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plus parfait, de ce principe nécessaire à toute activité organique, mais il détruit même l'ozone des couches d'air en contact avec les marais, et infeste ainsi tous les environs.

Ces expériences resteront; la suite les confirmera complé tement ou les rectifiera. En laissant de côté tout ce qu'il peut y avoir de spéculatif et de hâtif dans le travail de M. Clémens, il n'en demeure pas moins établi que l'eau miasmatique a une double et funeste action sur les animaux ou du moins sur certains animaux qui vivent dans son sein, et sur la composition de l'atmosphère. L'influence sur la composition de l'air est incontestable; c'est là un grand point reconnu; restera à la mieux spécifier.

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CHAPITRE IV.

RÔLE DES MÉTÉORES. LES MIASMES SONT LA CAUSE DÉTERMINANTE, ESSENTIELLE, SPÉCIFIQUE DES ENDÉMO-ÉPIDÉMIES DE FIÈVRES A QUINQUINA; LES MÉTÉORES EN SONT LA CAUSE OCCASIONNELLE EN FOURNISSANT AUX FOYERS PALUSTRES LES ÉLÉMENTS NÉCESSAIRES POUR QU'ILS ENTRENT EN ÉLABORATION; ILS EN DEVIENNENT QUELQUEFOIS INDIRECTEMENT LA CAUSE PRÉDISPOSANTE, QUAND ILS TROUBLENT ET DÉBILITENT L'ÉCONOMIE. ÉPOQUE DU Développement des endÉMO-épidémies en rappɔrt AVEC LE JEU ET LES CARACTÈRES DES AGENTS MÉTÉOROLOGIQUES. FIÈVRES BENIGNES ET SPORADIQUES DUES A DIVERSES CAUSES NON MIASMATIQUES.

Nous croyons avoir suffisamment démontré que les influences météorologiques ne sont pas la cause déterminante, essentielle, spécifique des fièvres à quinquina. Il nous reste à établir quel est le rôle de ces agents. Tout d'abord, ils sont, à plusieurs titres, les causes occasionnelles de ces pyrexies, et, en outre, les dissolvants et les propagateurs du miasme.

Nous l'avons déjà dit, et nous le répétons parce que cette comparaison nous paraît très juste: il n'y a pas de germination sans eau, sans oxygène et sans chaleur. Quelqu'un s'est-il avisé de dire que le germe et la force végétative résident dans ces trois agents, et sont constitués par eux? On a pourtant

tenu un pareil raisonnement pour les fièvres à quinquina. L'élaboration palustre ne peut avoir lieu sans l'intervention de la chaleur, de l'air, de l'eau. Voilà le fait ; n'allons pas au delà.

Etudions successivement en quelques mots : 1° les conditions qui s'opposent aux élaborations palustres; 2o celles qui les activent; 3° enfin les causes qui influent sur l'époque des endémo-épidémies.

1° Conditions qui s'opposent aux élaborations palustres. Passons d'abord en revue la catégorie des faits dans lesquels il manque un des éléments nécessaires, l'eau, l'humidité.

Une terre sèche, sans cours d'eau, sans pluies, sans rosée, comme certaines parties des désiertos du Bas-Pérou (Humboldt), certaines plages sablonneuses et stériles du même. pays (4) pe peuvent donner naissance à la fièvre. En octobre, la fièvre chasse les marchands et les voyageurs de l'oasis de Tougourt, située le long de la vallée appelée par les Arabes la rivière de palmiers; ils se réfugient dans la sèche et sablonneuse oasis de Souf, plus chaude, mais bien plus épargnée par les fièvres qui ne s'y développent guère, faute d'humidité (Voyez notre premier mémoire). Si ces conditions sont moins. marquées, l'immunité est moins prononcée. Les saisons qui donnent momentanément à un pays les conditions dont l'existence est permanente dans les lieux cités, ces saisons se distinguent également par la salubrité. Bailly (2) a déjà fait la remarque que, par une chaleur sèche et continue, les matières végéto-animales se momifient, pour ainsi dire, et ne sont travaillées par aucun mouvement fermentescible. Un voyageur en Afrique, le comte d'Estayrac de Lauture, s'exprime ainsi à propos du sirocco dans les régions équinoxiales de ce continent il dessèche en quelques instants les flaques d'eau qui se trouvent sur sa route, fendille la terre et arrête la décomposi

(1) Weddell, Voyage dans le nord de la Bolivie, etc. Paris, 1853, 1 vol. in-8, p. 57.

(2) Bailly, Traité anatomo-patholog. des fièvres intermit. simples et pernicieuses, 1825, p. 127.

