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propager, mais encore de la rectifier. Il ne faut pas laisser croire à nos ouvriers qu'ils ont le droit d'empêcher les étrangers de travailler sur nos quais. Tant qu'une loi n'aura pas été édictée à ce sujet, la liberté du travail en France sera complète aussi bien pour les étrangers que pour les nationaux. »

La chambre de commerce du Mans émet le vœu que les marchands déballeurs ou forains soient soumis à une patente spéciale dans toutes les communes où ils vont faire le commerce; qu'un dégrèvement correspondant au produit des taxes nouvelles soit accordé aux marchands sédentaires. Les raisons invoquées par la chambre de commerce à l'appui de ce vœu sont que les déballeurs et marchands forains ne paient qu'une patente insignifiante, vu le chiffre de leurs affaires, au lieu de leur résidence, et qu'ils vont souvent exercer leur commerce dans des villes plus grandes que celle où ils sont imposés.

Il est bien possible que les intérêts des marchands sédentaires soient un peu lésés par le passage des marchands forains; mais, supposé qu'il n'y ait pas un peu de la faute des premiers, il faut observer que ce n'est là qu'une des faces de la question. L'autre, c'est que les consommateurs profitent de cet état de choses. Les marchands locaux paient une patente plus élevée, soit; mais ils n'ont pas les frais de déplacement des forains et ils ne courent pas les risques de se déplacer en pure perte. Ils peuvent donc se débrouiller de manière à vendre aussi bon marché, et, par conséquent, à éviter leur concurrence, sans avoir besoin de réclamer l'ingérence des pouvoirs publies dans leurs affaires.

-Les économistes ne parlent jamais des publications romantiques. Ils ont peut-être tort, car le souverain du jour, le peuple des deux sexes, ne lit guère, à part les journaux, que des romans; et c'est dans ces sortes de publications que se trouvent diluées, dosées à la mesure de son intelligence, les doctrines sociales et même antisociales. Ce ne sont pas les revues collectivistes et anarchistes qui convertissent les ouvriers au socialisme, ce sont les romans. Il serait donc à désirer que, pour contrebalancer, on fit aussi des romans économiques et, en tout cas, que l'on discutât les théories développées par nos romanciers.

La place et le temps, et beaucoup d'autres choses encore, nous manquent pour entreprendre une pareille tàche, mais, pour donner l'exemple, nous allons dire un mot de quelques romans qui nous ont été adressés.

Dans l'Honnete Vernon (Paris, E. Dentu, 1888), l'auteur, M. Jules Vander prend pour épigraphe et, par conséquent, soutient cette

thèse Les hommes ont plus de préjugés que de principes. Le fond de leur vertu, c'est la peur ». Vernon est un avocat honnête mais ambitieux. Il a ses idées sur la réformation de la société et il voudrait les faire prévaloir. Quel est l'avocat qui ne se trouve pas dans le même cas? Malheureusement pour son honnêteté, Vernon n'est pas riche et une élection coûte cher. Pour arriver à la députation, notre avocat se trouve entraîné malgré lui à commettre des actes délictueux d'abord, criminels ensuite. Là-dessus roule le roman, écrit dans un style un peu négligé, mais avec beaucoup de feu et d'entrain. L'auteur est jeune, il se perfectionnera sans doute; mais, nous ne nous lasserons pas de le redire, nous n'encouragerons personne à embrasser la carrière littéraire, en quelque genre que ce soit : il n'y a déjà que trop de têtes qui sont prises dans cette souricière et qui ne peuvent plus en sortir.

-Etienne Laurent, par George Montière (Paris, C. Dalou 1888.) est un roman simple comme son titre, mais écrit avec correction et méthode. L'auteur possède l'esprit du détail à un degré éminent.

Mais ce soin du détail ne va pas jusqu'à faire languir l'action qui est, au contraire, très mouvementée. M. Montière ne soutient pas une thèse à proprement dire il montre seulement divers inconvénients du régime des faillites, notamment en ce qui concerne les droits politiques des faillis. Laurent père a fait de mauvaises affaires qui mettent son fils Etienne dans l'alternative d'opter entre la faillite et la banqueroute et, par suite, entre son amour et l'honneur de son nom; il sacrifie ce que beaucoup d'autres auraient préféré, son amour. Ce roman en outre de son intérêt littéraire, est très moral, ce qui n'est pas des plus communs par le temps qui court.

