant. Il ne deviendrait définitif qu'à l'âge de la conscription, de la majorité, après un nouvel examen, une nouvelle constatation. Ce n'est pas, en effet, comme le disait M. Jules Ferry, à l'une de nos distributions de prix, au moment où l'enfant sort de l'école que la société doit dresser le bilan de son savoir; c'est au moment où cet enfant devenu homme entre dans la vie pratique. »

Quelles que soient les mesures de détail qu'on applique, ce qu'il faut avant tout, c'est produire un mouvement, une agitation salutaire et profonde dans l'opinion publique en France, en faveur de l'instruction et de l'éducation de la jeunesse au sortir de l'école, à l'âge où livrée à elle-même elle a le plus besoin de direction éducative. L'État y peut contribuer plus que nous tous, mais il faut que toutes les bonnes volontés y participent aussi. Il faut qu'un mouvement parti des grandes villes, où il est plus facile de grouper ces bonnes volontés, s'étende en auréole, en rayonnement autour d'elles. L'Association philotechnique pour sa part sera heureuse d'agir, d'augmenter, autant que ses ressources le lui permettront, ses cours dans Paris, d'étendre son action au dehors. Par la part qu'elle a prise à provoquer le décret du Conseil supérieur de l'instruction publique, elle se doit de répondre à l'appel qu'il fait à l'initiative privée, et qu'elle a devancé d'ailleurs. Depuis longtemps, Saint-Denis, Puteaux, Suresnes, quatorze communes du département de la Seine comptent des associations philotechniques; elle a aidé à en créer d'autres à Senlis, à Villeneuve-SaintGeorges, à Meaux, elle vient de coopérer à l'ouverture de celle de Montgeron.

Mais il faut se borner, nous nous sommes déjà trop étendu; aussi passerons-nous sous silence, et avec regret, ce qu'il y a à dire des sociétés de patronage, des associations d'anciens élèves ou encore du fonctionnement des cours d'adultes.

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Ayant été des premiers à soulever cette grave question de la déperdition du savoir et de l'éducation que l'école a pour mission d'inculquer à la jeunesse, nous avons été en même temps peut-être aussi la cause indirecte à coup sûr et très involontaire de la campagne menée dernièrement pour prouver que l'école et la science avaient fait banqueroute. On a répondu à cette campagne mieux que nous ne le pourrons jamais faire. Nous nous nous contenterons, quant à nous, de rappeler un passage d'un discours de M. V. Duruy, prononcé le 27 mai 1866, à la distribution des prix de notre Association. M. Duruy venait de provoquer ce superbe mouvement de la population vers les cours d'adultes, dont il était fier avec juste raison, et que nous voudrions voir se renouveler.

Les cours avaient été suivis par près de 600,000 auditeurs dont (nous citons les paroles mêmes du Ministre) 249,499 élèves ne sachant absolument rien ou ne possédant que d'une manière imparfaite les connaissances les plus élémentaires de l'école du premier âge".

Le but principal était donc alors de faire acquérir à la grande partie de la nation ces connaissances les plus élémentaires de l'école du premier âge. Est-ce le même but aujourd'hui ? Non, grâce aux efforts des maîtres, à la direction donnée par la République, il est heureusement plus élevé ·: c'est de conserver pour le moins les connaissances acquises, de les développer autant que possible et dans le sens professionnel et éducatif. Il y a entre la

situation de 1866 et celle de 1894 la différence qui existe entre les deux mots acquérir et conserver. Voilà le bilan actuel!

Mais pour conserver ces connaissances si fragiles, si aisément fugitives et pourtant si précieuses, pour leur faire produire tous leurs fruits, il n'est pas trop de l'intervention de l'État; il faut, et nous ne saurions assez le répéter, que tous ceux qui ont souci de la grandeur et de la dignité du pays apportent leur concours, et notre appel ne pouvait mieux être d'abord entendu, il nous semble, qu'au sein de la Section des sciences économiques et sociales du Congrès des Sociétés savantes.

