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race, ne visent que votre édification. Nous voudrions tant qu'elles aidassent, dans votre missel missel « à mieux voir qui est Jésus, terebat videre Iesum quis esset 1. »

Louvain, ce 16 novembre 1913.

D. E. VANDEUR.

L'Antienne de l'Avent :

Alma Redemptoris Mater.

Rien ne prouve mieux le caractère traditionnel du culte d'hyperdulie ndu par l'Église catholique à la Mère de Dieu que les accents dont la urgie tant orientale qu'occidentale célèbre la Vierge Marie 2. Dans leurs belles prières empruntées aux siècles d'or de la littérature rétienne, les Grecs ne la nomment jamais sans épuiser en quelque sorte sa louange les ressources de leur langue si riche en superlatifs : Marie, !le la toute pure, la toute sainte, la toute bonne, la toute glorieuse. Aussi es théologiens concluent-ils à bon droit de l'exubérance de ces épithètes la foi constante, au moins implicite, des Grecs en l'Immaculée Coneption de la Mère de Dieu.

Quel contraste entre cette chaleur de la piété catholique et la froideur qu'affectent les protestants, surtout en Allemagne, en la nommant tout simplement die Maria 3.

L'une des délicates attentions de la liturgie à l'égard de Notre-Dame, consiste à lui vouer des antiennes solennelles correspondant aux diverses périodes de l'année liturgique. Ces prières, dont la beauté musicale va de pair avec celle du texte, occupent dans la piété des fidèles une place de

choix.

L'Alma Redemptoris Mater caractérise le temps de l'Avent. Rien Luc, XIX, 3.

2 Les théologiens distinguent le culte de latrie (ou d'adoration) réservé à la sainte Trinité et à Jésus-Christ, et le culte de dulie rendu aux serviteurs de Dieu, les anges et les saints. Dans ce culte une place d'honneur revient à la Mère de Dieu : de là, son nom d'hyperdulie ou de culte suréminent. Cette terminologie usuelle suffit à prouver la différence essentielle que l'Église met entre le culte de Marie, si sublime soit-il, et le culte de Dieu. Le dernier est le seul culte absolu. De là, la prière liturgique : « Soli Deo honor et Gloria. A Dieu seul honneur et gloire! >>

3 Quelques auteurs catholiques croient plus scientifique d'en faire autant. C'est un mauvais genre. N'est-ce pas de Döllinger qu'on a dit que jamais de sa bouche ne sortait. une parole pieuse à l'adresse de la Sainte Vierge?

ments verts, couleur-symbole de l'espérance, épelait une à une les pensées de cet évangile, nous nous rappelions avec émotion comment le prince de l'exégèse catholique, saint Jérôme, interprétait à l'office de nuit, dans une homélie incomparable, la parabole : « Le royaume des cieux, disait-il, c'est la prédication de l'Évangile et la science des Écritures, celle qui conduit à la vie. L'homme sème dans un champ, c'est-à-dire en lui-même et dans son cœur. Il reçoit dans cette terre le grain de la prédication, il le réchauffe dans son sein; sa foi, comme une rosée bienfaisante, le fait se multiplier dans ce champ intime. Cette semence d'Évangile est bien la plus petite des semences que sèment les docteurs de ce monde. Comparez l'autorité de qui vient prêcher le scandale de la croix de Jésus; en effet, comparez-la avec celle des dogmes, des livres des philosophes, avec l'éclat de leur éloquence et la beauté de leurs discours. Vraiment qu'elle paraît insignifiante la semence évangélique ! Ne craignez pas : l'orgueilleuse prétention des sages ne dépassera pas la hauteur de l'herbe qui sèche et tombe. Au contraire, l'humble prédication de l'Évangile va croître dans l'âme du croyant ; elle va s'y développer en grâces, comme se développe une tige grêle qui grandit et devient arbre. Et les oiseaux du ciel, c'est-à-dire les fidèles qui l'auront écoutée et reçue, s'abriteront dans ses rameaux, comme sous l'ombre et la protection de vérités enfin connues, aimées, contenant tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu 1 >> ...

