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tenir cette classe de petits propriétaires qu'il serait fâcheux pour l'Allemagne de voir se transformer en simples fermiers.

Les remarquables discours qui ont été prononcés mettent en relief la complexité des problèmes que la crise économique pose aujourd'hui dans toute l'Europe à la sagesse des hommes d'État. Ils sont propres à éclairer utilement tous ceux qui désirent connaître l'état intérieur de l'Allemagne et le mouvement des idées dans ce pays. A des causes de satisfaction qu'il serait puéril de méconnaître, s'ajoutent aujourd'hui en Allemagne, plus nombreuses chaque jour, des causes d'inquiétude propres à troubler les meilleurs esprits.

M. l'abbé Laveille, de la Société d'archéologie d'Avranches et de Mortain, donne connaissance de son rapport sur les écoles de Cherbourg avant la Révolution. C'est une partie d'un travail que le rapporteur se propose d'étendre à toute la région.

La première des petites écoles de Cherbourg est organisée par un chapelain de saint Louis, le bienheureux Thomas, dont la biographie a été publiée par M. Léopold Delisle.

D'autres écoles datent du XIVe siècle. Les clercs étaient destinés au culte. Pendant les guerres de religion, les biens des écoles avaient été aliénés. Toutefois, à cette époque, une école était encore ouverte à Cherbourg, au prieuré hospitalier de la MaisonDieu (1587), sous la direction de maître Lecavelier.

Le rapporteur signale les fondations de M. Bourgeois-BerthelotPinabel qui lègue une rente de 30 deniers pour une école gratuite, d'un prêtre, M. Lagalle, et indique que le règlement de cette dernière école comprend, dans le programme, la langue latine, avec Cicéron et les poètes latins Virgile, Ovide, pour auteurs, des compositions latines, l'arithmétique et une instruction religieuse. Les enfants payent une rente de 15 sols; les pauvres sont accueillis gratuitement. Chaque année, le régent fait un examen pour déterminer la classe dans laquelle les élèves passeront l'année suivante.

Dans toutes les écoles de Cherbourg, avant la Révolution, on pouvait apprendre en somme pour tous à lire et à écrire et même à compter.

Le rapporteur fait circuler des tableaux indiquant le nombre et les revenus des écoles de campagne existant en 1792 dans le district de Cherbourg. Ces tableaux constatent que l'instruction primaire était répandue dans cette région aussi abondamment qu'aujourd'hui.

M. Le Président remercie M. l'abbé Laveille et donne la parole à M. Meunier, professeur au lycée de Sens, sur la politique coloniale de l'Assemblée constituante. C'est une suite du rapport fait l'an dernier par le rapporteur.

Après un coup d'œil sur l'état de l'opinion en France, relativement aux colonies, en 1789, l'orateur examine le discours dans lequel Necker aborda, aux États généraux, quelques-unes des questions qui intéressaient les colonies. Poursuivant l'historique des événements, il parle ensuite de l'admission des députés de Saint-Domingue dans l'Assemblée, le 8 juin 1789, puis de la séance du 27 juin dans laquelle fut discutée l'importante question du nombre de députés à accorder à Saint-Domingue. Cette discussion, continuée les 3 et 4 juillet, fut marquée par les discours de Nérac, de Mirabeau, de Lanjuinais, de la Rochefoucauld et de Bouche. Enfin, la représentation coloniale étant fixée d'une manière définitive et générale, les ministres présentèrent, le 27 septembre, un mémoire sur le danger d'appliquer aux colonies les principes de la déclaration des Droits de l'homme, et l'Assemblée manifesta sa défiance envers les députés coloniaux. En même temps, le comité des gens de couleur libres, dans une adresse à l'Assemblée et au roi, réclama des députés pour les mulâtres, mais sans rien obtenir. Ils résolurent alors de forcer la main à l'Assemblée, en déposant sur son bureau trois pamphlets de Sébire, de Grégoire et de Cournot, qui faisaient appel à la guerre servile.

L'insurrection couvait d'ailleurs aux colonies depuis plusieurs mois. A Saint-Domingue, les trois assemblées provinciales administraient sans souci du gouverneur et des intendants. A la Martinique, une assemblée générale se réunissait le 16 novembre et promulguait une loi électorale. Enfin, à la Guadeloupe, une assemblée coloniale extraordinaire, réunie le 1er décembre 1789, annulait les élections de Paris. Bref, ces trois colonies tentaient d'échapper à l'administration de la France.

