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seul pourrait ordonner la substitution du phosphore rouge au phosphore ordinaire dans la fabrication des allumettes phosphorées.

Les conclusions du rapport sont mises aux voix et adoptées.

Depuis la publication de notre rapport, quelques personnes ont dit que déjà on fabriquait en Allemagne et en Angleterre des allumettes avec le phosphore rouge. Nous répondrons à cette objection que nous serions heureux d'apprendre que le phosphore rouge ait déjà été employé dans ces localités; mais nous n'avons pu, malgré les démarches que nous avons faites avant la lecture de notre rapport à l'Académie, obtenir des renseignements confirmant ce fait.

Pour avoir des renseignements sur ce qui avait été fait en Allemagne, nous nous étions adressé à notre collègue Schaeuefèle, qui a sur ce qui se fait en Allemagne de profondes connaissances; mais M. Schaeuefèle était absent. Nous eûmes alors recours à l'un de nos confrères de Strasbourg, M. Oppermann, puis au docteur Sayer, à Londres. Voici les lettres qui nous furent adressées en réponse à nos demandes.

MONSIEUR ET Cher collègue,

Strasbourg, le 22 août 1854.

Malgré mon vif désir de vous fournir les renseignements que me demande votre lettre du 10 août, sur la fabrication des allumettes en Allemagne, il m'a été impossible de rien apprendre de certain sur le mode de fabrication employé.

Les personnes auxquelles je me suis adressé et que je croyais bien au courant de cette industrie, ne m'ont point donné de réponse satisfaisante.

J'en suis donc aux regrets de ne pouvoir vous rendre, pour le moment, le petit service que vous m'avez demandé. Si cependant plus tard je devais recueillir, en Allemagne même, où je compte aller dans quelques jours, des renseignements précis sur la question du phosphore, je ne tarderai point à vous les communiquer. Veuillez agréer mes civilités empressées,

OPPERMANN.

Londres, le 1er septembre 1854.

MON CHER MONSieur,

Votre lettre m'a suivi à la campagne. J'ai tout de suite écrit à la

maison Beelet Blanck (Bow street, Cité), qui s'occupe de la fabrication des allumettes chimiques. Je leur ai envoyé votre lettre, et suis, pour le moment, sans réponse. Aussitôt que je serai à même de satisfaire à vos questions, je vous écrirai tout de suite. Mes amitiés à votre fils. Recevez mes amitiés bien sincères.

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On voit que nous avions fait tout ce qu'il était possible de faire pour nous assurer du fait qu'on avance.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

SUR

L'EMPOISONNEMENT PAR LE PHOSPHORE,

LES PATES PHOSPHORÉES,

ET LES ALLUMETTES CHIMIQUES,

PAR MM.

SEVERIN CAUSSÉ (d'Albi),

Docteur en médecine,

Et A. CHEVALLIER fils.

Notre opinion est plus que jamais que le phosphore et ses composés doivent être exclus de l'usage médical. (MERAT, Supplément au Dictionnaire universel de matière médicale, p. 155, 1846.)

PREMIÈRE PARTIE.

I. APERÇU SUR L'EMPLOI DU PHOSPHORE EN MÉDECINE.

Parmi les corps qui sont employés dans l'art médical, le phosphore, plus que tout autre, mérite de fixer l'attention du médecin, du pharmacien, du toxicologiste. Vanté par les uns comme pouvant être utile dans un grand nombre de maladies, repoussé par les autres, il fut considéré par quelquesuns comme méritant justement le titre d'incendiaire parce que le plus léger frottement ou le moindre accroissement de température en détermine l'inflammation. Quoi qu'il en soit, le phosphore a été préconisé et souvent employé en médecine.

En effet, si l'on se reporte à ce qu'on a écrit dans divers ouvrages, on le voit mis en usage à l'état de pilules (pilules de Zadig) en dissolution dans l'alcool, l'éther, l'huile d'olive, l'huile camphrée, et dans diverses huiles essentielles; on le fait entrer dans des émulsions, des liniments, des potions, des électuaires, des pommades, etc. Le phosphore, sous ses divers états, a été employé contre les fièvres, les phlegmasies, les hémorrhagies, le choléra-morbus, les névroses, l'hydropisie, enfin contre diverses maladies organiques. Kunckel est, dit-on, le premier qui eut l'idée de l'employer en médecine. Il est indispensable que le médecin apporte dans son administration la plus sérieuse attention et la plus sage réserve, précautions d'autant plus nécessaires que son action n'est pas bien connue. En effet, si on lit les ouvrages qui ont traité de ce singulier médicament, on voit que les auteurs ne sont pas d'accord sur sa valeur réelle. Ainsi Lobenstein-Lobel d'Iéna a dit qu'un huitième de grain pouvait quelquefois dé-terminer des accidents graves, et cependant ailleurs il est dit que ce médicament dangereux a été administré sans suites fâcheuses à la dose de 3, 5 et 6 décigrammes. Quoi qu'il en soit, nous pensons, d'après tout ce que nous avons lu, que tout est doute dans les suites qui peuvent résulter de son emploi, et qu'il y a la plus grande importance à ne le donner qu'à des doses minimes, puisque jusqu'ici on ne connaît pas d'antidote qui puisse combattre avantageusement les accidents qui pourraient résulter de son emploi à des doses trop élevées. En effet, il y a peu de jours encore, M. Renaud, directeur de l'école impériale vétérinaire d'Alfort, qui s'est occupé et s'occupe encore journellement d'expériences sur le phosphore, consulté par M. Chevallier père sur les moyens à mettre en pratique pour combattre les accidents résultant de l'administration de ce toxique, répondait qu'il ne connaissait pas encore de moyen qui puisse être mis en usage pour paralyser son effet.

