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principal sinon pour unique souci de chercher les moyens les plus propres à prolonger son existence, en abandonnant à ses subordonnés ce qui devrait être son occupation essentielle : l'administratrion de la société. Mais il aura beau faire, il ne réussira point à apaiser les appétits insatiables de ses amis et à se dérober aux convoitises de ses ennemis; son existence sera courte, elle se comptera par mois, parfois même par semaines.

Une société industrielle si étrangement gouvernée et administrée ne tarderait guère à tomber en faillite, surtout si elle se trouvait en concurrence avec d'autres sociétés dont les affaires seraient mieux conduites. Toutefois un moment arriverait peut-être où la chute progressive des dividendes donnerait l'éveil à la masse des actionnaires, et où ils comprendraient la nécessité urgente d'un changement de système. Seulement, ce changement, qui se chargerait de l'accomplir?..

La France se trouve, en ce moment, on ne saurait se le dissimuler, dans une situation qui ne manque pas d'une fâcheuse ressemblance avec celle que nous venons d'esquisser. A la vérité, c'est une puissante société, et résistante! Elle a traversé déjà de bien dures et eruelles épreuves et s'en est tirée. Nous nous plaisons à croire qu'elle se tirera encore de celle-ci, mais il serait sage d'aviser sérieusement aux moyens de l'en faire sortir. Sans doute les sauveurs ne lui manqueront pas au besoin. Il s'en présente toujours, car le métier est bon. Malheureusement l'expérience démontre que les sauveurs coûtent cher et, cette expérience, elle l'a déjà faite deux fois. Dieu sait ce que pourrait lui coûter la troisième?

Dans la déclaration inaugurale du nouveau ministère présidé par M. Floquet, nous signalerons particulièrement ces paragraphes:

Le président de la Chambre des Députés vous disait naguère : « Ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui, et cela n'est que naturel, les problèmes touchant à la procédure politique intéressent moins vivement la nation que les questions qui atteignent au fond même de ses grandes affaires, à ses finances publiques, à son industrie, à son commerce, au sort de ses travailleurs, à son état militaire, à sa situation internationale. » Et toute la majorité adhérait à ces paroles.

Une série de lois touchant à ces grandes questions sont inscrites à votre ordre du jour; nous vous demanderons d'opérer entre elles un classement par ordre d'urgence.

...Les questions financières sont au premier rang de vos préoccupations.

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Nous espérons mettre l'une et l'autre Chambre à même d'examiner avec maturité le dernier budget de la législature et d'y introduire d'importantes réformes, notamment celles qui concernent le régime des boissons et les droits de succession.

On attachait autrefois une importance extraordinaire au mécanisme constitutionnel: on croyait qu'il suffisait de posséder une constitution rédigée suivant la formule pour assurer la prospérité et le bonhenr de la nation. C'était une illusion dont l'expérience a fait justice. Peut-être verse-t-on aujourd'hui dans une exagération opposée et fait-on trop bon marché des « problèmes touchant à la procédure politique ». Sans doute, un homme d'Etat expérimenté pourra s'accommoder d'une mauvaise constitution comme un grand artiste pourra charmer son auditoire avec un mauvais violon; mais les hommes d'Etat dignes de ce nom ne sont guère moins rares que les grands artistes. Dans le train habituel du monde, le talent et même la médiocrité sont plus communs que le génie. Il faut donc tâcher d'améliorer la qualité des instruments afin de remédier autant que possible à l'insuffisance des instrumentistes. Notre instrument constitutionnel laisse visiblement fort à désirer, et on peut craindre même qu'il ne tarde pas longtemps à se détraquer tout à fait. La seule objection qu'on puisse raisonnablement opposer à ceux qui veulent entreprendre de le réparer et de le perfectionner et nous convenons que cette objection est sérieuse —, c'est qu'ils n'y entendent rien et qu'au lieu de l'améliorer ils pourraient bien le rendre encore plus discordant et moins résistant.

