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que nos espèces actuelles, plus ou moins refoulées vers le sud, selon les alternatives, auraient effectué leur retour et reconquis sur notre sol toute la place qu'elles y avaient précédemment occupée. J'ajouterai que ces migrations, à mon sens, ne peuvent rien avoir de plus inacceptable que celles qui, dans le cours du miocène, nous auraient valu, malgré la distance et la brièveté du temps, les types qu'on fait venir des alentours du pôle, qui se seraient répandus aussitôt que constitués et qui ont commencé à se substituer, chez nous, à ceux qui composaient alors notre flore. Elles apparaissent même avec d'autant plus de probabilité que la Méditerranée, aux limites actuelles de laquelle M. Em. Blanchard n'assigne qu'une date récente, les aurait moins entravées.

Ne répudiant rien des grands froids quaternaires et me mettant en même temps en présence des grandes chaleurs des âges précédents, j'ai essayé d'en montrer la double et véritable cause. Aussi longtemps qu'ils n'auront pas été confirmés en fait par l'astronomie, les glissements polaires sur lesquels je m'appuie pourront être contestés, malgré leur évidence géologique. De même, à défaut d'observations suffisamment précises dans leur ensemble, on peut, aujourd'hui encore, élever des doutes sur la mesure exacte dans laquelle la précession des équinoxes, sur la base de l'excentricité de notre orbite, superpose ses effets à ceux de l'autre action. Rien, il me semble, ne se justifie moins que les idées auxquelles je viens de toucher.

L'ENFANT A LA CRÈCHE.

LETTRE

Adressée à M. le Conservateur du Musée de Bar-le-Duc par M. L. MAXE-WERLY, membre correspondant.

MON CHER COLLÈGUE ET AMI.

E vous expédie ce jour, sur votre demande, le moulage, que j'ai fait faire dans les ateliers du Louvre, du délicieux sujet connu sous le nom de l'Enfant à la crèche, et je joins à mon envoi différents objets pour votre Musée. Je n'ai point à vous redire ici ce que j'ai éprouvé en retrouvant cette œuvre attribuée à notre grand sculpteur; ce sentiment vous l'éprouverez sans doute à la vue de ce moulage, cependant si inférieur au modèle que je ne me lasse point d'aller admirer, et vous déplorerez assurément la destruction du monument dont il faisait partie.

A quel monument peut avoir appartenu ce fragment de sculpture si remarquable? faut-il accepter l'indication du catalogue

qui lui attribue comme provenance l'ancien château de Ligny? enfin doit-on reconnaître dans cette œuvre le ciseau de Ligier Richier? Telles sont les questions qui, naturellement, se présentent à l'esprit, en lisant l'inscription placée par l'administration du Louvre au-dessous de ce chef-d'œuvre de la Renais-

sance.

Ne pouvant en ce moment consulter nos archives et y rechercher des documents qui, je l'espère, pourront permettre de résoudre ces questions, je vais toutefois vous soumettre les renseignements que j'ai recueillis, vous laissant le soin de poursuivre ces recherches et de vous assurer si j'ai bien compris le sens des textes consultés à ce sujet.

Le catalogue du Musée du Louvre indique sous le N° 91 la mention suivante: Ligier Richier, puis au-dessous : « Ce fragment est tout ce qui reste d'une grande composition qui dut être un chef-d'œuvre; il fut longtemps encastré dans un des murs du château de Ligny, appartenant dès le xe siècle aux Luxembourg. »

En présence d'une rédaction aussi précise, le doute ne paraissait guère permis; ce fragment venait de Ligny; c'était l'œuvre de L. Richier, et en recourant au livre d'entrée je devais non-seulement en acquérir la preuve, mais encore y rencontrer quantité de détails sur les circonstances qui avaient précédé son arrivée au Louvre. Grâce à l'obligeance de M. Courajod, conservateur-adjoint, et mon collègue aux Antiquaires de France, j'ai pu examiner le passage du livre d'entrée relatif à ce petit monument; voici l'indication qui y est rapportée :

«< 1852, Enfant à la crèche acheté de M. Pillotel, membre de la Cour de Poitiers, au prix de 500 fr. » - Rien de plus! Vous comprenez, mon cher collègue, combien ma déception a été grande à la lecture de cette mention si peu explicative, et muette sur les deux points qui m'intéressaient si fort. L'indication du catalogue étant formelle sur la question de provenance et sur le nom de l'artiste, je devais donc accepter que, à l'époque de l'acquisition de cette sculpture, le vendeur avait fait connaître à l'administration les diverses circonstances dans lesquelles ce fragment était arrivé entre ses mains, et communiqué,

à M. de Laborde, les preuves établissant le nom de son auteur et le lieu de sa provenance, renseignements non consignés au livre d'entrée; enfin il me fallait croire que, avant de présenter au public l'Enfant à la crèche comme une œuvre de L. Richier, ayant fait partie d'une grande composition autrefois dans le château de Ligny, il avait été permis au rédacteur du catalogue de contrôler les renseignements donnés par le vendeur.

