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provinces annexées dans lesquelles la vaccination était depuis longtemps obligatoire. »

L'historique de la vaccine en Alsace, qui a été fait avec beau-: coup de soin par M. Goldschmidt dans le travail déjà cité, est pour nous très intéressant.

Il y avait à Colmar un préfet nommé Desportes qui était un partisan zélé, ardent de la vaccine. Aussi, dès le début de la découverte de Jenner, on constatait dans le département du Haut-Rhin un nombre de vaccinations déjà considérable pour l'époque. Ainsi :

En l'an XI, 6,087 vaccinations; en l'an XII, 7,201; en l'an XIII, 5,931; en 1806, 3,977; en 1807, 6,804; en 1809, 11,996; en 1810, 10,023.

Le tableau de Strasbourg est surtout intéressant au point de vue qui nous occupe, c'est-à-dire qu'il montre nettement l'action de la vaccine, l'action de la vaccine facultative et l'action de la vaccine obligatoire.

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Avant de terminer cette trop longue communication, je me demande comment notre savant collègue a pu laisser passer des phrases comme celles-ci :

« Ceci revient à dire que, dans l'intérêt public, on demande une loi qui impose obligatoirement la vaccine à un enfant qui n'a qu'une chance sur 65,000 de contracter la variole. >>

Comment pouvez-vous calculer ces chances? Et ne voyez-vous pas qu'elles sont essentiellement variables suivant l'état sanitaire du milieu dans lequel cet enfant se trouve, d'autant qu'il ne sera pas maître d'éviter les épidémies ?

Or, pouvez-vous vous exprimer ainsi à l'égard d'une affection qui, au xvire et au commencement du xvшe siècle, avait pris les

proportions d'une véritable calamité publique, et qui aujourd'hui est aussi grave qu'autrefois dans les pays où la vaccine n'a pas rendu le terrain réfractaire?

Dans les contrées où elle fait apparition pour la première fois et qui sont vierges jusque-là d'infection variolique, ses ravages sont considérables.

Lorsque la variole fut importée au Mexique par les compagnons de Narvaez, il mourut 3 millions et demi d'habitants; et il en périt encore 800,000 dans une autre éruption qui eut lieu quelque temps après. Plus que les cruautés des Espagnols et de l'Inquisition, plus que l'eau-de-vie et l'invasion anglo-saxonne, la petite vérole a contribué à la destruction des populations indigènes des deux Amériques.

M. Le Fort dit encore:

« Nu! de vous n'ignore que si les bienfaits de la vaccine sont incontestables, si ses dangers ne sont pas démontrés, il est des personnes, j'en ai connu et j'en connais encore, qui regardent la vaccine comme un véritable empoisonnement. Pour que la vaccine, disent-elles, mette à l'abri de la variole, il faut qu'elle ait modifié puissamment la constitution et si elle nous protège de la variole, elle nous prédispose à d'autres maladies: le cancer, la fièvre typhoïde, la tuberculose. De plus, le vaccin humain peut nous inoculer la syphilis (ce qui n'est que trop fréquent) et le vaccin de génisse peut nous inoculer la tuberculose. Il est impossible à ces personnes de nous démontrer qu'elles ont raison; il est vrai que nous ne pouvons leur démontrer scientifiquement qu'elles ont tort. Cela du reste importe peu, il suffit qu'elles aient cette conviction pour que nous n'ayons pas le droit de leur imposer la vaccination et je repousse, avec horreur, une loi sur l'obligation de la vaccine, comme un attentat abominable à la liberté individuelle. >>

De sorte que notre collègue met sur le même plan l'opinion des antivaccinateurs sur l'action nocive de la vaccine et l'opinion de tous les médecins autorisés de tous les pays, de tous les corps savants, qui ont démontré l'erreur de cette nocuité et ont, au contraire, proclamé bien haut les bienfaits de la vaccine.

Et chose curieuse, cette opposition contre la loi que nous proposons pour la France se manifeste précisément au moment où le khédive vient de rendre la vaccine obligatoire en Égypte, malgré,

ou peut-être à cause de la domination britannique. Il nous paraît inutile d'insister davantage.

Je crois avoir réfuté par des chiffres tous les arguments si brillamment présentés par notre éloquent collègue.

La vaccination et la revaccination doivent être imposées par une loi; et tout en étant partisan d'une organisation plus complète que celle qui existe aujourd'hui dans nos services de vaccine, et l'ayant déjà réclamée, je crains que cette organisation n'ait son complet développement que dans un avenir assez éloigné.

Je répète que, tout en étant partisan comme M. Le Fort d'un isolement obligatoire, je trouve ce moyen insuffisant parce que jamais nous ne sommes certains de pouvoir obtenir un isolement absolu.

Il est toujours à craindre que les germes se disséminent plus loin.

