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HENRI METTRIER

Correspondant du Ministère de l'Instruction publique

LA FORMATION

DU

DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-MARNE

EN 1790

ÉTUDE DE GÉOGRAPHIE POLITIQUE

Ouvrage publié sous les auspices de la Société historique et archéologique de Langres
Avec 1 carte dans le texte et 7 cartes hors texte

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PRÉFACE

La division de la France en départements a fait l'objet d'appréciations diverses, et l'on s'est placé, pour la juger, à des points de vue extrêmement différents. Accueillie d'abord presque partout avec le plus vif enthousiasme, mais blâmée par les détracteurs systématiques du nouvel ordre de choses, elle a été regardée tantôt comme une mesure de sage administration et de prudente politique, tantôt comme un instrument tout préparé pour asseoir sur des bases dangereuses l'autorité d'un pouvoir central sans contrepoids et sans contrôle. Aujourd'hui, bien que l'on rende justice aux vues de l'Assemblée constituante, qui a mis ainsi le dernier sceau à l'œuvre de l'unité nationale, on est généralement d'avis que la division en départements ne répond plus aux besoins de notre époque. Un puissant mouvement d'opinion s'est prononcé en faveur de l'établissement de circonscriptions plus vastes qui, tout en permettant de réduire les dépenses d'administration, favoriseraient la renaissance de la vie provinciale, étouffée par un siècle, et plus, de centralisation excessive (1). En présence de la rapidité inouïe dont bénéficient actuellement les communications et les transports, le maintien de départements trop petits, trop faibles,

(1) Ce mouvement est représenté surtout actuellement par la Fédération régionaliste française (fondée en 1900), qui publie un bulletin mensuel, l'Action régionaliste. Les arguments des décentralisateurs sont exposés dans un grand nombre de livres, articles et brochures de propagande, parmi lesquels on peut citer: JULES FRANCK, Une carte de France à faire. Les départements actuels et les anciens pays, in Revue de Géographie, I, 1877, p. 341-352; P. FONCIN, Les Pays de France, Projet de fédéralisme administratif, in Revue de Paris, 1898, t. II, p. 737-767, et Régions et pays (Bibliothèque de propagande régionaliste), Toulouse, 1903, in-18; - CH. BEAUQUIER, La France divisée en régions, Toulouse, 1901, in-8, et Les circonscriptions territoriales en France, in Bulletin du Comité des travaux

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paraît une choquante anomalie. Les géographes leur reprochent de ne pas tenir compte des divisions naturelles du sol, les historiens, de méconnaître les anciens groupements provinciaux qui rappelaient la formation progressive du territoire français. Tous s'accordent pour voir dans l'organisation départementale établie en 1790, une œuvre hâtivement conçue, insuffisamment préparée, offrant à chaque pas des exemples de la méthode arbitraire avec laquelle ce grand changement fut réalisé.

Ces critiques sont légitimes, du moins dans une très large mesure. Mais si l'utilité d'un remaniement des cadres administratifs de la France est actuellement reconnue par beaucoup d'esprits, on ne saurait se dissimuler par contre les difficultés considérables que rencontre la mise à exécution de ce projet. Il blesserait trop d'amours-propres locaux, il se heurterait à trop d'obstacles, pour que l'on puisse espérer le voir se réaliser immédiatement. A défaut d'autre conséquence pratique, la faveur qui s'attache à l'idée décentralisatrice aura eu du moins pour résultat d'attirer l'attention des érudits et des chercheurs sur la division territoriale de la France actuelle. Non seulement on a essayé d'en déterminer le plus ou moins de valeur, en la confrontant avec les divisions naturelles et traditionnelles du pays, mais on a commencé à la scruter de plus près, dans le détail de ses origines, et depuis quelques années, plusieurs monographies ont été consacrées à l'histoire de la formation de tel ou tel département (1).

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historiques et scientifiques, Section des Sciences économiques et sociales (Congrès des Sociétés savantes de 1907), 1908, p. 131-135; L. SENTUPÉRY, Economies, réformes. Les grandes régions administratives, Paris, s. d., in-8; P. RODEN, La réforme administrative par la réforme géographique, Paris, 1906, in-8 (thèse); H. CAVAILLES, La représentation des intérêts régionaux, in Revue politique et littéraire, 5o série, VIII, 1907, p. 271-276; P. VIDAL DE LA BLACHE, Régions françaises, in Revue de Paris, 1910, t. VI, p. 821-849, cette dernière étude plus spécialement géographique et économique. M. J. CHARLES-BRUN vient de publier, sous le titre Le Régionalisme, Paris, 1911, in-16 (Bibliothèque régionaliste), un exposé complet de la thèse régionaliste, envisagée aux divers points de vue administratif, intellectuel, économique et social. On y trouvera notamment, dans l'appendice III, une liste des divers projets de division de la France en régions, depuis 1851 jusqu'à nos jours, projets dont nous n'avons pu, dans notre conclusion, examiner que quelques-uns, choisis parmi les plus caractéristiques.

(1) F. MÈGE, Formation et organisation du département du Puy-de-Dôme (Mém. Acad. des Sc., Belles Lettres et Arts de Clermont-Ferrand, nouv. série, XV, 1873, p. 175-509). · F. BOURNON, La formation du département de Paris et

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