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moderne maintient, quant à eux, l'ancienne idée de la restitutio in integrum. Ils sont irréguliers dans deux cas : quand ils sont passés par le mineur lui-même au lieu de l'être par son tuteur, qui est son représentant légal, ou bien quand, passés par le tuteur, ils le sont sans qu'on ait observé les conditions ou formalités prescrites.

Mais à quelles conditions en obtiendra-t-on l'annulation? C'est ici qu'il y a des distinctions à faire. L'acte peut être attaqué, selon les cas, tantôt par une action en nullité, tantôt par une action en rescision.

Le système admis par une jurisprudence à peu près constante se résume dans les deux règles suivantes'.

1° Les actes que la loi soumet à certaines conditions de forme sont annulables par cela seul que ces conditions n'ont point été observées. Peu importe qu'ils aient été faits par le tuteur ou par le mineur. Tels sont les actes prévus par les articles 457, 459, 466, 467, enfin par les articles 1 et 2 de la loi du 27 février 1880. La forme est ici considérée comme protectrice; si elle n'a pas été observée, le mineur n'a pas été protégé comme il a le droit de l'être ; il y a ouverture à une action en nullité (articles 1125 et 1304).

2o Les actes qui ne sont soumis à aucune condition spéciale de forme, tous ceux qui rentrent dans la cinquième classe de la classification faite précédemment, sont inattaquables s'ils ont été passés par le tuteur, car ils ont alors été régulièrement faits. S'ils ont été passés par le mineur lui-même, ils sont rescindables, c'est-à-dire que le mineur ou ses représentants en obtiendront l'annulation, à charge de prouver qu'il en résulte un préjudice, une lésion; il y a ouverture à une action en rescision pour lésion : « La simple lésion, dit « l'article 1305, donne lieu à la rescision en faveur du mineur « non émancipé contre toutes sortes de conventions... 11 faut entendre ces derniers mots en ce sens : contre toutes les conventions autres que celles qui ont été passées régulièrement, c'est-à-dire contre celles qui l'ont été par le mineur an lieu de l'être par le tuteur.

De ces deux actions (l'action en nullité pour violation des formes exigées, et l'action en rescision pour lésion quand l'acte n'est soumis à aucune règle spéciale de forme), la pre

1. Fuzier-Herman, Code civil annoté, article 1305, no 3 et suiv.

mière est évidemment préférable à la seconde. Pour réussir dans la première, il suffit de prouver l'irrégularité, tandis qu'il faut quelque chose de plus pour réussir dans la seconde : outre l'irrégularité résultant de ce que le mineur a passé l'acte lui-même, il faut faire la preuve de la lésion subie.

Ainsi, complète validité des actes régulièrement faits; annulation possible, pour vice de forme, des actes soumis à des formalités, si ces formalités ont été omises; enfin rescision possible, ce qui suppose preuve acquise de la lésion, des actes non soumis à des formalités, si, au lieu d'être passés par le tuteur, ils l'ont été par le mineur lui-même. Cette distinction, aujourd'hui constante en jurisprudence, n'est formellement écrite nulle part; mais elle ressort nettement de l'article 1311: le mineur « n'est plus recevable à reve«nir contre l'engagement qu'il avait souscrit en minoarité, lorsqu'il l'a ratifié en majorité, soit que cet enga«gement fût nul en sa forme, soit qu'il fût seulement sujet « à restitution ». Nul en sa forme, il peut être attaqué par l'action en nullité; sujet à restitution, il peut l'être par l'action en rescision. C'est à propos de ce texte que nous aurons plus tard à pénétrer davantage dans les détails de ce sujet.

CHAPITRE IV

DE LA FIN DE LA TUTELLE ET DES
SUITES QU'ELLE ENTRAINE.

884. Le but même de la tutelle implique suffisamment qu'elle doit être temporaire; protection due à raison de l'âge, elle cesse quand vient l'âge de la responsabilité. D'autres causes, d'ailleurs, peuvent y mettre fin.

Quant aux suites que la fin de la tutelle entraîne, ce sont surtout les comptes de tutelle. Il faut ajouter, mais seulement pour mémoire, que la fin de la tutelle amène, s'il y a lieu, le règlement des responsabilités encourues par les divers agents de la tutelle'.

SECTION I.

Des causes qui mettent fin à la tutelle.

885. La tutelle prend fin par diverses causes, au nombre de cinq.

I. — Par la majorité. La majorité met fin à la puissance paternelle, sous quelques réserves (article 372); elle met également fin à la tutelle et d'une manière absolue.