Ces graves nouvelles décidèrent les députés coloniaux à demander à l'Assemblée d'examiner la pétition envoyée le 22 octobre par les gens de couleur libres, qui en envoyèrent une seconde sur ces entrefaites. La discussion de cette pétition remplit les trois séances des 1, 2 et 3 décembre 1789. Cocherel, appuyé par Moreau de Saint-Méry, Lameth et Clermont-Tonnerre, demanda l'ajournement du débat jusqu'au moment où les colonies auraient exprimé leurs

vœux. L'Assemblée, fatiguée, rejeta toutes les propositions en bloc.

Cependant, l'anarchie qui s'aggravait aux colonies, malgré les vains efforts des gouverneurs, ramena sur elles l'attention de l'Assemblée nationale. Une première discussion eut lieu le 1er mars; le 8 mars, Barnave proposa une solution modérée, dans un rapport auquel il annexait un projet de décret invitant les assemblées coloniales à exprimer leurs vœux. L'Assemblée vota ce décret sans entendre Pétion et Mirabeau. Barnave le compléta par une longue instruction sur le mode d'élection aux colonies, instruction qui fut également votée le 28 mars.

A ce moment même, Saint-Domingue entrait en hostilité ouverte avec l'Assemblée nationale. L'assemblée générale de l'île se déclarait en permanence le 30 avril, prenait le gouvernement de l'île et destituait le gouverneur, malgré les efforts de la province du Nord, dont l'Assemblée voulait rester fidèle à la France. L'Assemblée constituante, irritée, annula ces mesures le 10 octobre : c'était refuser aux mulâtres les droits politiques. A la Martinique, la désorganisation administrative était complète; le gouverneur était abandonné par ses troupes, ce qui décidait la Constituante à envoyer, le 6 novembre 1790, deux commissaires pour rétablir l'ordre en même temps qu'on faisait partir pour Saint-Domingue deux vaisseaux de renfort pour y apaiser l'anarchie.

Les affaires coloniales prenaient donc une tournure si inquiétante, que la Constituante leur consacra une série de séances, du 7 au 17 mai 1791. Enfin, elle décida la réunion d'une assemblée générale des Antilles; mais, le 2 juillet, les esclaves de SaintDomingue se soulevèrent, et le décret que vota la Constituante le 24 septembre 1791, pour donner aux assemblées coloniales le droit de régler l'état politique des hommes de couleur, ne fit que compliquer la situation.

M. Georges Meunier termine cette étude par un jugement sur l'œuvre coloniale de la Constituante. Elle a manqué de décision et de fermeté, conclut-il; mais à qui la faute, sinon à l'ancienne monarchie, dont elle a recueilli trop tard l'héritage compromis par l'incurie et la négligence de Louis XV?

La parole est ensuite donnée à M. NICOLLET, professeur à Gap, de la Société d'études scientifiques et littéraires des Hautes-Alpes,

pour la lecture de son rapport sur le Collège communal de Gap avant la Révolution.

En 1577, les consuls de la ville de Gap se procurèrent deux régents pour instruire la jeunesse aux bonnes lettres humaines. L'un enseignait le latin, l'autre le français; celui-ci, Pierre Long de Prunières, recevait 30 livres tournois d'appointement; l'autre, noble Antoine Vailliet de Theys, recevait 80 livres tournois (").

Pour subvenir à ces dépenses, les consuls mirent en adjudication les droits de la ville sur les ventes de céréales (2) et de viande de boucherie, sur les étaux de la place Saint-Étienne et les poids publics; ils louèrent les fours, les boutiques appartenant à la ville et les montagnes pastorales communales : ce qui produisit un revenu total de 9,000 florins. Ce fut là le germe du collège communal de Gap.

Ce collège, ou plutôt cette école communale, était situé près du rempart de la ville (3), dans l'îlot de maisons qui est limité par la rue de Provence, la rue Saint-Arey, la rue Carnot (ancien rempart) et la rue qui s'appelle encore aujourd'hui rue de l'École. Entre cette rue et la rue Carnot, il y a une petite place qui s'appelait autrefois place de l'École.

Pendant la période des guerres de religion, cette école disparut. Les protestants, soit par achats soit par donations, acquirent tout l'îlot de maisons, le rebâtirent et y installèrent leurs écoles publiques, le temple et l'habitation particulière du ministre (1).

