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tration détermine à l'expiration de la peine des condamnés. Nous estimons que cette pénalité sera peu utile dans la plupart des cas, étant donné le système répressif que nous allons développer, et qu'en conséquence, elle ne devra être appliquée qu'à la mendicité et au vagabondage avec circonstances aggravantes.

Si les vieillards de plus de 60 ans et les infirmes mendiaient ou vagabondaient au lieu de se rendre à la maison de refuge ou d'y rester après y avoir été admis, ils seraient traduits devant les tribunaux et condamnés non pas à l'emprisonnement pénal, mais à un internement de six mois à trois ans dans lesdites maisons de refuge. Ainsi qu'on l'a vu ci-dessus, des quartiers séparés doivent être affectés à ceux qui aiment mieux commettre des délits que de profiter des secours mis à leur disposition.

Quant aux vagabonds et mendiants valides et dans la force de l'âge qui, après une première condamnation, se rendraient coupables d'une nouvelle infraction dans les deux ans qui suivraient l'expiration de leur peine, ils devraient, sans préjudice de la peine de l'emprisonnement qui serait prononcée, être internés dans une maison de travail pendant un temps qui ne pourrait être inférieur à huit mois ni excéder deux années. En cas de récidive dans ce même délai de deux ans après leur sortie de prison et de la maison de travail, ils seraient passibles d'un internement dans ladite maison, d'une durée de deux à quatre années. Ces dispositions pénales seraient exécutées sans préjudice de la relégation qu'encourent les vagabonds dans certains cas en vertu de la loi du 27 mai 1885.

Tels sont, dans leurs traits principaux, les moyens qui nous paraissent propres à combattre le vagabondage et la mendicité. Nous réclamons en conséquence leur mise en pratique. Si cependant il était démontré qu'ils présentent trop de difficultés d'application, nous nous bornerions à demander que la question que nous venons de traiter soit l'objet d'une étude approfondie. Le but de ce travail. est moins, en effet, de faire adopter nos idées que d'appeler l'attention des pouvoirs publics sur les dangers que font courir au pays ces deux délits si éminemment anti-sociaux, la mendicité et le vagabondage.

H. PASCAUD.

REVUE DE L'ACADÉMIE

DES

SCIENCES MORALES ET POLITIQUES

(Du 15 février 1888 au 15 mai 1888).

SOMMAIRE: Dupont de Nemours.

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- La population de l'Italie. La Société de la morale chrétienne. — Le premier code de commerce. Travaux divers. Les populations agricoles de

l'Ile de France.

- La condition des ouvriers dans la Cisleithanie. — Com

munications des savants étrangers.

Décès. Nominations.

I

M. Léon Say a fait une intéressante communication sur Dupont de Nemours et l'école physiocratique d'après des documents inédits, notamment d'après une correspondance de Turgot. Il nous montre Turgot se plaignant en termes des plus vifs de l'attitude de Dupont de Nemours,qui avait, de son plein gré, modifié des passages d'un Mémoire qu'il avait envoyé; Dupont de Nemours avait voulu maintenir l'unité, la pureté de la doctrine des physiocrates et, en modifiant le texte du travail, il tentait de présenter Turgot comme beaucoup plus physiocrate qu'il n'était en réalité. Turgot se défendait et, traitant assez durement Quesnay, il affirmait qu'il ne voulait passer ni pour un économiste, ni pour un encyclopédiste. C'était évidemment l'influence des idées qui avaient alors cours.

M. Léon Say note aussi que le mémoire sur les municipalités, que l'on attribue parfois à Turgot, était bien l'œuvre de Dupont de Nemours; il remarque que l'on y trouve tout le programme moderne de l'instruction primaire établissement dans chaque commune d'une école publique, caractère laïque et obligatoire de l'enseignement, instruction civique au moyen de manuels approuvés par l'autorité civile; mais la liberté était absolument assurée.

M. Léon Say termine en constatant la grande part prise par Dupont de Nemours au traité de commerce avec l'Angleterre de 1786. De l'analyse d'une note sur les bibliothèques d'art industriel de la ville de Paris, analyse présentée par M. Gréard, il y a lieu de retenir certains détails intéressants.