-A cœur perdu, par Joséphin Péladan (Paris, G. Edinger, 1888) est la suite d'une série de romans du même auteur, dont les principaux sont le Vice suprême, Curieuse; l'Initiation sentimentale. M. Péladan soutient que le christianisme a faussé le sentiment esthétique, affectif et, par conséquent éthique de l'humanité, en plaçant le célibat au-dessus du mariage et le considérant comme un état plus saint, et en présentant l'amour, en dépit du Croissez et multipliez de la Genèse et de l'Aimez-vous les uns les autres de l'Evangile, comme un péché et le pire des péchés. « Dites une femme orgueilleuse, avare, envieuse, gourmande, colère et paresseuse, sa réputation demeure. Dites-la amoureuse, elle est déshonorée ».

Tout en apologisant l'amour platonique, l'auteur va souvent bien loin dans le sens opposé au christianisme; mais cela est écrit dans un style si éblouissant, si pompeux, et assaisonné de vues psychologiques si étudiées, que l'accessoire et le principal se servent

mutuellement de passe-port, et il n'en reste pas moins vrai, comme le dit l'auteur, que « le devoir féminin ne doit pas se borner au sixième commandement les œuvres de haine damnent plus encore que les œuvres d'amour >>.

Nous voilà bien loin du produit net, de l'équilibre du budget, du crédit et des banques et des autres questions se rapportant directement à la richesse, mais nous allons y rentrer.

Les grands établissements de crédit de la France par P.-F. Degoix et J. Meyer (Paris, Guillaumin et Cie, 1887), est un livre qui ne contient pas seulement de précieux renseignements sur nos divers établissements de crédit, mais encore une théorie, exposée avec beaucoup de clarté, du capital, base du crédit, et des diverses formes du crédit. L'auteur distingue quatre formes du capital : capital fixe, capital d'échange ou numéraire, capital-matières et capital libre. Ce dernier seul peut se présenter sans danger sur le marché et fournir au crédit. Le capital fixe se loue mais ne se prête pas; le numéraire ne se loue ni ne se prête; le capital matières ne peut faire l'objet d'un crédit qu'à court terme; le capital libre se prête à tous les emplois qu'on veut lui donner, soit à court, soit à long terme ; mais cette partie du capital général est très limitée: elle est évaluée à environ 2 milliards par an sur près de 200 milliards. Si le crédit dépasse les limites du capital libre, il empiète sur le capital-matières et les crises sont les conséquences de cet abus du crédit.

Nous recommandons la lecture attentive de ce livre à tous ceux qui croient qu'il suffit d'une loi ou d'un décret des pouvoir publics pour créer et organiser le crédit agricole, le crédit ouvrier et le reste; ils y apprendront, nous l'espérons, que non seulement le crédit officiel n'est pas possible, mais, supposé qu'il le fût, il faudrait encore éviter d'y recourir, car, en créditant une industrie quelconque, l'agriculture, si l'on veut, on pousserait à la multiplication. de ses produits au delà des besoins de la consommation. Or, on le sait, produire plus que les débouchés ne le permettent, c'est avilir les produits, c'est ruiner l'industrie que l'on voulait favoriser en lui accordant un crédit factice.

- La vérité sur le Crédit foncier. Danger de la crise immobilière pour toutes ses actions et obligations, par J. Heu, ancien notaire, (Paris, Chevalier-Maresq et Cie, 1887). Le titre et le sous titre de cette brochure indiquent assez aux économistes qui s'occupent des questions financières qu'ils y trouveront d'utiles renseignements.

Le privilège de la Banque de France (Réponse à l'Economiste français). L'auteur de cette brochure est adversaire du monopole de l'émission des billets, concédé à la Banque de France, et réclame

part à trois!» Mieux vaut le tripole que le monopole, mais mieux, vaudrait encore le polypole. Nous n'en voulons pour preuve que les paroles suivantes de M. Leroy-Beaulieu : « La Banque de France est dans une position formidablement forte. Les pouvoirs publics, à moins de vouloir jeter la France dans une crise effroyable, doivent s'adresser à la bonne volonté de la Banque, à son intérêt bien entendu, à son patriotisme! Mais ils seraient fous de prétendre la braver et de se considérer comme les maîtres de la situation. »

« A cette violente apostrophe, dit l'auteur de la brochure que nous avons sous les yeux, nous sommes vraiment tentés de répondre que, si la situation est telle, si l'octroi à la Banque d'un monopole d'émission a eu pour résultat de créer un Etat dans l'Etat, il est grand temps d'y mettre fin ». Et le plus tôt sera le meilleur, car les petits de la lice ne peuvent que grandir.