Il est permis de craindre aussi que les réformes qu'il s'agit d'introduire dans le régime des boissons et des successions n'aient pas précisément pour résultat d'améliorer l'instrument de la fiscalité, et que, en cette matière, comme en bien d'autres, le statu quo, si imparfait qu'il soit, ne soit préférable au progrès des progressistes.

La proclamation de l'empereur Frédéric III à l'occasion de son avènement et le rescrit au chancelier de l'empire, qui en est la glose, ont causé à l'étranger non moins qu'en Allemagne une impression profonde. C'est que ces pages écrites d'une main défaillante et non sans un pressentiment mélancolique, sont empreintes du meilleur esprit de notre temps. Le nouvel empereur ne se borne pas à affirmer son intention de « faire de l'Allemagne le foyer de la paix » ; il n'hésite pas à déclarer à l'auteur des lois de mai, au promoteur

du socialisme d'Etat et de la politique de fer et de sang ses préférences pour la tolérance religieuse et la liberté économique, sans lui cacher son peu de goût pour la guerre.

Je veux que le principe de tolérance religieuse que, depuis des siècles, ma Maison a tenu pour sacré, continue d'être une protection pour tous mes sujets à quelque famille religieuse, à quelque confession qu'ils appartiennent. Chacun d'eux est également près de mon cœur : tous n'ont-ils pas également, aux jours de danger, prouvé leur absolu dévouement? D'accord avec ce que pensait mon impérial père, j'appuierai chaudement tous les efforts de nature à favoriser la prospérité économique des différentes classes de la société, à concilier les intérêts rivaux, à atténuer autant que faire se peut les défectuosités inévitables. Néanmoins, je ne veux pas éveiller cette espérance qu'il soit possible de mettre un terme à tous les maux de la société au moyen de l'intervention de l'Etat.

...Indifférent à l'éclat des grandes actions qui apportent la gloire,je serai satisfait si, plus tard, on dit de mon règne qu'il a été bienfaisant pour mon peuple, utile à mon pays et une bénédiction pour l'empire.

C'est le langage d'un disciple de Cobden, tenu à un héritier de Machiavel. On conçoit que celui-ci en ait été médiocrement satisfait et on s'explique que l'entente ne soit pas près de s'établir entre le souverain libéral, nous dirions presque manchestérien, du XIXe siècle et l'homme d'état du XVIe.

Une « conférence internationale des tarifs douaniers » s'est réunie le mois dernier à Bruxelles. Le gouvernement belge, qui l'a convoquée s'est proposé pour but de centraliser tous les renseignements relatifs aux tarifs de douanes et de les porter rapidement à la connaissance des intéressés, en les faisant traduire dans les principales langues commerciales du monde. Cette idée a été favorablement accueillie par les gouvernements. Au 1er mars 1888, lisons-nous dans l'Indépendance belge, 72 Etats et colonies avaient admis en principe l'institution projetée. La proposition n'a été déclinée que par la Chine et la Perse, qui prétendent que leurs tarifs sont invariables; par l'Etat d'Orange, qui ne possède pas de douane trop heureux Etat d'Orange! par l'Equateur et la république de Libéria. La Colombie, la Bolivie et le Guatemala n'avaient pu faire parvenir leur réponse à l'ouverture du Congrès.

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La conférence a tenu six séances et elle a formulé un projet de convention dont voici les dispositions essentielles :

I. Il est formé entre la Belgique et tous les pays qui, dans la suite, adhéreront à la présente convention une association sous le titre de « Union internationale pour la publication des tarifs douaniers. »>

II. Le but de « l' Union» est de publier à frais communs et de faire connaître aussi promptement que possible les tarifs douaniers des divers Etats du globe et les modifications que ces tarifs subiront dans la suite.

