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de la science et celui de l'Eglise, dans le vaste champ de notre histoire diocésaine, M. le chanoine BRESSON a fait choix d'un sillon au défrichement duquel il apporte vraiment toute la ténacité du labor improbus du poète. Multiples et lointains déplacements, longues stations dans les dépôts d'archives tant de Paris que de la province, fatigantes transcriptions de pièces, consultations épistolaires bien souvent décevantes, car la plupart du temps elles n'aboutissent qu'à des réponses nulles, à moins que ce ne soit à de nulles réponses, rien ne lui coûte pour arriver à faire la lumière sur l'époque historique qu'il a résolu d'éclaircir. Cette époque, jusqu'ici demeurée passablemeut obscure, où il s'efforce avec une indomptable ardeur de porter le flambeau de l'histoire, c'est la période révolutionnaire. Et le fait qui, dans cette période, a fixé son attention de passionné investigateur, c'est la persécution religieuse. Ses recherches dans cet ordre de choses avaient déjà abouti à la publication de deux intéressantes brochures: Marguerite Jobard et Nicolas Voilleraut. Mais ces monographies n'étaient, dans la pensée de l'auteur, que les arrhes d'un plus grand ouvrage, dont nous tenons, aujourd'hui, la première partie. Dans un volume qui est actuellement sous presse, M. Bresson fera l'histoire des ecclésiastiques haut-marnais qui ont été mis à mort de 1790 à 1800. Celui que nous avons sous les yeux est intitulé: Les prêtres de la Haute-Marne déportés sous la Convention et sous le Directoire. Notes et documents. (Langres, Imprimerie champenoise, 1913, in-8 de xvi-338 p., avec cartes et plans.) Comme le titre l'indique, ce volume auquel la Société historique et archéologique a eu la bonne idée d'accorder son patronage scientifique et pécuniaire, est divisé en deux parties: la déportation sous la Convention et la déportation sous le Directoire; comme le titre l'indique aussi, il contient plutôt des « notes biographiques » et des « documents » que de vraies rédactions. C'est volontairement que l'auteur a donné à son travail cette forme de dossier. En même temps qu'il écrivait pour le public, il écrivait pour le tribunal rochellois qui a été chargé d'instruire canoniquement la cause des déportés haut-marnais, et il tenait à lui mettre sous les yeux des pièces absolument authentiques et probantes. Mais la sévère objectivité intentionnelle du livre ne nuit en rien à son intérêt. Les ecclésiastiques dont M. Bresson nous conte la vie et les souffrances sont au nombre de trente neuf. Sur chacun d'eux, il dit tout ce qu'il sait et nous ne croyons pas qu'on puisse guère savoir davantage. Bien qu'il soit surtout un ouvrage à consulter, son livre est un ouvrage à lire et... qui se lit. L'émotion circule à travers toutes ses pages et avec l'émotion, l'édification. En même temps qu'on flétrit les bourreaux, on se prend, en le lisant,

de pitié et d'admiration pour les victimes. Toutes, même celles qui ont eu, au début, un moment de défaillance méritaient d'être tirées de l'oubli, car toutes ont, par leur courage, honoré non pas seulement l'Eglise, mais le département.

Ce n'est pas une découverte banale que celle qu'a faite M. Alcide MAROT, le chantre inspiré d'Alouettes et Alérions. On ne le croyait que poète. Il est encore historien. Dans le n° du 20 janvier dernier de la revue Le Pays lorrain et le Pays messin, il a publié un article qui, on devinera facilement, tout à l'heure, pourquoi, a fait le tour de la presse. C'est la biographie, — plus intéressante qu'édifiante, d'un ancien moine de Morimond qui se trouve avoir été l'arrière-grand-oncle de M. le Président de la République Dom Joseph-Gaspard Poincaré. Né à Neufchâteau en 1762, Dom Poincaré était fils d'un fondeur de cloches. Il fut d'abord professeur de mathématiques dans le grand monastère cistercien du Bassigny. Des démêlés théologiques avec Mer de La Luzerne l'amenèrent bientôt à quitter le clergé régulier pour le clergé séculier. A sa sortie du cloître, il exerça le ministère paroissial au diocèse de Langres, puis dans celui de Toul. Vint la Révolution. Elle obtint de lui moins qu'elle n'aurait voulu, puisqu'il refusa de lui livrer ses lettres de prêtrise, mais plus qu'il n'aurait dû, puisqu'il prêta le serment à la Constitution civile du clergé et que, pour obtenir d'être mis en liberté, il consentit à un mariage qui, pour avoir été de pure forme, n'en était pas moins sacrilège. Relevé de ses vœux en 1805, il mourut en 1837, professeur de mathématiques au Collège de Bourmont. Sa carrière, comme on voit, avait été passablement mouvementée et il ne fut pas précisément un Fabricius du devoir.

M. le chanoine LORAIN, aumônier du Lycée de Chaumont, à qui l'on doit déjà de nombreux ouvrages d'histoire locale très solidement documentés, ayant eu la bonne fortune d'obtenir communication des papiers des deux frères Laloy qui, comme l'on sait, ont joué un rôle considérable en Haute-Marne, durant la Révolution, en a tiré deux très intéressantes biographies. La première, celle de Jean-Nicolas Laloy avait d'abord vu le jour dans les Mémoires de la Société des Lettres de Saint-Dizier, dont elle forme le tome XIX. Elle vient de paraître en volume (Saint-Dizier, Bruiiliard, in-8 de XVI-254 p., avec 22 planches hors texte). JeanNicolas Laloy ayant été successivement député de Chaumont aux Etats généraux et à la Constituante, maire de Chaumont, membre du jury d'instruction publique, commissaire du Directoire exécutif près de l'administration centrale de la Haute-Marne et finalement conseiller de préfecture, c'est, pour ainsi dire, un chapitre de notre histoire départementale que M. Lorain a écrit en ra

contant sa vie. Ajoutons que cet ouvrage a été composé à peu près uniquement sur des pièces d'archives et que, par conséquent, il est neuf dans la plus grande partie de son contenu. A bientôt l'apparition, que lui-même nous annonce comme prochaine, de la biographie du second des Laloy: Pierre-Antoine.