C'est en 1885 seulement que cette institution fut fondée; aujourd'hui, elle compte trois établissements au boulevard Montparnasse, dans les deuxième et onzième arrondissements. Ces trois

bibliothèques possèdent environ 30.000 ouvrages ou estampes, provenant de dons ou acquis à l'aide de subventions du conseil municipal. Le nombre des prêts sur place ou à domicile s'est élevé à 23,051. C'est pendant les mois de mars, avril, mai et juin que la fréquentation se maintient au chiffre le plus élevé; janvier et février sont des mois de ralentissement. De juillet à novembre, la moyenne oscille entre 1.500 et 2.000; elle se relève en décembre; c'est en mars qu'elle atteint le maximum, 3.225, c'est en janvier qu'elle tombe au chiffre le plus bas, 733. Aux bibliothèques sont annexées des conférences dont le sujet varie suivant l'industrie de la région; ces conférences seront réunies en volume, dont l'ensemble constituera un véritable cours d'éducation professionnelle fait par des hommes d'une capacité pratique indiscutable.

En présentant une étude de M. Beloch sur la population de l'Italie, M. Levasseur a signalé certaines observations du savant italien qu'il importe de recueillir ici. Ainsi la population de l'Italie, qui était, à la fin du xvIe siècle de 11 millions, à la fin du xviro de 10 millions, à la fin du XVIIIe de 16 millions, atteint aujourd'hui 30 millions. Elle a diminué au xvra siècle par suite des guerres et des épidémies,a suivi une augmentation de plus en plus rapide, proportionnellement plus rapide qu'en France; dans toutes les provinces, la densité a augmenté, mais elle est restée plus forte dans celle qui, comme la Ligurie et le Milanais, étaient déjà des plus peuplées aux siècles passés.

A l'occasion de la mort de M. Carnot et du désir qu'il éprouvait de mettre en lumière le rôle joué par une société trop oubliée aujourd'hui, la Société de la morale chrétienne, M. Ed. Charton a fait connaître les travaux de cette Société.

Cette Société de la morale chrétienne, qui a décerné un prix à M. Charles Lucas pour son mémoire sur la peine de mort, était composée d'hommes d'opinions diverses en religion, en philosophie, en politique, mais non point en morale; elle comptait parmi ses membres le duc de Larochefoucauld Liancourt, Victor de Broglie, Auguste de Staël, Lafayette, Delessert, Guizot, le général Foy, Benjamin Constant, de Lasteyrie, Charles de Rémusat, Dufaure, Vivien, de Tocqueville et tant d'autres. Son but était de pratiquer la vérité par la charité, c'est-à-dire par l'amour de l'humanité. Elle était divisée en comités qui s'occupaient spécialement de l'abolition de l'esclavage, de la loterie et des jeux, de la réforme des prisons, du placement des jeunes orphelins, de la peine de mort, etc. Le comité chargé d'étudier les causes de la misère et de pratiquer la bienfaisance en procurant aux malheureux des instruments de travail, des

moyens de relèvement et aussi en corrigeant les habitudes vicieuses était dirigé par M. Carnot; il a beaucoup travaillé et il a énergiquement lutté pour l'amélioration physique et morale des classes déshéritées. Il est fâcheux que cette Société n'ait point eu une existence plus longue et qu'elle ait été trop tôt dissoute par les événements politiques.

M. Glasson a lu une curieuse notice sur le premier code de commerce; ses conclusions méritent d'être signalées.

Tandis que l'on soutient que c'est la France qui a eu le premier code de commerce, on affirme de l'autre côté du Rhin que la première codification du droit commercial a été faite en Allemagne en 1794. Cependant, bien avant cette époque, sous Louis XIV, en 1673 et en 1681, les ordonnances sur le commerce et la marine avaient formé un véritable code de droit commercial très supérieur à l'œuvre allemande. On a réclamé en faveur de la Catalogne, au moins en ce qui concerne le commerce maritime, pour le Consulat de la mer. Mais ce n'est pas une œuvre législative; d'ailleurs rien ne prouve qu'elle ait été rédigée en catalan. C'est la France qui a codifié le droit commercial terrestre ou maritime en 1673 et 1681; au moyen àge, il n'a existé que de simples coutumiers. Même si on veut les assimiler à des codes à cause de leur autorité considérable, la France peut revendiquer la priorité; des deux coutumiers de droit maritime du moyen âge, l'un, les Rôles d'Oléron (acceptés par les puissances maritimes de l'Océan), est certainement français et l'autre, le Consulat de la Mer (qui formait le droit commun de la Méditerranée), appartient peut-être à la même nationalité; enfin le premier est très probablement antérieur au second.