M. LE PRÉSIDENT remercie M. Rotival. I donne la parole à M. VARINARD, de la Société de graphologie, qui donne communication d'un rapport sur la Détermination du caractère par la graphologie.

Il démontre la difficulté que l'on trouve à tracer le caractère d'une personne par l'observation de ses actes et de sa vie, du choix judicieux qu'il faut faire de tous les renseignements que l'on peut ainsi obtenir; tandis que la graphologie, grâce à une dissection graphique, obtient tout de suite une analyse minutieuse des facultés du caractère et en fait découvrir les détails les plus infimes, les nuances les plus légères. Il pense qu'on peut alors facilement saisir les combinaisons de trois grandes facultés de l'âme : l'intelligence, la sensibilité et l'activité, pour en tirer un caractère net et précis aussi bien que d'une forme élégante.

M. LE PRÉSIDENT, après avoir constaté l'intérêt de cette communication, dont il remercie M. Varinard, donne la parole à M. Jacques BAHAR pour une communication intitulée Une nouvelle définition du crime basée sur la science biologique.

Tous les crimes contre l'honneur, la liberté et la propriété d'autrui ne s'adressent qu'à des attributs plus ou moins étroits de la vie physique et doivent se confondre, par définition, avec les attentats contre la vie elle-même. Cette tendance à ravir la vie à son semblable est une manifestation régressive de l'instinct cannibale et héréditaire, commun à tous les hommes et aux animaux, et qui pousse l'individu non seulement à sacrifier plus faible que soi à ses besoins de nutrition, mais implicitement à préférer son semblable en vertu des lois physiologiques qui régissent les affinités alimentaires.

La société humaine n'est que le résultat d'un contrat entre les

faibles et les forts, consistant dans la renonciation de ceux-ci à l'homéophagie et stipulant une protection mutuelle contre les animaux et les éléments ambiants et adverses, chaque membre étant tenu désormais à prélever sa subsistance sur la matière et non plus sur l'homme. Cette combinaison ne heurtant aucune loi naturelle est de tous points équitable et viable.

Mais la nature n'étant pas intervenue au contrat continue à ne procréer que des êtres humains doués des instincts homéophagiques à l'assouvissement desquels la société est hostile.

Le fœtus contemporain ne vient au monde qu'avec une réceptivité de civilisation supérieure à celle du fœtus préhistorique, mais il ne vient pas tout civilisé, franc d'instincts intrinsèques.

Les religions et l'éducation servent à préparer ces êtres à l'acceptation du contrat.

C'est alors que se manifestent les divergences, autrement dit le crime.

Certains êtres sont organiquement et socialement placés pour accepter le contrat. D'autres y sont impuissants pour cause d'hérédité, défectuosités ou absence d'éducation, milieu ou circonstances. Mais les circonstances peuvent frapper aussi, à toute époque de la vie, ceux de la première catégorie, ce qui équivaut, en un mot, à l'humanité entière.

Le crime est donc l'expression de l'impuissance où se trouve l'homme de renoncer à l'homéophagie; c'est le fait d'assouvir ses besoins et ses passions sur son semblable, au lieu de tirer de la matière la satisfaction de ses instincts.

Toutes les variétés d'attentats à la vie d'autrui ou à ses attributs se ramènent à cette définition synthétique, seul critérium immuable, parce que seul il s'équilibre sur toutes les lois biologiques.

M. Ad. HUGUES, archiviste de Seine-et-Marne, correspondant du Ministère à Melun, dépose le mémoire suivant sur l'Instruction publique en Seine-et-Marne.

Quiconque envisage l'essor merveilleux actuel de l'instruction primaire a de la peine à s'imaginer l'état d'abandon et le désarroi de cet enseignement durant la première partie du siècle. La Révolution avait bien tenté de l'organiser, en décrétant l'obligation de s'instruire dans des écoles publiques, distribuées sur le territoire à raison d'une par mille habitants

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