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II. EMPOISONNEMENT PAR LE PHOSPHORE.

Les accidents produits par le phosphore ont été signalés par divers auteurs: ainsi Alph. Leroy qui avait pris 15 centigrammes de ce produit incorporé à de la thériaque, fut atteint de phlegmasies locales suivies d'ardeurs épigastriques, de nausées, d'évacuations souvent phosphorescentes, de soif, enfin d'un malaise général avec fièvre. Enfin le docteur Bouttatz prit dans la journée et en plusieurs doses environ 5 centigrammes de phosphore dissous dans de l'éther (chaque dose était de 24 gouttes d'une dissolution composée de 40 centigrammes de phosphore et de 32 grammes d'éther); il en prit une goutte toutes les deux heures. La première occasionna quelques nausées; la deuxième éveilla chez lui l'appétit, le pouls fut vif et la chaleur plus intense. Le soir, les forces, la sécrétion de l'urine et l'ardeur vénérienne étaient augmentés, mais sans accidents pour l'expérimentateur. Weickard et Zessler font connaître que chez quelques personnes il y avait de violentes inflammations, des perforations d'estomac, la gangrène et quelquefois la mort précédée de taches gangréneuses sur diverses parties du corps. Lobenstein Loebel cite le fait suivant : Un aliéné prit un huitième de grain de phosphore, et vingt-cinq minutes après il succombait dans des convulsions effrayantes. Plus tard Bréra, Hufeland, Lauth, Vorbe, firent connaître des cas d'empoisonnement produits par cette substance, mais employée à des doses plus fortes. Dieffenbach de Biel succomba après avoir pris d'abord 5 centigrammes, puis 10, enfin 15 de phosphore. On constata qu'il y avait inflammation grave du canal intestinal, du foie, des poumons. Nous croyons que l'état de division dans lequel le phosphore se trouve lors de son administration doit avoir une grande influence sur les phénomènes qui suivent son absorption.

Des expériences faites sur des animaux, des chats, des cochons d'Inde, des poules, des pigeons, ont démontré la pro

priété toxique du phosphore, et les auteurs qui ont suivi ces expériences ont établi qu'il agissait à la manière des poisons corrosifs, et que les accidents une fois développés ne peuvent être que difficilement entravés par les secours de l'art. Les préparations phosphorées peuvent, comme le phosphore, lorsqu'elles sont administrées, donner lieu à des dangers graves; ainsi dans les Annales de chimie on trouve la lettre suivante, écrite par le C. S., an vi.

« Après une opération du phosphore, faite cet hiver chez » moi, à la campagne, sur des quantités de matières un peu » considérables, on a jeté les eaux qui avaient servi à laver » et purifier ce corps combustible par une croisée qui donnait >> sur la basse-cour: au bout de quatre jours, on a trouvé >> une poule morte, et le surlendemain on en a trouvé encore >> deux; trois jours après on m'a apporté une dinde qui a péri >> dans les convulsions les plus affreuses au moment même où >> elle mangeait. La curiosité m'a conduit à en faire l'ouverture: » tout était dans l'état le plus sain et rien n'offrait le moindre >> indice de la plus légère maladie, seulement je me suis » aperçu que la pellicule interne du gésier était un peu ra>> cornie comme la plupart des matières animales exposées à >> l'action de la chaleur. Des observations faites sur vingt-sept >>> sujets morts dans un très court espace de temps m'ont con» vaincu qu'il n'y avait qu'une cause pour tous ces effets, et » que cette cause ne pouvait être que le phosphore contenu » en nature dans les eaux. Les symptômes avant-coureurs de » la mort étaient les mêmes chez tous et ne différaient que » par leur durée. Une tristesse et un anéantissement complet précédèrent les convulsions horribles qui terminaient >> leurs maux; les estomacs étaient lumineux chez tous. Les >> grains mêmes non encore digérés reluisaient en tombant >> par terre; ceux qui d'abord ne présentaient ni lumière ni >> odeur de phosphore ne tardaient pas à en manifester étant » chauffés. J'ai formé un nombre de six de ces atomes que j'ai

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