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collègue M. Villemin que revient l'honneur d'avoir démontré expérimentalement l'inoculabilité du tubercule; à Robert Koch, celui d'avoir découvert l'agent de transmission - le bacille.

Aujourd'hui, il n'y a plus de dissidence. La tuberculose est une maladie parasitaire, infectieuse, inoculable. De cette notion naît un devoir pour le médecin hygiéniste, je dirai même une nécessité sociale.

Élant connue la nature parasitaire de la tuberculose, sa transmissibilité du malade à l'homme sain, chercher et indiquer les moyens de se mettre en garde contre cette transmission et de la prévenir.

C'est ce qu'a fait le Congrès de la tuberculose, et ce sont les conclusions qu'il a adoptées, que M. Villemin est venu présenter à l'Académie; elles ont donné lieu à un débat mémorable, qui s'est poursuivi, presque sans interruption, depuis le 30 juillet 1889 jusqu'au 28 janvier 1890.

L'agent de transmission est le bacille de Koch, et il peut pénétrer dans l'économie par les voies respiratoires, par les voies digestives, par toutes les muqueuses avec lesquelles il peut se trouver en contact; par les plaies, les érosions, les solutions de continuité du derme quelles qu'elles soient. Mais il faut qu'il soit transporté du malade à l'homme sain, et il peut l'être, par les crachats tuberculeux, le pus, et les sécrétions provenant des organes tuberculeux, par les poussières de ces sécrétions diverses mélangées à l'air, par les aliments provenant d'animaux tuberculeux. Mais de tous les agents de transmission du bacille de la tuberculose, le plus commun et le plus dangereux, c'est la poussière des crachats tuberculeux, qu'ils soient répandus sur le sol ou sur des linges où ils se dessèchent.

Mais il faut qu'on le sache bien. L'air expiré par un phtisique ne se charge pas du bacille de Koch, il n'est pas dangereux s'il ne contient pas de matières tuberculeuses à l'état de poussières. D'où cette conséquence importante, que l'habitation auprès d'un phtisique dont les crachats sont détruits à l'état humide, dont toutes les déjections sont détruites avec soin, n'est pas dangereuse.

Le lait cru, non bouilli, peut transmettre le tubercule lorsqu'il provient de vache tuberculeuse ayant le pis malade. Les organes d'animaux tuberculeux peuvent propager la maladie s'ils ne sont pas soumis à une coction suffisante.

De ces différents fails, bien établis, doivent découler des mesures prophylactiques qui se résument en peu de mots :

Détruire par le feu et l'eau bouillante les crachats et les diverses sécrétions ou excrétions des phtisiques avant dessiccation.

Détruire les bacilles par une coction suffisante des aliments dans lesquels on peut soupçonner leur présence.

N'oublions ni la transmission conjugale de la tuberculose, dont les exemples ne sont que trop nombreux, ni la tuberculose héréditaire, dont il y a tendance aujourd'hui à restreindre la fréquence.

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Mais, messieurs, quel que soit le mode de contagion auquel on est exposé, il faut, pour contracter la maladie, certaines dispositions, certaine aptitude particulière, certaine manière de vivre qui permet au bacille de pénétrer, de vivre et de se développer chez quelques individus, tandis que d'autres, exposés de la même façon, dans les mêmes lieux, dans les mêmes conditions, résistent au mal.

D'une manière générale, les conditions favorables au contage sont la débilité organique, dépendant d'une foule de causes, vice originel, défaut d'aération, défaut d'exercice, nourriture insuffisante, excès de tout genre, alcoolisme.

Vous vous souvenez encore de la brillante discussion qu'ont soulevé toutes ces questions; vous vous souvenez des discours de MM. Villemin, Germain Sée, Hardy, Dujardin-Beaumetz, Hérard, Leroy de Méricourt, Lancereaux, Jaccoud, Léon Colin, Vallin, Verneuil, Nocard, Trasbot, et j'en oublie.

Cette discussion s'est terminée par le vote des conclusions proposées par notre secrétaire perpétuel et que je n'ai pas besoin de rappeler.