Ah! si nous pouvions ne jamais sortir de notre église ou de notre chapelle, le matin, sans avoir emporté, jalousement, la petite semence que le ministre de Dieu, d'un geste bien large, jette dans le sillon de notre âme, quand, à l'évangile, il nous redit la parole du Semeur divin! Si nous pouvions, avec amour, la cacher dans notre cœur, cette semence! Si nous pouvions en faire, au cours de la journée, la bonne conseillère de notre âme, son soutien, sa force, sa lumière, son guide! Peu à peu, comme le juste, dont parle le psaume, cette âme fleurirait comme le palmier, elle s'élèverait comme le cèdre du Liban; arbre planté dans la demeure de Dieu, elle s'épanouirait dans le parvis du Seigneur; et jusque dans la vieillesse elle porterait des fruits, pleine de sève et toujours verdoyante 2

....

Les pages qui vont suivre et dont vous lisez ici, chers lecteurs, la - 2 Ps., XLI, 13-15.

I Coloss., II, 3.

préface, ne visent que votre édification. Nous voudrions tant qu'elles vous aidassent, dans votre missel « à mieux voir qui est Jésus, Quaerebat videre Iesum quis esset 1. »

Louvain, ce 16 novembre 1913.

D. E. VANDEUR.

L'Antienne de l'Avent :

Alma Redemptoris Mater.

Rien ne prouve mieux le caractère traditionnel du culte d'hyperdulie rendu par l'Église catholique à la Mère de Dieu que les accents dont la liturgie tant orientale qu'occidentale célèbre la Vierge Marie 2.

Dans leurs belles prières empruntées aux siècles d'or de la littérature chrétienne, les Grecs ne la nomment jamais sans épuiser en quelque sorte à sa louange les ressources de leur langue si riche en superlatifs : Marie, elle la toute pure, la toute sainte, la toute bonne, la toute glorieuse. Aussi les théologiens concluent-ils à bon droit de l'exubérance de ces épithètes à la foi constante, au moins implicite, des Grecs en l'Immaculée Conception de la Mère de Dieu.

Quel contraste entre cette chaleur de la piété catholique et la froideur qu'affectent les protestants, surtout en Allemagne, en la nommant tout simplement die Maria 3.

L'une des délicates attentions de la liturgie à l'égard de Notre-Dame, consiste à lui vouer des antiennes solennelles correspondant aux diverses périodes de l'année liturgique. Ces prières, dont la beauté musicale va de pair avec celle du texte, occupent dans la piété des fidèles une place de choix.

L'Alma Redemptoris Mater caractérise le temps de l'Avent. Rien I Luc, XIX, 3.

2 Les théologiens distinguent le culte de latrie (ou d'adoration) réservé à la sainte Trinité et à Jésus-Christ, et le culte de dulie rendu aux serviteurs de Dieu, les anges et les saints. Dans ce culte une place d'honneur revient à la Mère de Dieu de là, son nom d'hyperdulie ou de culte suréminent. Cette terminologie usuelle suffit à prouver la différence essentielle que l'Église met entre le culte de Marie, si sublime soit-il, et le culte de Dieu. Le dernier est le seul culte absolu. De là, la prière liturgique : « Soli Deo honor et Gloria. A Dieu seul honneur et gloire! >>

3 Quelques auteurs catholiques croient plus scientifique d'en faire autant. C'est un mauvais genre. N'est-ce pas de Döllinger qu'on a dit que jamais de sa bouche ne sortait. une parole pieuse à l'adresse de la Sainte Vierge?

qu'à en entendre nommer le début, on se reporte à ces saluts d'hiver. Au dehors le froid envahit l'atmosphère avec les ténèbres. On a affronté des rafales de neige, pour venir se réchauffer le cœur à ses accents suaves qui répandent du jubé comme un baume consolateur.

Cette antienne est si imprégnée du grand mystère auquel l'Avent prépare les fidèles, qu'elle continue à résonner autour du berceau de l'Emmanuel jusqu'à la fête de la Chandeleur. Seuls le verset et l'oraison changeront aux premières vêpres de la Nativité et donneront à l'antienne une intonation plus joyeuse, faisant passer la même mélodie du mineur au majeur. Si une comparaison profane était de mise, je rappellerais ici deux délicieuses mélodies de Beethoven, appelées l'une et l'autre Sehensucht, désir le maître en fait d'abord longuement savourer en mineur la tristesse intime et langoureuse avant de les épanouir au rayon de soleil de la gamme majeure.

