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La ville continua donc à payer ces 200 livres jusqu'en 1785; à partir de cette époque il y eut assez de fonds libres sur le prieuré de Mévouillon pour qu'elle pût en être déchargée ").

Pendant les dix années qui s'écoulèrent depuis la nomination d'un préfet chargé de la direction générale des classes jusqu'à la Révolution, le collège fut assez prospère. Le conseil d'arrondissement de Gap, répondant aux questions posées par Chaptal dans sa circulaire du 25 ventôse an viu, dit que ce collège avait 6 classes à environ 30 élèves par classe (2).

Le collège continue à fonctionner durant les premières années de la Révolution, mais les autorités civiles prennent dès lors une plus large part dans la surveillance des études. En 1790, le conseil municipal décide que son bureau se transportera une fois tous les mois au collège pour exciter l'émulation parmi les écoliers et surveiller leurs études, et qu'en outre un élève de chaque classe se rendra le samedi de chaque semaine à l'hôtel de ville, à 11 heures du matin, pour remettre au bureau du conseil municipal la liste de tous les élèves de sa classe et la place qu'ils ont obtenue dans la dernière composition. De plus, afin d'exciter l'amour du travail parmi les jeunes gens, la municipalité arrête qu'il leur sera distribué des prix à la fin de l'année classique, en raison de leurs progrès et des places qu'ils au-. ront obtenues dans les compositions ("). C'est le conseil municipal aussi qui choisit les régents(").

Le 4 juillet 1790, au moment où les électeurs des Hautes-Alpes, réunis dans l'église de Chorges, allaient se séparer après avoir choisi les administrateurs du département, une députation des élèves du collège de Gap se présenta devant eux et, par l'organe d'un de ses membres, leur adressa une petite allocution tout empreinte de souvenirs classiques, de patriotisme et de civisme (5).

Au mois d'octobre de la même année, l'évêque de Gap donna un dernier témoignage d'intérêt à ce collège, dont il avait été l'âme pendant si longtemps. Il offrit à la municipalité 250 livres pour la moitié des honoraires du professeur de philosophie. Le conseil municipal vota pareille somme pour parfaire le traitement, au cas où les revenus du prieuré de Mévouillon ne seraient pas suffisants. Les doctrinaires ne s'étant pas contentés de cette somme, le conseil y ajouta encore 100 livres (").

(1) Comparez le budget de 1784 à celui de 1785, Archives municipales, registre des délibérations.

(2) Archives départementales, N. 1.

(3) Archives municipales de Gap, délibération du 14 mars 1790.

(4) Ibid., délibération du 10 octobre 1790.

(5) Voir Bulletin de la Société d'études des Hautes-Alpes, 1882, p. 284 : Les assemblées électorales du département des Hautes-Alpes pendant la Révolution, par M. Lemas.

(6) Archives municipales, registre des délibérations, 13 novembre 1790.

Au mois de janvier 1791, les doctrinaires proposèrent de se charger du collège et, en attendant, de remplir les fonctions de préfet surveillant les régents et les progrès des élèves. Le conseil municipal y consent à condition que ces dispositions ne contrarient en rien le plan d'éducation nationale en préparation (").

Sur les cinq professeurs du collège, deux seulement (Blanc et Teissier) prêtèrent le serment exigé par la loi du 26 décembre 1790, les trois autres (Blanc, Eyraud et Pascal) s'y refusèrent (2).

Pendant l'année scolaire 1791-1792, les doctrinaires dirigèrent encore le collège. Mais leur ordre ayant été supprimé par la loi du 18-22 août 1792, la municipalité de Gap chargea le procureur de la commune de solliciter auprès de l'Administration centrale du département des secours suffisants pour assurer à l'avenir l'éducation de la jeunesse (3).

L'article 1, titre IV, de cette loi du 18 août attribuait pour traitement aux professeurs provisoires, nommés suivant les formes prescrites, le revenu net des collèges anxquels ils étaient attachés ou le 4 o/o du produit de la vente des biens de ces collèges; ce revenu devait être réparti par le directoire du département suivant le mode qu'il jugerait convenable. Conformément à ces dispositions, le conseil municipal, d'après l'avis du district, présenta une pétition au directoire du département, pour que les doctrinaires fussent employés au collège (").