tion des cadavres. Beaucoup de maladies miasmatiques, putrides, disparaissent sous son influence. La dysenterie seule en reçoit souvent une issue funeste (1). Les étés secs et chauds sont plus salubres à Rome que les étés tourmentés de vicissitudes humides. L'été très sec et très chaud de 1820 est rentré dans cette catégorie à Rome (Puccinetti, p. 763). Folchi, l'un des chefs de l'école météorologique, professe les mêmes principes. Estas calida et sicca Romæ semper salubris, lisons-nous dans Doni. Dès que le soleil, dit M. Bérard, a acquis assez d'influence pour absorber entièrement l'humidité de la terre et dessécher sa surface, si aucun orage ne vient mouiller le sol et provoquer l'exhalaison des miasmes, la constitution médicale de Rome ne laisse rien à désirer (2). J. Minzi déclare aussi que, dans les marais Pontins, la salubrité de mai et de juin se maintient en juillet, août et septembre, si les météores ne troublent pas l'atmosphère, mais qu'à la première pluie qui trempe la terre, les fièvres font subitement irruption. Nous avons rapporté (chap. I, § 4) le fait de l'endémo-épidémie qui se développa dans notre armée de Grèce, à la suite de pluies abondantes survenant après un été sec, et nous avons vu, à Ajaccio, la canicule être exempte de fièvres, mais cellesci se développer plus tard, quand des averses sont survenues. Les choses se passent de la même manière dans les pays équinoxiaux. Il y eut une année, dit Lind (p. 63), où l'on observa, au Sénégal, qu'au commencement de la saison pluvieuse, beaucoup de soldats et les trois quarts des femmes tombèrent malades pendant la nuit qui suivit un ouragan, tandis que jusque-là la santé de la garnison avait été brillante. Les nombreux observateurs dont les rapports sont analysés par M. Dutrouleau (3), s'accordent à dire qu'au Sénégal la saison sèche est exempte de fièvres, mais que celles-ci sévissent prin(1) D'Estayrac de Lauture, Le désert et le Soudan, 1 vol. in-8. Paris, 1853, p. 47 et 48.

(2) Bérard, De l'hygiène à Rome. Rome, 1849, in-18, p. 9.

(3) Dutrouleau, Études, etc. (dans Gaz méd. de Paris, année 1850, p. 192).

cipalement aux premières et surtout aux dernières pluies. Thévenot (1) avait insisté déjà sur ces faits, qu'on retrouve consignés par tous les médecins qui ont écrit sur ces régions et sur celles qui leur sont similaires pour le climat (2). Aux Antilles, l'époque la plus épargnée par les fièvres est également la sécheresse extrême de mars et avril (3). Aux Indes asiatiques, partout en un mot, les mêmes phénomènes se reproduisent à Balambangan, la santé est bonne pendant la saison sèche, mais arrive l'orageux changement de mousson, et, de 63 hommes du Royal-Capitaine, un seul échappe à la mort (4).

Nous arrivons à la catégorie des faits dans lesquels c'est par l'absence de la matière végéto-animale, que les élaborations palustres ne peuvent avoir lieu.

Dans certaines parties du Sahara algérien, c'est moins peutêtre l'humidité qui manque que la matière végéto-animale. Les mêmes remarques sont assez bien applicables aux irrigations des cultures, quand elles sont faites avec soin et que toute plante morte est aussitôt enlevée comme inutile. Dans le Tell, certains lacs ne sont pas aussi malsains que les marécages proprement dits, quoiqu'ils se dessèchent entièrement l'été, parce que leur lit sablonneux est recouvert d'une végétation pauvre et rare, hantée par une faune aussi exiguë. Tels sont

(1) Que pendant les grandes crues, du 15 juillet au 15 septembre, les terres noyées par les eaux offrent peu d'insalubrité; que, lors de leur retrait, de mortels miasmes se dégagent; qu'enfin, au milieu de la saison sèche, quand les marais et les marigots ne présentent plus qu'une surface calcinée, poudreuse et conséquemment inoffensive, les fièvres disparaissent, à tel point que c'est alors la saison la plus saine de l'année. Pages 22, 47, 48, 54.

(2) Perin, Conseils hyg. et méd. pour les bâtiments qui fréquentent les côles occid, et orient. de l'Afrique. Thèse de Montp., 1851; Boussingault, loc. cit., p. 151.

(3) Levacher, Guide méd. des Antilles, etc., 1 vol. in-8. Paris, 1840, 2o édit.

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les sebgha d'Oran et les Chott du Sahara algérien. Si, à Rome, les quartiers bien habités et chargés de constructions, sont plus salubres que les quartiers déserts, c'est en partie à cause de la déviation des miasmes par les bâtisses, et parce qu'ils ne sont pas occupés ou environnés, comme les seconds, par des espaces ouverts, par des terrains vagues, des vignes, des vallées envahies par une végétation souvent désordonnée croissant le long de pentes mal aménagées. Sur les terrains arides et rocheux, sur les plages sablonneuses, sur les terres volcaniques de formation récente, que l'action du temps n'a pas encore changées en humus et que les eaux ne détrempent point, par exemple à Gibraltar, à Mers-el-Kebir, à Gorée, etc., c'est également la matière végéto-animale qui fait défaut.

Les pluies prolongées qui recouvrent les surfaces palustres d'une couche d'une certaine épaisseur, s'opposent également aux élaborations marécageuses, en soustrayant le fond vaseux aux influences météorologiques. A Civita-Vecchia, par exemple, il est notoire que les premières pluies prolongées de l'automne, marquent la fin de l'endémo-épidémie, et nous avons démontré, dans diverses publications, qu'il en est de même à Rome.

Une couche d'eau profonde, recouvrant en permanence un fond vaseux, empêche l'insalubrité de ce foyer; c'est évidemment ce qui rend compte du peu de nocuité fébrile du port de Marseille (1).

Enfin, le froid, la gelée ne permettent pas plus la fabrication du miasme, que la germination de la graine confiée à la

terre.

(1) Senac (De nat. febr. recond., lib. I, cap. 7, pag. 34 et 35), parle d'une grande ville qui resta saine tant que les eaux remplirent un vaste et profond lac qui l'entourait et dans lequel se rendaient les immondices; mais dès que la surabondance de celles-ci et la diminution du niveau eurent mis à nu le fond du bassin, de terribles fièvres se déclarèrent, et la mortalité normale habituelle de quatre cents individus, s'éleva à deux mille.

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