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l'esprit. On ne pourrait mieux exprimer ce rôle bienfaisant de la liturgie que par ces paroles de notre confrère D. Lambert Beauduin : « la liturgie s'assimile le dogme, l'assouplit à sa nature, le tamise dans ses formules, ses rites, et ses symboles. Elle est notre foi confessée, sentie, priée, chantée, mise en contact avec la foi de nos frères et de toute l'Église... ».

« Doctrine et méthode ne suffisent pas pour faire pénétrer en nous la vérité divine, il faut la grâce; or la liturgie, parce que acte du culte accompli par l'Église comme telle, est de sa nature sanctifiante. La vérité devient adoration et prière, elle est toute chargée de grâces. »

I

Soutenue par l'enseignement et par le travail de la purification morale, que de fruits la fréquentation pieuse et croyante des mystères du culte chrétien ne porterait-elle pas pour nos âmes !

On se méprendrait du tout au tout sur l'esprit qui nous anime, si l'on nous soupçonnait de vouloir exalter la liturgie pour influencer les religieux d'un autre ordre que le nôtre : nous sommes trop persuadés que la perfection pour un religieux consiste avant tout à vivre en obéissance et conformément à l'esprit spécial de l'institut auquel il appartient.

Nous ne cherchons pas à attaquer ceux qui penseraient autrement que nous, mais à défendre imitant en cela nos confrères la position transcendante que la liturgie occupe de droit dans l'Église catholique.

Nous admettons volontiers, que l'application intérieure à la liturgie et les méthodes rationnelles, puissent coexister pour coopérer à former les âmes au Christ, mais à la condition que les cycles de méditation systématiquement conduits n'absorbent pas les âmes au point de les isoler du grand courant de la piété catholique. Il y a des âmes pieuses qui sont étrangères à la prière de l'Église. Ne faudrait-il pas au contraire que les méthodes particulières tendent au moins en partie à ramener les fidèles à participer davantage à la piété officielle de l'Église dont la messe est le centre, et l'union au Christ par le cycle du Temps le développement? Ainsi les méthodes, loin de séparer les âmes de la liturgie, s'uniraient à elle pour coopérer à une formation chrétienne homogène.

Nous nous adressons seulement aux âmes qui cherchent la piété intérieure. Nous voulons rappeler que la sainte Église a une prière officielle d'une beauté, d'une dignité, d'une vitalité surnaturelle hors de pair, prière dont la valeur formative pour le bien spirituel des âmes a été souvent

1 Questions liturg. 1913. Noël, p. 91.

ignorée ou même méconnue. Nous ne nions pas l'utilité des méthodes rationnelles : l'expérience de plusieurs siècles et le témoignage des saints ont souvent démontré leur utilité, tant pour la réussite des retraites, que pour sanctifier journellement bien des âmes. Mais nous voulons rappeler que c'est une prétention exagérée que d'estimer qu'elles détiennent comme un monopole: qu'en matière d'oraison mentale, le seul moyen d'apprendre à la faire, c'est de pratiquer un système de méditations méthodiques, composées d'après un plan préconçu. On estime que, hors le cas d'une grâce exceptionnelle, quiconque voudrait apprendre à méditer et à s'entretenir en silence avec Dieu, sans passer par ces méthodes, risquerait de n'édifier qu'un temple spirituel à base fragile. La prière n'est-elle pas comprise, quelquefois, comme étant un art, art dont la méthode a progressé au cours des temps, en se précisant avec plus de rigueur ?

Sans doute les méthodes auront l'avantage de fournir des méditations bien ordonnées, et bien faites d'avance; tandis que l'utilisation de la liturgie pour la piété privée, comportera toujours des tâtonnements. Mais malgré ce défaut nous croyons qu'elle aura toujours un incomparable avantage : celui de faciliter l'expérience religieuse personnelle; son œuvre tend à être sincère et formative. Fruit de la spontanéité de l'esprit et du cœur de celui qui s'y applique, elle ne risque guère d'être chose factice, extrinsèque à la pensée intime. Et ces qualités ne méritent-elles pas d'être achetées au prix de quelque tâtonnement ?