D'après cette pétition (), le collège de Gap n'avait plus, au mois de février 1793, d'anciens doctrinaires que deux professeurs (Tessier et Bénistant) et le préfet (Pelet), auxquels étaient adjoints deux autres professeurs provisoires (Avon et Blanc). Les biens des doctrinaires avaient été vendus 133,275 livres; il restait encore à vendre une maison et un domaine à Aups (Fouillouse), dont la vente présumée élèverait le produit total à plus de 150,000 livres, ce qui donnait au 4 0/0 un revenu de 6,000 livres, quel il fallait ajouter une somme de 1,500 livres provenant de divers con

trats.

au

Un décret de la Convention nationale limitait le traitement des professeurs provisoires dans les villes au-dessous de 30,000 habitants entre un minimum de 1,000 livres et un maximum de 1,500.

Les administrateurs du département fixèrent le traitement des professeurs à 1,250 livres pour Pellet, Tessier, Bénistant, à 1,000 livres pour Avon et Blanc (6).

(1) Archives municipales, délibération du 25 janvier 1791.
(2) Ibid., délibérations du 27 janvier et du 20 février 1791.
(3) Ibid., délibération du 17 septembre 1792.

(4) Archives municipales, délibération du 14 novembre 1792.
(5) Archives départementales, L. 13.

() Archives départementales, L. 13.

Le collège subsista encore quelque temps avec cette organisation; mais le nombre des élèves allait toujours diminuant, et son influence, durant ces dernières années, se fit si peu sentir, que les professeurs de l'école centrale écrivaient quelques années plus tard au Ministre : «Depuis 1790, il n'y avait plus d'instruction publique dans la contrée "). »

La suppression officielle du collège de Gap et de tous les anciens collèges fut prononcée par la loi du 7 ventôse an III. La ville de Gap, dès 1790, avait demandé que le nouvel établissement d'éducation nationale fût placé dans son sein ("). Le décret du 18 germinal an I désigna Gap pour être le siège de l'école centrale du département des Hautes-Alpes.

J'ai raconté ailleurs l'histoire de cette école centrale qui fut inaugurée le 1o nivôse an v et dura jusqu'à la fin de l'an XII.

RÉSUMÉ ET CONCLUSION.

Si nous jetons maintenant un coup d'œil d'ensemble sur l'histoire agitée de ce pauvre collège de Gap, nous le voyons naître avec un seul régent de latin, disparaître bientôt, puis renaître avec deux régents, disparaître encore pour reparaître quatre ans après toujours avec deux régents auxquels on en ajoute bientôt un troisième; après une éclipse de quatre ans, il se réorganise dans les premières années du xvur siècle; diverses tentatives d'organisation plus complète avortent ou échouent; enfin, il acquiert dans sa dernière période une certaine consistance.

L'inspection en était exercée par l'évêque et le clergé de Gap conjointement avec les consuls; l'enseignement y était confié, trop souvent, à des maîtres manquant d'expérience, de l'aveu même de ceux qui étaient chargés de les juger (3).

Il est incontestable que cet établissement a rendu des services.

Mais si l'on se rappelle les luttes scandaleuses qui éclatèrent, à son sujet, entre les dominicains, les jésuites et les doctrinaires, luttes bien faites pour dérouter les écoliers les mieux disposés au travail; si l'on pense que l'enseignement y portait exclusivement sur le latin, les humanités et la philosophie pas d'histoire, pas de géographie, pas de langues vivantes, pas de sciences naturelles, pas de mathématiques; si l'on considère tout cela, on comprend que Mirabeau ait pu écrire dans le Courrier de Provence : L'éducation des collèges ne répond ni aux besoins de l'humanité, ni aux vœux de la patrie. »

(1) Arch. nat., F 17, fonds des écoles centrales, lettre du 8 brumaire an vIII. (2) Archives municipales, délibération du 25 avril 1790, et archives départementales, T. 5.

(3) Voir archives départementales, C. 148, requêtes des dominicains, protestations des doctrinaires, déposition du curé de Gap; et, archives municipales de Gap, délibérations de 1728 et 1734.

M. AULARD empêché cède la présidence à M. Yvernès.

M. LE PRÉSIDENT remercie M. Nicollet de sa communication dont une intéressante étude était déjà à l'ordre du jour de la séance du jeudi soir (1).

M. PILLET, professeur au collège de Bayeux et vice-président de la Société des sciences, arts et belles-lettres de cette ville, donne lecture d'un Essai historique sur le collège communal fondé par le chapitre de la cathédrale en 1550.

Les origines du collège de Bayeux (Calvados) remontent à une haute antiquité.

Quoique, à vrai dire, ce ne soit qu'en 1550 que l'on rencontre dans les archives de la ville ou du chapitre la dénomination de collège appliquée à un établissement d'instruction publique à Bayeux, il est bon de remarquer que, de temps immémorial, deux prébendes de la cathédrale étaient affectées à l'enseignement.