Ce livre du savant aumônier du Lycée concerne l'histoire administrative de la Révolution Avec M. le lieutenant Jean QUILLIARD, nous entrons dans son histoire militaire. Ce distingué officier qui porte un nom bien connu en Haute-Marne, a publié dernièrement l'opuscule suivant: Journal de marche d'un volontaire de la HauteMarne, 1792-1797, transcrit et annoté (Besançon, Jacques et Demontrond, 1913, in-8 de 94 p ). « Annoté » dit le titre. Très intelligemment comprise, l'annotation du lieutenant Quilliard éclaire, d'une manière fort heureuse, un texte déjà par lui-même plein d'intérêt.

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Epoque contemporaine. La guerre de 1870 en HauteMarne a déjà fourni matière à de nombreux travaux. La bibliographie du sujet vient de s'accroître de l'ouvrage suivant: Un village de Champagne pendant la guerre de 1870. Souvenirs d'un enfant publiés par le vicomte E. DU JEU (Dijon, 1913, in-12 de 82 p.). « L'enfant dont ce livre reproduit les « souvenirs » est M. l'abbé MARCHAL, actuellement curé-doyen de Neuilly, et le village dont il conte l'histoire est celui de Ninville. Le récit de M. l'abbé Marchal a un mérite écrit tout simplement, sans effets de style, il dit naïvement, mais exactement, ce que l'auteur a vu.

Ce sont encore des choses vues que nous donne Bienville pendant la guerre de 1870-1871, que publie, depuis quelque temps l'Echo paroissial de Bienville (1912, p. 130, 163, 180; 1913, p. 18, 35, 50.) Seulement, celui qui voit ici, ce n'est plus un enfant, c'est le curé du lieu, M. l'abbé CORNU. Naturellement, son récit est plus profond.

Au mois de novembre dernier, M. BERTHELÉ a reproduit dans son Ephemeris campanographica (Fascicule XIII, p. 168-172), le texte intégral du marché passé pour la fonte d'une cinquième cloche et le remontage de l'ancienne sonnerie de la Cathédrale de Langres, entre Petitfour et Richebourg et M. l'abbé Hutinel, curé de Saint-Mammės (11 septembre 1868).

On n'est jamais complet en bibliographie.

Le Courrier qui précède est déjà d'une longueur dont nous éprouvons presque le besoin de nous excuser. Et pourtant il contient plus d'une lacune. Au moment de le clôturer, nous nous apercevons que nous n'avons rien dit de toute la littérature à laquelle a donné lieu l'inauguration de la statue de Ch.-G. Etienne

à Chamouilley, le 28 septembre dernier; nous nous apercevons aussi que nous n'avons pas parlé des deux comptes rendus, pourtant très instructifs et très finement écrits, de la visite des Sociétés historiques de la Haute-Marne, à Langres, le 10 juillet 1913, qui ont été faits, l'un dans En Avant, par M. le Dr BROCARD (no du 17 juillet), et l'autre dans les Annales de la Société d'Histoire de Chaumont, par M. l'abbé Stanislas MONGIRARD, curé de Riaucourt; nous nous apercevons enfin que nous n'avons pas procédé à un dépouillement aussi complet que nous aurions dû des Bulletins paroissiaux du diocèse où s'écrivent, chaque mois, des pages d'histoire locale fort intéressantes, ni de la Semaine religieuse, qui publie, de temps à autre, des Variétés relatives au passé de notre diocèse. Voir en particulier les articles suivants : 11 janvier 1913 L. MARCEL, La rénovation des promesses du baptême qui se faisait autre fois, à l'Epiphanie, à la Cathédrale; 5 avril : Le donjon de l'ancien Evêché; 26 avril : Ancienne antienne de Saint-Didier ; 24 et 31 mai A. BRESSON, Odyssée d'un curé du diocèse de Langres, en septembre 1792; 12 juillet: Paul MAITRIER, Ladévotion à SaintThiebaut dans le diocèse de Langres; 26 juillet, L. MARCEL: Une entrée ministérielle à Langres (il s'agit ici de Necker); 1er novembre Comment on mourait à Langres au milieu du XVIIIe siècle; 22 novembre: La dédicace de la cathédrale de Langres; 6 décembre: Un monument langrois de la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception; 13 décembre: Ce que disent les décombres. Le départ de Mar de La Luzerne pour l'exil; 27 décembre: L'office du « Deposuit » dans l'Eglise de Langres au Moyen âge.

Mais la gerbe est déjà plus grosse que de raison. Hâtons-nous de la lier.

La conclusion que les lecteurs tireront, sans doute, du long catalogue qui précède, c'est que les études d'histoire locale sont vraiment florissantes en Haute-Marne. Il y a encore sans doute énormément à faire dans cet ordre de choses. Mais déjà on a fait beaucoup.

Pour ne parler que de 1913, la seule année dont cet article contient l'inventaire, il nous semble que ce ne sera pas exagérer que de lui appliquer, en terminant, le mot, si souvent cité de Pline le Jeune, à propos de la poésie : Magnum proventum hic annus nobis attulit.

LOUIS MARCEL,

Supérieur honoraire du Petit Séminaire.

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