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APPENDICE

DE LA TUTELLE HOSPITALIÈRE.

932. Comme appendice au titre De la tutelle, il reste à signaler une sorte spéciale de tutelle, que nous avons nommée tutelle hospitalière. Ce sujet rentre dans le droit administratif; cependant il touche au droit civil; il est nécessaire de connaitre au moins les lois qui y sont relatives.

Ces lois, pour ne parler que de celles aujourd'hui en vigueur, sont au nombre de trois; leur développement marque la suite des progrès accomplis dans l'intervention sociale pour la protection des abandonnés.

933. La première, déjà ancienne mais toujours en vigueur, a organisé la tutelle des enfants orphelins ou abandonnés recueillis dans les hospices. C'est la loi du 15 pluviose an XIII (4 février 1805), relative à la tutelle des enfants admis dans les hospices.

Ces enfants sont sous la tutelle de la commission administrative de l'hospice où ils ont été recueillis ; la commission désigne, s'il y a lieu, un de ses membres pour remplir les fonctions de tuteur; les autres membres forment le conseil de famille (article 1). Les biens de l'enfant, s'il en a, ce qui n'est pas fréquent, sont administrés par le receveur de l'hospice; son cautionnement sert de garantie (article 5). Les revenus de ces biens sont attribués à l'hospice jusqu'à la sortie, à titre d'indemnité des frais d'entretien (article 7). C'est une sorte d'application dérivée du droit de jouissance légale.

La tutelle ainsi organisée dure, comme la tutelle ordinaire, jusqu'à la majorité ou l'émancipation (article 3). L'émancipation, s'il y a lieu, est conférée par la commission administrative; le tuteur fait la déclaration exigée par le Code civil devant le juge de paix. Le receveur de l'hospice devient curateur; c'est un cas de curatelle légitime 1.

1. Cpr. suprà, no 910 in fine.

Il faut joindre à la loi du 15 pluviose an XIII le décret du 19 janvier 1811, concernant les enfants trouvés ou abandonnés et les orphelins pauvres; il contient diverses prescriptions protectrices, notamment dans son titre VI, intitulé: De la tutelle et de la seconde éducation des enfants trouvés et des enfants abandonnés.

934. Plus tard, une loi spéciale à la ville de Paris, où tous les services hospitaliers sont centralisés dans une administration unique, la loi du 10 janvier 1849, a transféré au directeur de l'Assistance publique la tutelle des enfants trouvés, abandonnés et orphelins, et aussi celle des aliénés (article 3 in fine). C'est la plus vaste des tutelles.

935. Enfin la loi du 24 juillet 1889, celle où déjà nous avons trouvé les cas de déchéance de la puissance paternelle, a organisé la tutelle des enfants moralement abandonnés.

Ces enfants ne sont plus les enfants orphelins ou abandon nés de la loi de l'an XIII, laquelle suppose l'abandon réel, matériel; ce sont ceux dont les parents existent, sont connus, mais les délaissent, ou sont indignes de les élever. C'est en ce sens qu'ils sont dits moralement abandonnés, sans l'être réellement.

936. Le chapitre II du titre I (articles 10 et suivants) est intitulé: De l'organisation de la tutelle en cas de déchéance de la puissance paternelle. Il se peut que la tutelle reste à la famille ou qu'elle lui soit enlevée; c'est au tribunal qui prononce la déchéance à le décider. Si la tutelle reste à la famille, le droit commun s'applique sauf quelques particularités, qui ont été signalées précédemment'. Dans le cas contraire, l'article 11 la délègue aux administrations hospitalières,conformément aux lois de l'an XIII et de 1849. C'est l'extension aux enfants moralement abandonnés de ce qui existait déjà pour les enfants vraiment abandonnés. L'article 11 in fine ajoute: « L'Assistance publique peut, tout en gardant la tutelle, remettre les mineurs à d'autres établissements et même à des particuliers.

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L'article 12 règle les obligations de la famille quant à la pension à payer : « Le tribunal, en prononçant sur la tutelle,

1. Suprà, p. 412.

<< fixe le montant de la pension qui devra être payée par les « père et mère et ascendants auxquels des aliments peuvent «< être réclamés, ou déclare qu'à raison de l'indigence des << parents il ne peut être exigé aucune pension. »>

L'article 13 introduit, au profit des enfants moralement abandonnés, une application nouvelle de la tutelle officieuse, sorte de tutelle usitée jusque-là seulement en vue de l'adoption et qui reçoit une destination nouvelle. Le texte porte: « Pendant l'instance en déchéance, toute personne peut « s'adresser au tribunal par voie de requête, afin d'obtenir « que l'enfant lui soit confié. Elle doit déclarer qu'elle se <«<soumet aux obligations prévues par le paragraphe 2 de «l'article 364 du Code civil, au titre de la tutelle officieuse.