L'édit du 16 avril 1601 (5) laissa la petite classe du collège aux réformés pour loger leur maître d'école qui devait être entretenu à leurs dépens, comme les catholiques devaient entretenir leurs classes et leurs maîtres.

En 1599, Clavel Souchon avait légué à l'église protestante de Gap 300 livres pour les pauvres et 300 livres pour l'établissement d'un collège. L'hôpital prétendit que ces 300 livres ne suffiraient pas pour l'établissement d'un collège, que ce collège ne produirait pas les fruits qu'on en attendait, et se fit attribuer cette somme. Les protestants n'eurent donc pas de collège, mais seulement une école (°).

(1) J. Roman, Histoire de Gap, p. 153.

(2) J. Roman, Histoire de Gap, ibid.

Archives départementales des Hautes

Alpes, minutes de Sochon, notaire à Gap; actes du 20 décembre 1577 et du 21 février 1578.

(3) Archives départementales, série G, no 148, sentence du vibailli en 1618. (4) J. Roman, Histoire de Gap.

(5) Archives municipales de la ville de Gap, livre rouge ou livre des libertés de la ville de Gap. Charronnet, Histoire des guerres de religion dans les Hautes

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Alpes, chap. xII, p. 255.

(6) Charronnet, ibid., chap. xv, p. 338; archives départementales, fonds de l'hospice de Gap.

De 1601 à 1616, les catholiques n'en eurent pas non plus. C'est sous l'épiscopat de Charles-Salomon du Serre, qui imprima une forte impulsion à la réaction catholique, que le collège fut réorganisé. La direction en fut confiée aux dominicains, qui s'étaient établis à Gap en 1313, sous l'épiscopat de Guillaume Gibelin (1).

Par acte du 4 octobre (2), Guillaume Davin et Paul Belloz, châtelain royal de Montalquier, consuls de Gap, assistés de Gaspard Philibert, prêtre bénéficier, Jean Rochas, auditeur, et Jean Meissonnier, en vertu des délibérations des conseils généraux et particuliers de la ville, donnèrent au père prieur des jacobins, Guillaume Pétenis, la régence des écoles de la ville et lui confièrent pour deux ans, à partir de saint Michel même année, l'instruction de la jeunesse faisant profession de la religion catholique, apostolique et romaine.

Le prieur se chargeait d'entretenir deux régents capables et suffisants pour l'instruction de la jeunesse, qui feraient première et deuxième classes, et de fournir tout ce qui serait nécessaire pour ladite éducation. Les maîtres s'engageaient à conduire les enfants aux processions et à enseigner les belles-lettres de tout leur pouvoir.

La ville promettait de payer tous les ans au prieur 255 livres, savoir, la moitié au commencement de l'année et l'autre à la fin de chacune des années. Les mandats furent payés exactement; les deux derniers sont datés l'un du 7 mars 1618 (97 livres 10 sous), l'autre du 14 novembre 1618 (127 livres 10 sous).

convenu que

Comme l'ancien local des écoles était occupé par les protestants, il fut les écoles se tiendraient dans la maison vieille du couvent des dominicains, aux endroits les plus commodes, aux frais du prieur("). Le couvent des dominicains était situé sur la place Grenette, là où sont aujourd'hui le tribunal civil et la maison Bontoux. Là était aussi le prétoire du vibailli. Les écoliers de cette époque étaient, paraît-il, aussi bruyants que ceux d'aujourd'hui et leur vacarme assourdissant faisait que le vibailli était condamné à juger les causes sans les entendre. Son logis était au-dessous du cloître et il ne lui était plus possible d'administrer la justice; il y avait eu plusieurs plaintes des habitants. Pour en finir, le vibailli rendit, le 23 octobre 1618, une sentence ordonnant aux dominicains de ne plus tenir le collège vis-à-vis de son prétoire, attendu que le bruit des écoliers était incommode aux voisins (").

Quel fut l'effet de la sentence du vibailli? Je ne saurais le dire d'une

(1) Archives communales de Gap, registres des délibérations du conseil. (2) Archives départementales, série H, n° 170.

(3) Archives départementales, C. 148, et archives municipales, registre des contrats passés en 1616 (notaire Clari).

(4) Archives départementales, C. 148.

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