On lit dans les actes du chapitre que Marguerin de la Bigue, premier chanoine prébendé de Grisy (1507-1546), est tenu comme "présent » lorsqu'il est occupé à la prédication ou à ses leçons dans les écoles.

Le prébendé de Bernesq enseigne la théologie aux jeunes élèves de la ville. Cependant on sentait le besoin d'avoir un établissement public d'instruction, et, en 1550, grâce à une quête faite dans tous les rangs de la société et à une subvention du chapitre, des bâtiments étaient achetés et l'appropriation en était déjà commencée quand éclatèrent les guerres de religion.

Les calvinistes, maîtres de la Normandie, saccagèrent Bayeux, et les Augustins durent quitter leurs couvents.

C'est dans cette maison que nous trouvons Jean Lévelley, second titulaire de Grisy, installé en qualité de principal (1566). Après sa mort survenue en 1580, il fut inhumé aux Augustins (23 juillet).

Cette même année, l'évêque Bernardin de Saint-François, après le retour des Augustins, achète, rue aux Coqs, aujourd'hui rue Écho, sur la paroisse Saint-Symphorien, une maison pour y installer les écoles; et nous lisons dans les notes manuscrites de M. Petite, official sous M de Nesmond, que l'on voit encore les écussons de Bernardin de Saint-François aux fenestres et carreaux, qui y furent apposés en sa mémoire pour faire connaître à la postérité que sans son secours la jeunesse de la ville n'aurait pas bien profité, faute d'être enseignée".

Pierre Renault fut le second principal. Il reçut son institution de l'évêque,

(1) Voir pages 199 et suiv.

SCIENCES ÉCONOM.

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après avoir été élu par le chapitre et les officiers municipaux, mais il était obligé de recruter les autres professeurs. Lui-même était chargé de la rhétorique. Pour l'entretien des bâtiments, le chapitre lui verse 120 livres le 29 mai 1581, 50 livres le 31 mai 1582 et 70 livres le 25 juillet suivant. Les commissaires étaient en même temps délégués pour visiter l'établissement, régler l'heure et l'ordre des leçons, faire chanter le Salve Regina.

Le troisième principal paraît avoir été J.-B. Masson, archidiacre de Bayeux, auteur d'une Vie de saint Exupère, mort en 1630.

Son successeur est vraisemblablement le troisième titulaire de la prébende de Grisy, Claude Chicherel.

Le 6 avril 1621, le chapitre, convoqué par M d'Angennes, installe, comme principal du Collège, Robert Davauleau, curé de Saint-Symphorien, et lui confère le canonicat avec les revenus de Grisy.

Robert Davauleau est surtout connu pour avoir inspiré le goût des lettres et de la poésie à son illustre élève Pierre Halley, né le 8 septembre 1611, sur la paroisse Saint-Laurent. Halley, professeur de rhétorique puis recteur à l'Université de Caen, devient régent au collège d'Harcourt à Paris, lecteur en langue latine et en langue grecque au collège Royal, puis professeur de droit canonique. Il mourut le 27 décembre 1689, avec le titre de poète et d'interprète du Roi.

A Robert Davauleau, décédé en 1665, succéda le cinquième chanoine de Grisy, Guillaume Marcel, élève des pères de l'Oratoire, professeur de rhétorique à Rouen, en 1640, puis professeur d'éloquence aux collèges des Grassins et de Lisieux à Paris, ramené probablement à Bayeux par l'amour du pays natal et peut-être à la suite d'une assez désagréable aventure rapportée par Bayle. Guillaume Marcel se préparait à prononcer l'éloge funèbre du maréchal de Gassion, mort au siège de Lens, quand, sur la plainte d'un vieux docteur, il lui fut défendu de la part du recteur, de prononcer en Sorbonne l'éloge d'un guerrier fidèle à la religion protestante. Marcel, sur les conseils duquel Brébeuf entreprit la traduction de Lucain, se retira en 1677, dans la cure de Basly, près de Caen, où il fut enterré en 1682. Après Guillaume Marcel, le collège fut dirigé par Jean Le Masson qui fit en vers latins l'éloge et l'épitaphe de Thomas Pillon, gardien du couvent des récollets de Caen, par François Le Chartier (1681) et par Pierre Le Chartier (1785), tous chanoines de Grisy.

Vint alors, le 11 octobre 1690, Nicolas de Grimouville-l'Archant, né à Bayeux en 1666, beaucoup plus connu que ses prédécesseurs par ses travaux et son culte des muses latines, même par les désagréments que lui attirèrent de la part de l'autorité ecclésiastique les écarts de son esprit quelque peu sarcastique.

En effet, à la fin de l'année classique 1705-1706, les élèves du collège représentèrent, suivant l'usage, une pièce dramatique composée par leur

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