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quelque ancienne maison religieuse dont les archives aient été dispersées ou détruites, sa valeur augmente en raison même de ces différentes considérations. Or tel est le cas du cartulaire que nous publions ici; et, tels sont aussi les motifs qui, au mois d'octobre 1878, lors de la vente d'une des plus riches et des plus importantes bibliothèques de notre province', nous avaient déterminé à tenter les plus sérieux efforts pour nous en rendre acquéreur au nom et au profit des Archives départementales de la Meuse.

Seulement nous devions rencontrer à Saint-Mihiel un adversaire décidé, résolu, connaissant tout le prix du manuscrit que nous eussions voulu pouvoir lui disputer, et disposant de ressources que nous n'avions point. Force nous fut donc de renoncer à la lutte, et du cabinet de M. le président Dumont, le cartulaire de l'abbaye de Sainte-Hoïlde passa à la Bibliothèque Nationale.

Hâtons-nous de reconnaître cependant que ce fut pour nous, au milieu de notre déception, une pensée consolante que de le savoir là; il était désormais, et pour toujours, entre des mains qui en auraient soin, qui le traiteraient avec tout le respect et tous les égards dont nous l'aurions nousmême entouré, et qui, à quelque moment peut-être, s'ouvriraient pour nous le communiquer.

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' Celle de M. DUMONT, Charles-Emmanuel, né à Commercy le 3 juin 1802, et décédé le 25 juillet 1878, à Saint-Mihiel, vice-président honoraire du tribunal de cette ville. Cette bibliothèque appartenait à l'un des hommes qui, comme en témoignent amplement, du reste, ses savants et nombreux ouvrages, s'est le plus occupé de l'histoire de notre ancien pays de Bar; et toutes les fois qu'une occasion s'était présentée de l'enrichir, son propriétaire n'avait eu garde de la laisser échapper. C'est ainsi que les collections JOURSANVAULT, EMMERY, de Metz, NOËL, de Nancy, et MARCHAND, de Saint-Mihiel, lui avaient successivement fourni cette quantité de chartes, de titres originaux et de manuscrits de toutes sortes, au nombre desquels figurait en première ligne ce cartulaire de l'abbaye de Sainte-Hoïlde, dont nous nous occupons aujourd'hui, et qu'il l'avait acquis de M. Marchand. Ce dernier, si nous en croyons une note trouvée aux Archives de la Meuse, disait tenir ce volume, depuis 1792, d'une ancienne dame bénédictine de l'abbaye, peut-être bien de cette Hélène PATIN, dont nous vous rappellerons le nom plus loin, page xxviij, note 2.

Et, de fait, notre attente ne fut point trompée; et quand nous exprimâmes notre désir à M. Léopold DELISLE, ce fut de la façon la plus affable que l'éminent directeur de notre grand dépôt national accueillit notre requête. Quelques jours plus tard, le précieux volume nous était adressé pour trois mois. Trois mois ! C'était assurément plus de temps que n'en exigeait la copie des cinquante trois feuillets dont se composait notre cartulaire; mais plus long était le délai, et plus grande était pour nous l'obligation de le mettre à profit.

Aussi, au lieu de nous borner à une transcription «< currente calamo», voulûmes-nous entreprendre une reproduction exacte et fidèle, page pour page, ligne pour ligne, et mot pour mot, du manuscrit qui nous était confié. Avons-nous réussi? Ce n'est pas à nous de répondre à cette question; mais ce que nous pouvons dire, c'est que notre copie occupe maintenant, dans le dépôt des Archives de la Meuse, la place que nous nous étions, il y a de cela trois ans, flatté d'assurer à l'original.

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Bien plus, ce résultat n'est point le seul que nous ayons obtenu. A peine, en effet, nous réjouissions-nous d'avoir ainsi pu combler une des trop nombreuses lacunes de la série H de nos Archives ecclésiastiques, que, par surcroît d'heureuse fortune, un don aussi généreux qu'inattendu vint augmenter le nouveau fonds à peine créé par nous.

Informé de notre œuvre, et désireux de s'y associer en quelque manière, un de nos concitoyens qui a consacré la majeure partie de sa longue et laborieuse existence, non-seulement à l'étude de la numismatique et de l'archéologie, mais encore et surtout à celle de l'histoire de notre cher pays Barrois, M. Victor SERVAIS, sous le voile de l'anonyme qu'il nous pardonnera et nous permettra sans doute de déchirer, se dessaisit en notre faveur, ou plutôt en faveur des Archives de la Meuse, de cent quinze titres sur parchemin provenant, eux aussi, de l'abbaye de Sainte-Hoïlde.

Comment ces titres étaient-ils arrivés en sa possession? C'est ce dont M. SERVAIS s'empressa de nous fournir l'explisation suivante, que nous emprunterons, sans y changer un

mot, au rapport remis par M. l'Archiviste départemental a M. le Préfet de la Meuse, pour la session d'août du Conseil général.

« Ces parchemins, » dit M. Marchal, « ont été trouvés par le donateur, le 2 février 1855, dans le magasin d'un relieur de notre ville, à qui ils avaient été adjugés peu auparavant dans une vente publique de meubles faite au domicile d'une demoiselle Patin, morte très-âgée, et dont le père et l'aïeul avaient été, pendant de longues années, les gérants des affaires des Dames religieuses de la maison de Sainte-Hould 2.

» Ces documents, au lieu d'être restitués par ces hommes d'affaires soit aux archives de l'abbaye, soit au district en 1790, étaient, selon toute apparence, restés dans le cabinet de ces agents. Ils sont ainsi tombés entre les mains de leurs héritiers, puis ont été vendus à la mort de ces derniers. Heureusement, leur existence a été connue assez à temps pour être à peu près en totalité sauvés de la destruction.