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III. A cette fin, il sera créé à Bruxelles un bureau international chargé de la traduction et de la publication de ces tarifs, ainsi que des dispositions législatives ou administratives qui y apporteront des modifications.

IV. Cette publication se fera dans un recueil intitulé : « Bulletin international des douanes (organe de l'Union internationale pour la publication des tarifs douaniers). »

Règlement adopté.

Le bulletin international sera publié en cinq langues, savoir en allemand, en anglais, en espagnol, en français et en italien.

Le Bureau international ne pourra fournir d'abonnements qu'aux gouvernements des pays faisant partie de l'Union.

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V. Le personnel du Bureau international sera nommé par les soins du ministère des affaires étrangères de Belgique qui fera les avances de fonds nécessaires et veillera à la marche régulière de l'institution. VI. Dans la correspondance adressée par le Bureau international aux gouvernements adhérents, on fera usage de la langue française. VII. - Un rapport sur les travaux et la gestion financière du Bureau iaternational sera adressé chaque année aux gouvernements adhérents.

Le budget annuel des dépenses du bureau international ne sera pas supérieur à 125.000 fr., ni inférieur à 110.000.

VIII. A l'effet de mettre l'Institution à même de rédiger le Bulletin international des douanes aussi exactement que possible, les parties contractantes lui enverront, directement et sans retard, deux exemplaires : a) de leur loi douanière et de leur tarif douanier, mis soigneusement à jour; b) de toutes les dispositions qui y apporteront dans la suite des modifications; c) des circulaires et instructions que lesdits gouvernements adresseront à leurs bureaux de douanes concernant l'application du tarif ou la classification des marchandises, et qui peuvent être rendues

publiques; d) de leurs traités, conventions internationales et lois intérieures qui ont un rapport direct avec les tarifs douaniers en vigueur.

IX. — Un règlement d'exécution déterminera le mode de publication du Bulletin de l'Union et tout ce qui est relatif au budget du Bureau international, à la répartition des frais entre les gouvernements adhérents et à l'organisation intérieure du service.

X. Les Etats et colonies qui n'ont point pris part à la présente convention seront admis à y accéder ultérieurement.

XI. — La présente convention sera mise à exécution le..... et elle restera en vigueur pendant sept ans.

Si, douze mois avant l'expiration des sept premières années, la présente convention n'a pas été dénoncée, l'Union subsistera pendant un nouveau terme de sept années et ainsi de suite, de sept ans en sept ans.

La dénonciation sera adressée au gouvernement belge. Elle n'aura d'effet qu'à l'égard du pays qui l'aura faite, la convention restant exécutoire pour les autres pays de l'Union.

Si l'on songe combien sont variables les tarifs des 80 États environ qui possèdent cet antique et barbare instrument de fiscalité et de protection, et combien il est difficile d'être renseigné exactement sur leurs variations, on applaudira à la création de « l'Union internationale pour la publication des tarifs douaniers ». Seulement nous serions curieux de savoir pourquoi les seuls gouvernements affiliés à l'Union pourront s'abonner au Bulletin. Les industriels et les négociants à qui il doit fournir des renseignements ne pourront donc obtenir ces renseignements que par l'entremise officielle du Bureau. Encore faudra-t-il qu'ils appartiennent à un pays affilié à l'Union. Ainsi comprise, l'Union accélèrera-t-elle sensiblement la diffusion des renseignements douaniers?

Il n'en est pas moins bon de propager la connaissance des tarifs de douane, car ils ne gagnent pas à être connus.

On a distribué aux Chambres un «< livre jaune » relatif aux négociations commerciales avec l'Italie. Nous empruntons au Journal des Débats un résumé de cette lamentable histoire, qui commence le 15 décembre 1886 par la dénonciation du traité de 1881 et qui ne semble pas près d'être terminée.

Trois périodes peuvent s'y distinguer.

Dans la première, qui s'ouvre à la fin de 1886 et se clôt à la fin de

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