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Si le tribunal, après avoir recueilli tous les renseignements « et pris, s'il y a lieu, l'avis du conseil de famille, accueille «la demande, les dispositions des articles 365 et 370 du << même Code sont applicables... >> Cela constitue au tuteur officieux un véritable droit, qui lui donne l'indépendance au regard de la famille, et lui permet d'accomplir la bonne œuvre entreprise.

987. Le titre II (articles 17 à 26) est intitulé: De la protection des mineurs placés avec ou sans l'intervention des parents. Il règle la condition des enfants moralement abandonnés dont les administrations hospitalières, les associations charitables ou les particuliers ont accepté la charge. Ce qu'a cherché la loi, quant à eux, c'est assurer à ceux qui ont recueilli l'enfant une indépendance suffisante, puis écarter, dans l'intérêt de l'enfant, les obstacles qu'apporteraient les parents à l'œuvre entreprise. La loi prend pour cela deux mesures.

1. Elle confère au tribunal la faculté de déléguer la puissance paternelle à l'administration hospitalière, à l'association ou au particulier qui a recueilli l'enfant. La délégation n'est pas la déchéance de la puissance paternelle, mais un simple transfert provisoire d'exercice, à raison des circonstances. Cette innovation est une des plus considérables de la loi, celle qui aura certainement le plus d'efficacité pour le sauvetage de l'enfance.

20 La loi organise une surveillance administrative constante sur les enfants recueillis et dans leur intérêt.

Les articles 17 et 18 visent le cas où l'enfant a été placé par ses père et mère ou tuteur.

Le premier alinéa de l'article 17 est ainsi conçu : « ...... Le « tribunal du domicile de ses père, mère ou tuteur peut, à « la requête des parties intéressées agissant conjointement, <«< décider qu'il y a lieu, dans l'intérêt de l'enfant, de déléguer « à l'Assistance publique les droits de puissance paternelle abandonnés par les parents, et de remettre l'exercice de ces «< droits à l'établissement ou au particulier gardien de l'en(( << fant. >>

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L'alinéa 2 ajoute : « Si des parents ayant conservé le droit de consentement au mariage de leurs enfants refusent de <«< consentir au mariage en vertu de l'article 148 du Code ci« vil, l'Assistance publique peut les faire citer devant le tri« bunal, qui donne ou refuse le consentement, les parents « entendus ou dûment appelés, dans la Chambre du con<< seil. >>

Les articles 19 et 20 visent le cas où l'enfant a été recueilli sans l'intervention des père et mère ou tuteur. L'administration, l'association ou le particulier qui a recueilli l'enfant doit en faire la déclaration (article 19). Si, dans les trois mois, les père et mère ou le tuteur n'ont pas réclamé l'enfant, ceux qui l'ont recueilli peuvent demander, pour leur sécurité, que la puissance paternelle leur soit déléguée, car l'attitude des parents implique un véritable abandon (article 20).

Dans les deux cas, que l'enfant ait été placé avec ou sans l'intervention des parents, l'article 21 prévoit que les père et mère ou le tuteur réclament l'enfant. Ils ont le droit de le faire, car la délégation n'est qu'une mesure provisoire, un expédient. Seulement, comme cette délégation a été réglée par jugement, les père et mère ou le tuteur qui réclament l'enfant doivent s'adresser au tribunal. Le pouvoir judiciaire est ainsi constitué le protecteur des enfants moralement abandonnés, l'arbitre entre les parents et ceux qui ont recueilli l'enfant. C'est conforme d'ailleurs au système du Code civil sur la puissance paternelle et sur la tutelle.

Si la demande est accueillie, l'enfant est replacé dans le droit commun. Sinon, le tribunal peut, sur la réquisition du ministère public et afin d'assurer à l'enfant que les soins dont il est l'objet lui seront continués sans trouble, prononcer la déchéance définitive de la puissance paternelle. Il y a là un

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cas de déchéance facultative à ajouter à ceux qu'énumère l'article 2 de la loi de 18891.

Les articles 22 à 25 ont trait à la surveillance administrative des enfants recueillis; notamment, le préfet et l'Assistance publique peuvent toujours demander que le gardien soit dessaisi (article 23). L'article 22 annonce un règlement d'administration publique relatif au fonctionnement de cette surveillance; mais ce règlement n'est pas encore fait.

938. Toutes ces dispositions sont importantes. Elles ont donné l'élan; de tous côtés, les œuvres se multiplient, et l'application des règles de la loi ne peut manquer d'avoir des résultats utiles.

1. Suprà, p. 406 et suiv.

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