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» Il existait aussi, parait-il, dans la même succession, deux liasses d'anciens papiers provenant également du couvent de Sainte-Hould, mais ces papiers ont été adjugés à un marchand épicier qui en a immédiatement utilisé la majeure partie pour les besoins de son commerce.

» La série de parchemins qui vient de nous être versée, comprend, comme je l'ai dit, 115 pièces; 5 appartenant au XIIIe siècle; 5 au xivo; 4 au xvo; 44 au xvro; le surplus datant des siècles suivants.

» Parmi les actes les plus anciens on remarque :

L'acquêt fait en 1288, par les Dames de Sainte-Hould, à

1 M. Victor Servais.

2 Ajoutons que le 11 avril 1791, lorsque Christophe PATIN, avocat et viceprésident du district de Bar-le-Duc, se présentait à l'abbaye de Sainte-Hoïlde pour procéder à la réception des déclarations ordonnées par le titre II de la loi sanctionnée à Saint-Cloud, le 14 octobre 1790, cette maison religieuse comptait encore au nombre de ses dames de choeur, une demoiselle Hélène PATIN, âgée de 63 ans, née à Chardogne, le 29 mai 1727, et ayant fait profession le 8 septembre 1753. Voir, au sujet de cette dame, page xxvj, note 1.

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Jennet Sairant, de Noyers, de tout ce qu'il possédait à Bussy, en fief, en hommes et en femmes.

» Des cessions de biens ou de droits par Jehan de Morei, Gérard de Rembercourt, Gérard Brugnon, chevalier, et d'autres personnages importants du pays.

» Une décharge de trois muids de blé, par Jacques Massard, chanoine de Saint-Maxe, de Bar.

» Un ascensement par Jehanne de Stainville, abbesse de Sainte-Hould.

» Enfin, l'érection de Varney en mairie, ou plutôt la séparation de cette mairie d'avec celle de Bussy, séparation rendue nécessaire par l'étendue du territoire qu'embrassaient ces deux communautés et les inconvénients qui résultaient de ce fait pour l'exercice de la justice. Cette séparation fut prononcée et entérinée par la chambre des comptes le 3 octobre 1543, comme appert par un vidimus du 12 juillet 1689.

» Ces titres intéressants, au point de vue de l'ancien langage, de l'histoire des familles, et surtout du monastère dont ils proviennent, vont, avec la copie du Cartulaire, nous constituer un fonds qui ne sera pas sans valeur. »

Telle est, en quelques lignes, l'histoire des archives de l'abbaye de Sainte-Hoïlde, et aussi, malheureusement, celle de beaucoup d'autres maisons religieuses. Ce qui nous permet d'affirmer bien haut, et sans crainte d'être démenti, que ce ne sont ni les feux de joie révolutionnaires, ni les gargousses de nos arsenaux qui ont été les pires destructeurs de ces précieux documents. Tant s'en faut, en effet, qu'il se soit toujours rencontré, juste au moment opportun, un homme éclairé, instruit, pour arracher des mains de quelque marchand, ou aux ciseaux du relieur, ces épaves qui servent aujourd'hui de matériaux pour reconstituer notre passé!

Grâce donc à un hasard heureux, grâce au laborieux et consciencieux auteur des Annales du Barrois', et à la géné

1 Bar, Contant-Laguerre, 1865-1867, 2 forts volumes in-8°, dont nous espérons que l'auteur, M. SERVAIS, voudra bien nous donner avant peu une continuation impatiemment attendue.

reuse inspiration de ce modeste savant, qui veut bien nous honorer de son amitié et de ses conseils, notre copie ne se trouve plus isolée; et elle possède maintenant tout un cortège de pièces dont nous avons l'intention, d'ici quelques mois, de publier les plus intéressantes. Cette publication, nous la ferons suivre alors d'une courte étude historique, tant sur Sainte-Hoïlde que sur les abbesses qui, depuis 1225, s'y sont succédé jusqu'à 1791.

Pour aujourd'hui, nous renfermant dans les limites que nous impose le titre même de notre travail, nous n'ajouterons. à ce qui précède, que deux ou trois observations destinées à répondre aux questions et à la curiosité de nos lecteurs.

Au point de vue chronologique, considérant que durant la période comprise entre 1225 et 1303, dates extrêmes des chartes rapportées dans le manuscrit de la Bibliothèque Nationale, l'année commençait, dans le comté de Bar, tantôt le 25 mars1, tantôt le jour de Pâques communiant, tantôt enfin la veille ou vigile de ce jour, autrement encore appelé le grand samedi 3, nous avons adopté cette dernière date comme étant celle en vigueur pour la prévôté de Bar, dont dépendait l'abbaye de Sainte-Hoïlde.

Au point de vue historique, nous avons pensé faciliter les recherches, en établissant, avec la plus minutieuse attention, trois tables : l'une des chartes, classées dans leur ordre chronologique; l'autre des noms de personnes et de familles ; et, la troisième, des noms de localités et de contrées. Est-ce à dire que, pour cette dernière table, nous soyons toujours parvenu à découvrir la véritable situation de tous les lieux cités? Non; mais cette ignorance est d'autant plus excusable de notre part que, dès 1670, dans les comptes rendus pour cette année « à très-haute et révérendissime dame, madame Marie Françoise de Nettancourt d'Haussonville de Vaubecourt, abbesse de l'abbaye et monastère de Notre-Dame de Sainte

1 Comme à Etain, à Foug, à Longwy, à Pont-à-Mousson, à Saint-Mihiel. 2 Comme à Gondrecourt.

3 Comme à Lachaussée et à Bar.

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