Les archives du Louvre ne me procurant à cet égard aucun renseignement, ne pouvant consulter l'inventaire du mobilier de l'église Saint-Maxe dressé après la suppression du Chapitre de cette collégiale, je me suis livré sur place, dans ma bibliothèque, à une enquête dont voici le resultat.

Dans sa Notice sur Notre-Dame-des-Vertus de Ligny (1), le R. P. Chevreux rapporte que, à l'époque de la Révolution, l'église collégiale de cette ville fut saccagée, les tombeaux violés, les marbres mutilés et dispersés, et les bronzes envoyés à Paris; puis dans une note (a), il ajoute : « En 1829, on voyait, au Louvre, dans la salle des sculptures et des statues, auprès de l'escalier en entrant, un groupe monumental provenant de l'église collégiale de Ligny; la base était en stuc et les figures en albâtre; il portait l'indication du lieu d'où il avait été tiré. »

Ce renseignement, que le R. P. Chevreux m'annonce avoir puisé dans les manuscrits de M. l'abbé Comus, ne trouve point sa confirmation dans la description des sculptures qui existaient au Louvre à cette époque; je ne rencontre aucune trace de ce monument; les inventaires n'en font pas mention.

Dans cette note il n'est point fait allusion à l'Enfant à la crèche, et jamais je n'aurais songé à vérifier l'exactitude de l'indication donnée par le catalogue du Musée, si mon attention n'avait été éveillée par les termes mêmes de ces deux rédactions Groupe monumental provenant de l'église collégiale de Ligny d'une part, et grande composition encastrée dans un des murs du château de Ligny d'autre part.

Consultant alors les auteurs qui se sont occupés de Ligny, j'ai extrait de leurs ouvrages les passages concernant la collégiale,

(1) Bar-le-Duc, 1864, page 15.

et recherché dans les historiens de la Lorraine s'il n'était pas possible de découvrir à quel monument aujourd'hui détruit, avait appartenu l'Enfant à la crèche; voici dans leur ordre de provenance les renseignements recueillis :

Nicolas Vignier (1), le plus ancien des auteurs que j'avais à ma disposition, se tait sur les monuments qui, de son temps, existaient dans la chapelle du château de Ligny; il rapporte que plusieurs des princes de la maison de Luxembourg y ont leurs tombeaux; il n'en décrit aucun et se borne à en relever les inscriptions.

Le P. Benoit Picard (2), qui consacre un chapitre à la description de la collégiale, ne dit rien des monuments qu'elle renfermait.

Durival s'exprime ainsi dans son article sur Ligny (3): «Ily a beaucoup de monuments de la maison de Luxembourg. Le plus remarquable est celui d'Antoine de Luxembourg et de Marguerite de Savoie dont les figures sont en albatre (4).

Dans sa Notice de la Lorraine (5), à l'article Ligny, dom Calmet rapporte que la collégiale a subsisté jusqu'en 1746, époque à laquelle le château fut détruit par ordre de Stanislas; il ne fait connaître aucun des monuments que possédait cette église. Maillet (6) copie textuellement ce que rapporte Durival.

Les travaux de M. l'abbé Comus me sont inconnus, mais sur un exemplaire de la Description de la Lorraine, qui me vient de sa bibliothèque, et dont les marges sont couvertes de notes écrites de sa main, je ne vois rien ayant rapport aux œuvres d'art que renfermait la collégiale de Ligny.

M. Bonnabelle, notre collègue, ne donne aucun détail sur les richesses de cette église, vendue et démolie en vertu d'un arrêté du 11 décembre 1790 (7); enfin dans la Vie du bienheu

(1) Histoire des comtes et des ducs de Luxembourg, in-4°. Paris, 1619. (2) Pouillé du diocèse de Toul, in-8°. Toul, 1711.

(3) Description de la Lorraine, in-40. Nancy, 1753, p. 256.
(4) Antoine mourut en 1558; sa veuve vivait encore en 1589.
(5) Nancy, 1756.

(6) Mémoires alphabétiques sur le Barrois, in-12. Nancy, 1773.
(7) Etudes sur les seigneurs de Ligny, etc., in-8°. Bar-le-Duc,
sur Ligny-en-Barrois, in-8°. Bar-le-Duc, 1881.

1880. Notes

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