Et puisque je viens d'emprunter à la musique un terme de comparaison, sera-t-il permis d'ajouter une remarque touchant l'interprétation grégorienne de notre antienne? La difficulté consiste à mettre d'accord la mélodie et le texte. Celui-ci est conçu en vers hexamétriques. La mélodie tantôt fait abstraction du vers pour suivre le sens : c'est le cas pour les mots quae pervia coeli porta manes; tantôt elle se laisse plus enflammer par la prosodie que par le sens, comme pour le passage : « succurre cadenti, surgere qui curat, populo ». Ici l'arrêt musical après cadenti est beaucoup plus sensible que l'arrêt logique. Pour les mots : « Gabrielis ab ore sumens illud ave, » l'arrêt logique après ab ore est presque nul dans le texte, tandis qu'on offenserait la mélodie si l'on passait trop vite aux paroles sumens illud ave. La meilleure exécution sera celle qui parviendra le mieux à mettre l'accord entre le texte et la mélodie, ou du moins à faire oublier que cet accord n'est pas parfait. Dans ce but on évitera de passer aussitôt aux paroles surgere qui curat et sumens illud ave. Toute précipitation à ces endroits froisserait le sens mélodique et rendrait plus sensible le défaut qu'on chercherait à couvrir.

Cette réserve faite, le chantre n'a qu'à s'abandonner aux paroles. Mieux il exprimera celles-ci, mieux aussi il traduira l'admirable mélodie grégorienne qui les rehausse 1.

Quelle ampleur dès la première parole: Alma! Il y a dans ce mot presque impossible à traduire en français, une magnificence royale mêlée à une munificence maternelle. 2 Aussi convient-il éminemment à la

I Nous visons ici surtout la mélodie plus ornée. 2 Ainsi, nous appelons volontiers l'Alma mater notre Université catholique, dont le Recteur porte le titre de Magnifique.

Redemptoris mater à l'auguste et bienfaisante Mère du Rédempteur. La mélodie s'inspire de cette double nuance. Partie d'en bas pour exprimer l'humilitatem ancillae, elle prend aussitôt un noble élan vers les sommets, pour se répandre bientôt comme en un geste de largesse souveraine; les dernières notes semblent déposer un sourire et un bienfait. Telle une blanche colombe d'un coup d'aile s'élance, plane un moment dans les hauteurs, et redescend vers l'endroit discerné par son choix.

Mais ici, c'est la Vierge elle-même qui devient la demeure choisie de la colombe céleste. L'Esprit-Saint l'a pénétrée de ses ardeurs. Le Prince du Ciel a fixé en elle son trône de sagesse et de bonté. La voilà devenue la Porte du Ciel. Et cette porte royale, elle ne cessera plus de l'être au cours des siècles. Non contente de nous donner l'Emmanuel dans la nuit bienheureuse, elle nous le redonne tous les ans. C'est pourquoi, à chaque Avent qui se rouvre, les yeux tournés vers elle nous lui disons: Alma Redemptoris Mater quae pervia cœli porta manes. Salut ô royale et bienfaisante Mère du Rédempteur. Salut ô porte du ciel toujours ouverte !

L'Avent est comme une navigation nocturne sur une mer agitée. La tempête gémit dans les cordages. L'équipage est impatient de voir poindre l'aurore. Marie est l'étoile de la mer, guide toujours sûre, de sa clarté sereine, toujours souriante, elle prévient le jour dont elle annonce l'aube. Aussi l'antienne ajoute-t-elle: et stella maris. Comment ne pas remarquer ici la frappante ressemblance entre ce début de notre antienne et la première strophe de l'hymne de la Vierge? Pour n'être pas présentées dans le même ordre, les pensées n'en sont pas moins identiques.

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Les paroles qui suivent s'appliquent avec un égal bonheur au temps liturgique dans lequel nous venons d'entrer : « Succurre cadenti, surgere qui curat populo. Venez au secours de votre peuple tombé, qui fait des efforts pour se relever ». Quel spectacle plus digne de pitié que celui d'un malheureux, victime d'un accident,-y eut-il même de sa faute,-gisant à terre, blessé, sanglant, en proie à d'affreuses douleurs et faisant des efforts impuissants pour se relever. Telle était la condition de l'humanité que

I Ce rapprochement n'a rien de forcé. Si, par une hypothèse aussi absurde qu'impie, Marie n'avait pas gardé sa virginité inaltérable, elle serait déchue de sa sublime vocation spirituelle et n'aurait pu demeurer la porte du ciel toujours ouverte.

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