D'autres travaux, qu'il y a simplement lieu de mentionner ici à raison de leur sujet, ont été communiqués: M. Anatole LeroyBeaulieu a lu un mémoire sur l'église russe et l'autocratie; M. Jules Simon a présenté une notice que M. H. Carnot se préparait à soumettre à ses collègues au moment de sa mort, sur les premiers échos de la Révolution française au delà du Rhin, et qui tendait à démontrer qu'au début la Révolution fut accueillie avec sympathie par tous les esprits d'élite et qu'une réaction se produisit seulement à la suite des excès de la Terreur, réaction qui s'accentua fortement lors des guerres de conquêtes de l'Empire; M. Chaignet, correspondant pour la section de philosophie, a adressé un fragment sur la psychologie des stoïciens, et M. G. Moynier, correspondant pour la section de morale, l'histoire de la société de secours aux blessés militaires connue sous le nom de « Croix Rouge ».

II

M. Baudrillart a continué la lecture de son rapport sur la condition des populations agricoles de l'Ile de France rédigé à la suite de l'enquête entreprise sous les auspices de l'Académie.

Le Laonnais se distingue, au point de vue de la propriété rurale, par une excessive division; il n'est pas rare de rencontrer des champs qui ont à peine un mètre de largeur. Les inconvénients d'une pareille situation se devinent. Le travail des paysans est écrasant. La condition des ouvriers ruraux semi-industriels est plus affligeante par suite des ravages effrayants de l'alcoolisme,qui,là encore, engendre la misère et l'abrutissement. Les populations de l'Oise qui appartiennent à l'Ile de France et qui habitent les arrondissements de Compiègne et de Senlis ont vu leur état s'améliorer d'une façon très remarquable depuis un siècle. Les ouvriers ruraux mettent à leur logement 60 ou 65 francs et même 100 et 125 francs ; les deux tiers possèdent leurs petites habitations. Le pain, qui se cuit non plus dans les fermes, mais bien chez le boulanger, est meilleur et plus abondamment consommé. La viande de boucherie se joint à la viande de porc dans les ménages un peu aisés et dans la ferme, même quelquefois pour les ouvriers agricoles. Le cidre est la boisson ordinaire; quand la récolte des pommes est mauvaise, on le remplace par de la petite bière; les gens les plus pauvres boivent de l'eau.Les hommes sont payés pendant l'été, non nourris, de 3 à 4 francs et, l'hiver, de 2 à 3 francs. Les femmes reçoivent, suivant les saisons, de 1 à 1 fr. 50 centimes ou de 1 franc 25 à 2 francs. Au moment des travaux pressants de la campagne, on emploie un certain nombre d'ouvriers belges, dont quelques-uns s'établissent dans la contrée.

Le département de Seine-et-Oise se distingue par l'existence de trois plateaux qui ont chacun leur caractère propre ; celui de l'extrémité sud, d'une assez grande étendue, est formé par une partie de la Beauce; celui du sud-est, plus restreint, se rattache à la Brie; au nord-est, un autre plateau, presque dépourvu de bois et de cours d'eau, sépare le bassin de la Seine de celui de l'Oise. Ce département a suivi un progrès constant et l'ensemble de sa production donne l'idée d'une richesse agricole considérable; il est un des plus peuplés: il comporte 100 habitants par kilomètre carré ; la population toutefois n'est pas aussi exclusivement agricole que dans bien d'autres départements. D'après l'enquête de 1862, sur 155.000 habitants, on comptait 10.000 fermiers chefs d'industrie, 28.000 propriétaires ne travaillant et ne cultivant que pour eux, 28.000 propriétaires cul

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