La prière intime étant un entretien avec Dieu, ce qui importe avant tout c'est qu'elle soit sentie et dite, avec la plus grande sincérité intérieure possible. Telle la prière du publicain. Tout l'effort et le progrès de la prière sont, à notre avis, un effort et un progrès dans la vérité intérieure devant Dieu: Fais-moi entrer Seigneur dans ta vérité, dit le psaume, et encore le Seigneur s'incline vers l'âme de quiconque le prie en sincérité de cœur. Et ce travail ne se fait pas sans tâtonnements.

Saint Ignace, en écrivant à saint François Borgia, alors que celui-ci était encore duc de Gandie et dans le siècle, s'exprime en ces termes : « mais pour chacun, cette méditation-là est la meilleure, dans laquelle Dieu se communique davantage à lui. Car Dieu voit et sait ce qui nous convient davantage, et, sachant tout, il nous indique lui-même la voie à suivre. Nous, pour la trouver nous devons tâtonner, afin de rencontrer la voie qui nous conduira... ».

3

I Dans certains collèges les élèves qui font usage du missel sont encore l'exception! Les éducateurs ne pourraient, et ne devraient-ils pas s'appliquer à changer cela? - 2 Ps. 85, 11; Ps. 144, 18.—3 Études. Tome 102, p. 567. R. P. Suau S. J., Saint François Borgia.

Pratiquement, il est donc certain que pour chaque âme la meilleure méthode est celle qui lui réussit le mieux, et que pour la découvrir les tâtonnements ne sont pas pure perte de temps.

Nous souhaiterions qu'ils se fissent sous la direction sage de la prière de l'Église, et que le souci de se conformer intérieurement au texte sacré, ramenât toujours celui qui médite, à une attitude de vérité intérieure approuvée par l'Église.

En second lieu, l'oraison étant une grâce, la liturgie l'emporte encore à ce point de vue sur les méthodes rationnelles, comme le dit excellemment Dom Robert Trilhe: « A la liturgie plus qu'à toute autre méthode paraît attachée l'onction de l'Esprit-Saint. Cela ne doit pas surprendre puisque N.-S. a promis d'être au milieu de ses disciples, lorsque deux ou trois seront réunis en son nom, à plus forte raison cette promesse sera-t-elle réalisée, lorsque l'objet de la réunion est l'exercice officiel du culte public. Cette grâce, à laquelle participe la prière privée causée par la liturgie, ne se trouvera pas au même degré dans l'oraison méthodique ». 1

La liturgie, culte extérieur que l'Église rend à Dieu est une force chrétienne, force vive dont la valeur a été souvent ignorée. Convaincu de la valeur de la liturgie pour la formation de la piété individuelle, nous nous efforcerons de montrer comment elle vivifie celle-ci dans ses trois formes essentielles qui, tout en se compénétrant, offrent cependant trois aspects distincts: 1) la vie intérieure; 2) la pratique de la méditation ou de l'oraison; 3) la fréquentation de la sainte eucharistie.

Avant de traiter ces trois points, nous exposerons brièvement le fondement dogmatique que présuppose la piété chrétienne, lorsqu'elle s'inspire, de la liturgie: A) Dieu se communique à nous en Jésus-Christ. B) JésusChrist se révèle à nos âmes par la liturgie. En d'autres termes: on va à Dieu par Jésus-Christ, et au Christ par l'Église.

Daigne Dieu bénir notre effort entrepris, afin d'aider les pieux chrétiens qui voudront bien nous lire, à mieux prendre conscience des richesses spirituelles qu'ils possèdent en la sainte liturgie.

La liturgie n'est pas le bien propre des bénédictins : elle est la grande

1 Bulletin de Toulouse, 1914. p. 183.

2 Dom Festugière. La liturgie catholique, chap. V, p. 32. Dans notre petit travail, nous nous félicitons d'être en contact de pensée avec la vaste et solide synthèse de notre distingué confrère, non moins qu'avec ses deux brochures: Qu'est-ce que la liturgie, et Définition de la liturgie.

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