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démies qui, en Afrique, en Corse, en Grèce, en Italie se sont montrées très tardivement, en septembre, octobre, et dont l'apogée a même été rejeté en décembre. Dans plusieurs de ces circonstances, la sécheresse avait été grande, l'absence ou l'insuffisance de l'élément humidité avait empêché les élaborations palustres, qui se sont ensuite éveillées aux premières averses, et éteintes enfin par les pluies continues qui noient les foyers fabricateurs.

Ces trois points démontrés, examinons sous d'autres aspects le rôle des météores.

Les agents météorologiques n'agissent pas seulement sur les surfaces palustres en leur fournissant l'eau, l'air et la chaleur, ils sont aussi les dissolvants et les propagateurs des miasmes. Ceux-ci s'évaporent avec l'eau des marais qui les dissout, s'étendent dans l'atmosphère, et retombent le soir quand les vapeurs se condensent. Aussi voyons-nous communément, dans les pays à fièvres graves endémo-épidémiques, une évaporation puissante et une condensation abondante le soir et la nuit. Ces phénomènes sont des plus marqués aux bouches du Tibre, dans les marais de Maccarèse et sur le territoire pontin.

Les vents qui passent sur les surfaces palustres en poussent au loin les émanations; leur rôle est tellement connu que nous ne faisons que le rappeler ici.

D'après les développements dans lesquels nous sommes entré, on voit qu'il y a nécessairement un certain parallélisme entre le jeu des météores et le règne des fièvres; il est évident que, à surfaces palustres égales, le dégagement sera le plus abondant là où les météores accélèrent davantage la fabrication miasmatique; il est clair encore que les effluves ne pourront pas se dégager, pas plus que la plante ne germera, si les agents météorologiques ne leur en fournissent pas l'occasion. Mais vouloir faire de ceux-ci la cause déterminante des fièvres, n'est-ce pas raisonner comme celui qui dirait : c'est dans les pays chauds et humides que se déploie la végétation la plus

luxuriante; la chaleur et l'humidité constituent donc la cause première de la végétation.

Les météores sont l'occasion des fièvres à quinquina endémo-épidémiques, non-seulement en permettant la fabrication des miasmes, cause déterminante essentielle, mais aussi parfois en agissant sur notre économie; c'est-à-dire que, toujours causes occasionnelles, ils deviennent quelquefois causes prédisposantes.

De même que, chez les individus vivant au sein de l'atmosphère d'une ville en proie à une épidémie, au choléra par exemple, ou à la dysenterie (Dutrouleau), des fatigues, une imprudence, un excès, la terreur, les chagrins, un refroidissement, peuvent faire éclore la maladie ; de même, la perturbation jetée dans l'organisme par une vive insolation, par un refroidissement, etc. (1), en rendant l'économie plus impressionnable, suscitent un accès chez un individu déjà imprégné ou vivant dans un milieu palustre. Mais ce refroidissement, cette insolation ne sont que des causes occasionnelles, car dans les pays où les fièvres ne règnent pas, ces accidents n'engendreront plus ordinairement une fièvre intermittente, de même qu'ils ne feront pas naître un choléra asiatique si cette affection n'existe pas dans la contrée. L'hyposthénie, l'éréthisme nerveux, l'allanguissement des fonctions végétatives, auxquels l'économie est ordinairement en proie quand elle a subi les

(1) Baroni, célèbre et regrettable chirurgien de Rome, nous dit avoir vu souvent une émotion morale, une fracture, l'accouchement, le cathétérisme de l'urètre, une opération quelconque, ramener des accès chez des individus qui avaient souffert de la fièvre pendant la saison. M. Tassard (Quelques considérations sur les fièvres paludéennes. Thèse de Montpellier, 1851) dit aussi que les perturbations occasionnent la fièvre chez les individus imprégnés par une atmosphère chargée d'effluves. Il a traité longtemps, à Saint-Denis-du-Sig, quatre femmes qui, à chaque époque menstruelle, étaient prises de fièvre intermittente bien caractérisée. Deux sont mortes de cachexie et d'anémie. Voilà une cause occasionnelle ajoutée à tant d'autres; mais considérera-t-on les menstrues, avec le froid, comme la cause déterminante des fièvres palustres ou à quinquina?

influences débilitantes d'un été des pays chauds, sont certainement des conditions défavorables, qui rendent plus apte à toute imprégnation morbide, plus impressionnable par le toxique palustre entre autres; mais cet état d'affaiblissement n'est point nécessaire, ce n'est qu'une cause prédisposante, puisqu'on voit des personnes très bien portantes, arrivant de pays tempérés ou froids, être prises de fièvre presque à leur débarquement sur une côte palustre.

Les refroidissements, au lieu d'être la cause déterminante, comme le prétendent les météorologues, ne sont que la cause occasionnelle; mais, en tant que cause occasionnelle, ils agissent assez vivement et assez fréquemment, pour qu'il soit opportun d'entrer dans quelques détails sur leur mode d'action.