- Réforme des services de la trésorerie et réorganisation de l'administration des contributions directes, par R. Lemercier de Jauvelle (Angers, Dumont, 1887). L'auteur de ce livre donne son projet comme présentant de grands avantages. Mais voici une brochure : La question des trésoriers généraux, par G. Marqfoy, où ces avantages sont contestés. Nous laissons aux spécialistes le soin de voir lequel a raison, ou même, si tous deux n'ont pas tort, ce qui pourrait bien être, car l'auteur du projet de réorganisation est directeur des contributions directes de Maine-et-Loire et son adversaire est trésorier-payeur général de la Haute-Garonne. Chacun d'eux voit peut-être les choses à son point de vue.

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Le monopole de l'alcool en Suisse, par H. Pascaud. L'auteur de cette brochure trouve regrettable l'exemple que la libre Suisse a donné à l'Europe en instituant le monopole de l'alcool. Il invoque à l'appui de sa thèse toutes les bonnes raisons que lui fournit la saine économie l'Etat ne tirera pas de ce monopole les ressources que Jui aurait fournies l'impôt dùment réglementé en sa forme accoutumée. L'alcool, dit-on, est souvent l'objet de falsifications nuisibles à la santé done, il faut le monopoliser. Supposé que le monopole remédie aux falsifications, ce qui serait un peu nouveau, où s'arrêterait-on sur cette pente, demande, M. Pascaud? On accuse les épiciers, les bouchers, les marchands de vins, etc., de falsifier leurs denrées. Faut-il donc confier à l'Etat la fabrication, le transport et la vente de tous ces produits ?

Rapports présentés à la chambre de commerce de Paris sur le platrage des vins et sur leur coloration artificielle, par F. Jarlaud. Observations contre la taxation des vins au degré, par le même. Considérant que la vinification complète de certains crus du Midi

ne peut être obtenue qu'à la condition qu'ils soient plâtrés jusqu'à concurrence de quatre grammes, M. Jarlaud demande que le gouvernement autorise le plâtrage dans cette proportion. Mais la santé publique ? - Quand les savants seront d'accord entre eux sur les conséquences hygiéniques du plâtrage, il sera assez temps d'y pourvoir. Dans sa seconde brochure, M. Jarlaud se prononce contre la coloration artificielle des vins, qui constitue, suivant lui, une falsification. Dans la troisième, contre la taxation au degré, qui ne présente aucun des avantages qu'on lui attribue, et qui est, d'ailleurs, impraticable.

- Les stations d'eaux minérales du centre de la France, Paris, G. Carré, 1888). La Société française d'hygiène a pris, l'année dernière, l'heureuse initiative d'organiser, en faveur de ses membres et des médecins, ingénieurs et savants qui s'intéressent aux questions hydrologiques, des caravanes ayant pour but de passer utilement et agréablement les vacances des mois d'août et de septembre à visiter les stations thermales de France et de l'étranger. La caravane a visité, l'année dernière, en septembre, les stations du centre de la France. Des conférences ont été faites dans chacune d'elles par des médecins, et ce sont ces conférences, précédées de considérations générales sur les eaux minérales et d'études climatologiques par le Dr de Pietra Santa, secrétaire général de la Société française d'hygiène, qui forment le volume que nous avons sous les yeux. Ce volume est orné de plusieurs vues de villes d'eau fort bien dessinées: Bourbon-Lancy, Châtel-Guyon, La Bourboule, Royat, etc. On y trouve des renseignements non seulement sur les eaux, mais sur les industries des villes parcourues: pastilles de Vichy, sucres d'orge, etc. Cette année la caravane hydrologique dirige ses pas vers les stations des Vosges et poussera une pointe jusqu'en Suisse. Belle occasion pour ceux qui aiment à faire des voyages hygiéniques, agréables et instructifs.

Nos rapports politiques. Tome III, Relations extérieures, par J. Raganeau (Bordeaux, A. Bellier et Cie, 1888). Il n'est pas facile de donner une idée de ce tome III, qui ne paraît pas être le dernier, et qui est écrit dans le genre utopique. Il présente du moins l'avantage de contenir un très grand nombre de citations, très utiles pour la plupart, et qu'on aime à trouver groupées ainsi : cela dispense de recourir aux sources, ou facilite les recherches.

A bas la naturalisation ou la naturalisation en face du patriotisme, par le D' Eugilvic (Gaulois Belge). En présence de la dépopulation de la France ou, du moins, du peu de progrès de sa population, on a proposé, pour grossir le tas, de faciliter la natura

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