Ici, messieurs, permettez-moi d'entr'ouvrir un instant la porte de cette Académie, et de jeter un coup d'œil attristé sur cet enthousiasme irréfléchi qui a accueilli la nouvelle découverte de Robert Koch, je dis irréfléchi, car à toute chose il faut la consécration de l'expérience et du temps.

Sagement et avec une saine intuition scientifique, Robert Koch demandait encore des mois d'expériences et d'attente, qu'une impatience malheureuse n'a pas voulu lui accorder. Espérons que lorsque le calme sera rétabli, que lorsque le temps aura permis d'étudier à fond un agent aussi énergique, et de faire une sélection parmi les cas justiciables de ses injections, il restera encore un assez beau fleuron à la couronne du savant.

Mais ce qu'il faut trouver, c'est le vaccin de la tuberculose, et à celui qui le découvrira, d'où qu'il vienne, il faudra élever des sta

tues, comme à celui dont les admirables travaux sont aujourd'hui la base de toutes les recherches en médecine et président à tous les progrès, à notre immortel Pasteur. (Applaudissements.)

Que vous dirai-je de cette grave, de cette insoluble question des moyens de remédier au peu d'accroissement de la population en France. Soulevée de nouveau par M. Lagneau le 24 juin 1890, la discussion n'est pas encore terminée et les conclusions n'ont pas été votées.

Sur le fond de la question, tout le monde est d'accord; sur les causes, il y a bien peu de divergence; mais sur les moyens d'y remédier, il y a désaccord complet. Parmi ces moyens, les uns ne sont pas de notre compétence, tels ceux qui consisteraient à modifier les lois existantes, et même le Code civil. D'autres ceux qui touchent à l'hygiène sont de notre ressort. Ils s'adressent à l'éducation physique des producteurs, à la protection de la femme avant, pendant et après l'accouchement, à la protection de l'enfant, car, comme l'a si bien dit l'un de nous : « Il ne suffit pas de naître, il faut vivre. »

Je ne veux pas préjuger les conclusions qui seront votées, mais cependant il me sera permis de dire que, dans cet ordre d'idées, nous devons demander l'exécution stricte et obligatoire par toute la France, de la loi Roussel, qui a si remarquablement diminué la mortalité des enfants mis en nourrice, partout où elle est en. vigueur.

Notre collègue, M. Brouardel, vous a mis sous les yeux l'ef froyable mortalité causée en France par la fièvre typhoïde et par la variole. Environ 23,000 individus succombent annuellement, dans la force de l'âge, à la fièvre typhoïde, que l'on peut atténuer dans des proportions telles que c'est presque une annulation, en fournissant aux populations de bonnes eaux, des eaux pures, exemptes de toute souillure.

Les exemples cités par M. Brouardel sont tellement topiques et tellement frappants, que vous les avez encore tous dans la mémoire. Je n'insiste que pour dire combien les faits observés dans l'armée confirment de tout point ce qui se passe dans les villes. La variole fait, en France, 14,000 victimes chaque année, tandis que, avec la vaccination et la revaccination obligatoires, la mortalité par variole est tombée à 110 pour tout l'empire allemand, et à 0 dans l'armée. Dans l'armée française, où elle faisait de cruels ravages, la vaccination et la revaccination imposées à tous

les hommes ont fait descendre le chiffre des décès à 14 par an, malgré la vie du soldat au milieu de populations contaminées.

De ces faits, M. Brouardel tire la conclusion qu'avec de l'eau de source, saine et pure, et la vaccination et la revaccination obligatoires, la France pourrait économiser de 30 à 35,000 existences, la plupart dans la force de l'âge et de la production.