Dans les centres palustres, l'économie est d'ordinaire plus ou moins imprégnée par le miasme, de même que, dans une ville où le choléra épidémique est arrivé à son apogée, il est peu de personnes qui ne ressentent quelque indisposition trahissant une certaine atteinte du fléau. Dans les foyers palustres, les forces vitales, maintenues par une bonne hygiène et par la tranquillité d'esprit, luttent contre l'impression du poison, et les sécrétions excrémentitielles, notamment la sueur, si active dans les contrées et dans les saisons chaudes, éliminent probablement le toxique, par leur travail épuratoire incessant. Un refroidissement, en arrêtant soit passagèrement, soit pour un temps plus prolongé, les fonctions sécrétoires de la peau, peut être l'occasion d'un accès de fièvre; en effet, d'abord, l'arrêt d'une fonction qui acquiert un si haut degré d'importance dans les pays chauds, ne se fait pas sans un trouble considérable dans l'économie dont les forces sont ainsi abattues et perturbées; ensuite, le travail éliminatoire du toxique, si celui-ci avait déjà été absorbé, ne s'effectue plus, tandis que l'absorption par le poumon continue, d'où il résulte une accumulation du toxique dans un organisme ayant à lutter

contre un agent plus puissant avec des forces moins énergiques et moins coordonnées. Nous avons supposé qu'il y avait déjà un certain degré d'imprégnation; mais il peut en être autrement. Dans ce dernier cas, l'action, même très prompte, d'un refroidissement s'explique également bien, l'organisme ainsi lésé devenant beaucoup plus impressionnable aux agents délétères contre lesquels il pouvait jusqu'alors réagir victorieusement.

Même dans les pays équinoxiaux on observe que les refroidissements et les intempéries météorologiques, causes occasionnelles des fièvres, tiennent, en tant que causes déterminantes, d'autres affections sous leur domination. L'instabilité du ciel de Caracas et de Montevideo, produirait des affections catarrhales de toutes les formes (1), et, au Sénégal dans la saison sèche, pleine de vicissitudes mais exempte de fièvres, les injures des météores et les refroidissements engendreraient la dysentérie, la colique nerveuse et l'hépatite (2).

M. Boudin rappelle avec raison les faits suivants : si les individus mordus par le trigonocéphale lancéolé des Antilles, ou intoxiqués par le rhus toxicodendrum, viennent à être mouillés et à se refroidir, les conséquences les plus funestes sont à craindre, et, dans un pays en proie à la fièvre jaune, les mêmes perturbations amènent bien souvent l'éclosion de la maladie; enfin le froid favorise le développement de la rage chez les individus porteurs de ce virus à l'état d'incubation. Dira-t-on, comme on n'a pas craint de l'avancer pour la fièvre palustre, qu'un refroidissement a engendré, créé de toute pièce la fièvre jaune, etc.?

(1) Humboldt, Voyage aux rég. équinoxiales, etc., t. IV, p. 199; Saurel, Essai de climatologie, etc., p. 87, 89 et passim.

(2) Thévenot, loc. cit. passim, chapitres Pathologie et Météorologie. Ces documents corroborent nos principes au sujet de la dualité des affections endémo-épidémiques des pays chauds palustres les unes sont dues aux miasmes et appellent le quinquina; les autres, dépendantes du climat et de l'hygiène, ne le reconnaissent point pour spécifique.

Répétons donc avec M. Littré (Dict. en 25 vol.): « Ce n'est ni pour avoir eu chaud, ni pour avoir eu froid, ni pour avoir suivi un mauvais régime, que le malade contracte la fièvre ; c'est pour avoir été exposé au contact des marais. >>

Dans les pays palustres même, les refroidissements qu'on essuie pendant l'été, mais avant la saison endémo-épidémique, n'amènent point la fièvre, parce que la cause occasionnelle ne peut agir que là où préexiste le germe, le miasme, la cause déterminante. Ainsi, après la bataille de Dettingen, en Hollande, le 26 juin 1743, l'armée anglaise est obligée de coucher sur le champ de bataille, malgré une forte et longue pluie ; la dysentérie se développe immédiatement; en huit jours 500 hommes sont atteints, et, après quelques semaines, la moitié de l'armée est malade. A la mi-août, la dysentérie est sur son déclin et les fièvres rémittentes paraissent, et alors la cause occasionnelle, soit un refroidissement, soit toute autre perturbation, peuvent faire éclore le germe et produire des accès (1).

Enfin, les météores remplissent encore un autre rôle relativement aux fièvres palustres : ils donnent certains caractères, impriment certaines formes aux affections régnantes. En cela, ils agissent comme tous les agents faisant partie de la matière de l'hygiène. Si chaque saison a ses allures pyrétologiques particulières (qu'on me passe cette expression), c'est sous l'influence combinée du degré d'activité du toxique, des changements météorologiques qui se déroulent régulièrement avec l'évolution de l'année, et enfin des affections qui compliquent la fièvre palustre. Mais l'endémo-épidémie peut revêtir éventuellement des caractères particuliers, quand certaines vicissitudes s'établissent et persistent quelque temps, et surtout si l'hygiène (fatigues, privations, état du moral, etc.) vient concourir au même but que le règne météorologique.

Pour appuyer leur système étiologique, les partisans de l'hy(1) Pringle, Obs. sur les mal., etc., p. 20, 21, 40.

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