Nous isolons les malades atteints de diphtérie et cependant la diphtérie progresse et le germe de la variole parait plus diffusible que celui de la diphtérie.

L'isolement comme seul procédé de défense contre la variole est très inférieur à la vaccination et à la revaccination, et cela pour les trois raisons suivantes :

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4° Ce moyen qui est destiné à combattre les épidémies de variole a perdu à peu près son efficacité suivant M. Le Fort quand les cas sont nombreux comme cela s'est passé en Allemagne en 1866 et surtout en 1871 et 1872.

Dans ces cas, la vaccination et la revaccination en masse sont les seuls moyens pratiques pouvant arrêter l'épidémie;

2o L'isolement exclusif n'a pas eu en Allemagne l'influence que lui accorde M. Le Fort, puisque cet isolement était prescrit depuis 1835, et que la diminution de la morbidité et de la mortalité variolique ne s'est manifestée d'une façon décisive qu'en 1875, c'est-à-dire lorsque l'on a appliqué la loi sur la vaccination et la revaccination obligatoires;

3o Sans nier les heureux effets produits par l'isolement des varioleux à Londres, sur des bateaux installés sur la Tamise, il est impossible d'attribuer à cet isolement la diminution de la mortalité pour toute l'Angleterre, car il résulte de la comparaison de la mortalité par variole à Londres et en Angleterre que la

mortalité a baissé dans ces dernières années, d'une façon extraornaire, non seulement à Londres, mais dans le pays tout entier :

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En Angleterre, le nombre des morts par variole s'est abaissé en 1889 au chiffre sans précédent de 23 sur 29,015,613 habitants; c'est moins du dixième du plus petit nombre qui ait été constaté depuis 1878 (52o rapport annuel du register général).

D'ailleurs, cet effet n'a point été observé en France.

A Paris, nous envoyons nos varioleux à l'hôpital d'Aubervilliers, et la mortalité par variole continue à être fort élevée à Marseille, au Havre, à Reims, etc.

Ce qui vous effraie, c'est le mot obligatoire?

Mais n'avons-nous pas déjà l'instruction obligatoire, le service obligatoire, et n'imposons-nous pas la vaccination et la revaccination obligatoires à tous les soldats, à tous les employés des grandes administrations.

Je suis cependant heureux que l'amour de M. Le Fort pour la liberté, amour qui est égal chez chacun de nous dans cette enceinte, ne l'empêche pas de réclamer l'isolement obligatoire, la désinfection obligatoire et même la déclaration obligatoire des maladies transmissibles.

M. Le Fort fera sans doute remarquer qu'il existe une grande différence entre isoler un malade atteint de variole et faire pénétrer un virus dans le corps d'un individu sain pour l'empêcher de contracter une maladie.

L'objection serait sans réplique si la maladie ou l'accident,

comme un kyste de l'ovaire, une fracture, devaient s'éteindre avec l'individu et ne pas se répandre au dehors.

· Mais il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit d'une affection contagieuse, et la société a le droit et le devoir d'empêcher qu'un citoyen ne s'expose à prendre une maladie transmissible qui peut être le point de départ de contagions multiples et d'épidémies graves.

Aussi, nous admettons que la liberté de répandre les maladies, comme l'a dit, dans cette enceinte, notre regretté collègue Bouley, est << une de celles que l'intérêt commun ordonne le plus de refréner ».

Comment! l'Allemagne est arrivée à supprimer à peu près complètement la mortalité par variole, et nous ne pourrions arriver au même résultat? Mais en agissant ainsi, nous commeltrions un acte de lèse-patrie, nous compromettrions la défense nationale.

Aussi, pour donner une sanction à ce débat, je proposerai à l'Académie d'adopter les conclusions du Comité consultatif d'hygiène publique de France, votées par lui à l'unanimité, conclusions qui sont absolument d'accord avec le vote précédemment rendu par l'Académie.

Ces conclusions sont ainsi formulées :

<< Le Comité, considérant que la vaccination et la revaccination sont les seuls moyens d'empêcher le développement de la variole; Que ces opérations ne présentent aucun danger lorsqu'elles sont pratiquées suivant les règles de l'art;

Que non seulement elles ne sont pas dangereuses en temps d'épidémie de variole, mais qu'elles sont le seul moyen qui puisse arrêter ces épidémies;

Que la variole a presque complètement disparu des pays où la vaccination et la revaccination sont obligatoires, et régulièrement pratiquées;

Que cette maladie doit disparaître définitivement des pays civilisés;

Considérant enfin que nous possédons avec le vaccin animal une source pure de vaccin donnant une sécurité absolue et pouvant satisfaire à toutes les éventualités,

Émet le vœu : Qu'une loi rende obligatoires en France la vaccination et la revaccination. >>

J'ai confiance dans le vote de l'Académie. (Applaudissements).

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