A l'occasion du travail de M. Brouardel, nous devons signaler l'action incessante de notre dévoué collègue, M. Hervieux, à qui incombe la charge de la vaccination à l'Académie. Jamais M. Hervieux ne manque une occasion de réclamer l'obligation de la vaccination et de la revaccination. Cette année encore, il a fait campagne dans plusieurs circonstances, une fois entre autres, en réponse à une demande du ministère relative à un projet de décret concernant la vaccination obligatoire à l'île de la Réunion. Comment comprendre qu'après des faits aussi probants que ceux qui ont été exposés, il puisse y avoir une hésitation, surtout quand on a devant les yeux les résultats obtenus par une nation voisine? Que les ministres, que les députés jettent donc un regard sur les faits cités chaque jour et sur le beau rapport de M. Hervieux qui nous a été lu il y a quelques semaines et qui a soulevé vos unanimes applaudissements! S'ils hésitent à rendre la vaccine obligatoire dans la population civile comme elle l'est, avec tant de profit, dans l'armée, ce serait à désespérer, chez nous, des progrès de l'hygiène publique, et il faut qu'ils sachent bien qu'ils assument la responsabilité de la mort de 14,000 Français, tandis que dans le même temps, il ne succombe que 110 Allemands.

Mais, M. Hervieux nous a entretenus d'autres questions importantes relatives à la vaccine. Sans compter un rapport sur la vaccination obligatoire dans les sociétés de secours mutuels, rapport demandé par le ministre de l'intérieur, nous avons entendu la narration d'une épidémie de syphilis vaccinale et une autre de vaccine ulcéreuse en province.

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Averti que dans un village, La Motte-aux-Bois plusieurs enfants étaient atteints de syphilis vaccinale, M. Hervieux se hâta de s'y transporter, fit une étude attentive de chaque enfant, et vint nous assurer que les enfants n'étaient pas syphilitiques, qu'ils avaient des accidents ulcéreux, suite de vaccine, et le cours de la maladie lui a donné raison.

Depuis plusieurs années, la France n'avait eu à subir que quelques petites épidémies locales. Visitée pendant quelques mois par

le choléra, il y a six ans, elle s'est vue menacée plusieurs fois depuis cette époque, mais grâce aux mesures prophylactiques, heureusement appliquées, elle a su échapper au danger, et on peut dire qu'elle vient de conquérir encore une année de calme. Espérons que, grâce à l'énergique prévoyance de nos éminents. hygiénistes, grâce au comité d'hygiène, nous pourrons conserver encore notre sécurité.

Mais à la fin de l'année 1889, il nous est parvenu des relations d'une épidémie à envahissement rapide, frappant à la fois des populations entières et qui n'a mis que quelques jours à nous venir à travers la Russie et l'Allemagne, qui, en quelques semaines, parcourait l'Europe, l'Amérique, la Chine et le Japon. Je veux parler de cette maladie épidémique et contagieuse que l'on nous annonçait sous le nom d'influenza, et à laquelle nous avons restitué son nom français de grippe. C'était bien la grippe dont il existe des descriptions déjà anciennes.

En quelques jours, le nombre des malades fut incalculable, et cette maladie, qui s'annonçait sous des apparences bénignes, ne tarda pas à se signaler par de nombreux méfaits. Ses manifestations protéiques se portèrent pour ainsi dire sur tous les organes, ici sur les poumons et la plèvre, là sur les oreilles et les méninges, chez d'autres, déterminant des accidents infectieux accompagnés de suppurations plus ou moins profondes et même articulaires, laissant des traces graves et prolongées sur beaucoup de ceux qui n'y ont pas succombé.

Je n'insiste pas, car une commission a été désignée pour centraliser tous les documents concernant cette épidémie et en faire un rapport général.

Mais notre collègue M. Verneuil nous a fait voir l'influence de la grippe sur la chirurgie; il nous l'a montrée, amenant, dans les opérations les plus simples, des accidents graves malgré l'antisepsie la mieux surveillée. Il nous a montré les opérations, les traumatismes quelconques rappelant les manifestations d'une grippe disparue. Il en tire cette conclusion que toute opération, qui n'est pas indispensable, doit être ajournée en temps d'épidémie.

Nous devons aussi à M. Verneuil un grand travail sur l'étiologie du tétanos, infectieux et inoculable, dont il rapporte toujours l'origine au cheval. Cette conclusion a paru un peu trop exclusive et a subi quelques objections.

Je ne saurais terminer ce compte rendu sans parler du rapport

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