L'article 388 définit la minorité la période de la vie pendant laquelle l'homme n'a pas ou est réputé ne pas avoir la capacité nécessaire aux actes civils. L'article 488, qui ne fait que répéter la même idée 3, fixe l'âge de la majorité, où l'homme devient maitre de lui-même et par suite responsable, à vingt et un ans accomplis, c'est-à-dire au moment où commence la vingt-deuxième année. L'article ajoute: «A

1. Suprà, p. 515. 2. Ibid., p. 398. 3. Infrà, p. 563.

«cet age, on est capable de tous les actes de la vie civile, sauf «< la restriction portée au titre Du mariage. >>

Dans l'ancien droit, la minorité ne finissait généralement qu'à vingt et un ans. Il en est encore ainsi dans la plupart des législations modernes. C'est la loi du 30 septembre 1792, complétée à cet égard par le décret du 31 janvier 1793, qui, dans une pensée de liberté individuelle, d'émancipation de l'individu, a abaissé l'âge à vingt et un ans'.

Il est communément admis, quoiqu'aucun texte ne le dise formellement, que la supputation du temps, pour le calcul de la majorité, se fait de momento ad momentum, et non pas, comme c'est l'usage habituel dans le calcul des délais, de die ad diem. Aux termes de l'article 57, l'acte de naissance constate l'heure de la naissance; vingt et un ans après, jour pour jour et heure pour heure, la majorité est acquise. C'était le mode de calcul adopté autrefois; rien n'indique que le Code civil ait entendu modifier l'ancien usage; c'est un point qui peut être regardé comme ne faisant pas doute 2.

II. La tutelle prend fin par l'émancipation du pupille. L'émancipation met fin, avant le terme habituel, à la puissance paternelle; les articles 372, 377 et 384 le disent. Elle met aussi fin à la tutelle; l'article 471 le suppose. Elle place le mineur à la tête de ses affaires, sans cependant qu'il puisse encore faire seul les actes les plus importants de la vie civile. Elle crée une situation intermédiaire; ce n'est plus la minorité proprement dite, ce n'est pas encore la majorité complète avec tous les avantages de la liberté, mais aussi tous les risques de la responsabilité. Nous reprendrons ultérieurement ce sujet, pour l'étudier d'une façon isolée 3; il suffit pour le moment d'indiquer l'émancipation parmi les causes qui mettent fin à la tutelle.

III. — La tutelle prend fin par la mort du mineur, qui la rend désormais inutile.

1. En 1851, une proposition a été soumise à l'Assemblée législative, modifiant les articles 388 et 488 et reportant la majorité à vingt cinq ans ; elle a été prise en considération et renvoyée à une commission. Voy. le Moniteur des 26 février et 14 août 1851. Cpr. Louis Amiable, Essai historique et critique sur l'âge de la majorité dans la Revue historique de droit français et étranger, 1861, p. 205 et suiv.

2. Suprà, p. 154.
3. Infrà, p. 533 et suiv.

Dans ces trois premiers cas, la tutelle prend fin d'une manière absolue et complète; il n'y a plus place pour une tutelle. IV. La tutelle prend fin par la mort du tuteur. Seulement, dans ce cas, la tutelle ne finit pas au regard du mineur; il y a lieu à la désignation d'un nouveau tuteur. Elle ne finit qu'au regard du tuteur; il y a changement de tutelle.

V. La tutelle prend fin par la décharge obtenue par le tuteur ou la destitution prononcée contre lui (articles 431 et suivants, article 444). Ici encore, il y a plutôt changement de tutelle que fin de la tutelle; un tuteur nouveau, ou tuteur entrant, prend la place du tuteur ancien, ou tuteur sortant.

SECTION II. Des comptes de tutelle.

886. De quelque manière que la tutelle ait pris fin, soit absolument, soit au regard du tuteur seulement, il y a lieu à la reddition des comptes. Tout administrateur de la fortune d'autrui est comptable; l'article 469 fait application de cette règle à la tutelle: « Tout tuteur est comptable de sa gestion lorsqu'elle finit. >>

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Tout tuteur, dit le texte. La règle s'applique même aux père et mère; c'est d'autant moins douteux que le père est comptable quand il a l'administration légale (article 389 alinéa 2), à plus forte raison quand il a seulement la tutelle. Elle s'applique même au tuteur qui n'aurait géré que provisoirement la tutelle, dans les cas prévus aux articles 394, 419 et 440. Enfin elle s'applique même au tuteur qui aurait exercé indùment les fonctions de tutelle, par exemple dans le cas de l'article 395. Dans tous ces cas, il y a tutelle, done obligation de rendre compte 1.

Les articles 470 à 475 sont relatifs aux comptes de tutelle. 887. Avant d'en aborder l'étude, il faut noter qu'il y a ou peut y avoir deux espèces de comptes en matière de tutelle.

a) Il peut y avoir d'abord les comptes que l'article 470 appelle les états de situation, qu'on nomme quelquefois les comptes provisoires ou annuels. La première expression est seule légale, seule exacte d'ailleurs; l'état de situation est

1. Fuzier-Herman, Code civil annoté, article 469, nos 1 et suiv.

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