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appelés caquins et sur leurs villages qu'on appelle maladryes estant en plusieurs endroits et paroisses de son dit évesché, particulièrement ès paroisses de Ploërmel, Guer, Campénéac, Caro, Mohon, Guillier, Mauron, Guignen, Ploubalay, Plélan et autres .1 >>

Enfin, Beignon formait une baronnie: « pour raison et cause desdits baillages et fiefs amortys en franc régaire cy-dessus mentionnés et déclarés confesse ledit évesque avoir droit de baronnie, juridiction et justice haute, basse et moyenne qui s'administre et s'exerce par ses juges et officiers. »>

Le chef-lieu de cette baronnie, résidence de l'évêque, était le manoir épiscopal de Saint-Malo de Beignon, « maison de franchise et immunités, avec ses appartenances et dépendances, droits, prééminences et libertés, chapelle, auditoire, prison, parc, estang, canaux, fontaines, jardins, colombiers et garennes; près laquelle maison et aux environs il y a cinq moulins, deux à vent et frois à eau, y compris le moulin à foulons, rabines et bois de fustage, une métairie noble appelée la Ruaudaye... un four à ban, 2 etc. » La déclaration mentionne encore les divers droits seigneuriaux de l'évêque de Saint-Malo dans les paroisses de Beignon, notamment ceux de corvées et charrois, d'usage dans la forêt de Brécilien, de

1 Les Arhives départementales d'Ille-et-Vilaine renferment plusieurs aveux rendus par ces pauvres caquins, presque tous cordiers, à l'évêque de Saint-Malo. J'ai noté les suivants: Janvier 1617, aveu de Jean et Gurval Denis lépreux demeurant au village de la Maladrerye de Guer, 6 octobre 1632, aveu du même Jean Denis lépreux demeurant à la Maladrie de Guer» déclarant devoir à l'évêque de SaintMalo deux licols de chanvre à l'époque de la visite paroissiale de Guer; 1636 aveu de Jullien et Alain Sellier, cordiers à Mauron, déclarant devoir également deux licols de chanvre chaque année

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(4 G, 57, 66). Enfin, d'autres titres

nous apprennent que les caquins habitaient des villages nommés en Ploërmel Saint-Denys, en Caro et en Campénéac la Corderie, en Guilliers et en Mauron la Maladrerie, en Mohon la Magdeleine, etc. (Ibidem).

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2 Archiv. départ. d'Ille-et-Vilaine, 4 G. En 1697, Ma du Guéníadeuc se plaignit de ce que, par suite du mauvais vouloir des propriétaires de la forêt de Brécilien, il avait été obligé d'abandonner son four banal (pour lequel il avait droit d'usage dans cette forêt) qui cependant pouvait valoir 4 à 500 # de revenu, étant bien entretenu. (Ibid.)

foires et de marchés, de quintaines et de bouhours, mais elle n'entre point dans des détails sur l'exercice fort original de ces deux derniers droits.

Si nous voulons maintenant connaître plus exactement la maison seigneuriale de Saint-Malo de Beignon, ouvrons le procès-verbal de cet édifice fait en 1688, par ordre du même évêque, Sébastien du Guémadeuc, qui restaurait alors ce château : « Etant entrés, dit Me Jean Richomme, sénéchal de Saint-Malo, - dans la cour dudit château, y avons vu deux grands corps de logis, l'un du côté du soleil levant et vers le jardin, et l'autre du costé du midy vers l'estang, et estant entrés par une porte qui est au coin qui joint les deux corps de logis1, etc.

De ces deux corps de bâtiments, l'un était ancien et l'autre avait été construit récemment par Mer du Guémadeuc, qui demandait du bois pour l'achever à l'intérieur. Dans le procès-verbal dont nous parlons, il est fait mention de plusieurs belles salles, notamment d'une grande salle de 42 pieds de long, de 22 de laize et de 17 pieds de hauteur sous poutre, ayant huit fenêtres. »

Voici en outre ce qui est dit de l'église paroissiale et de la chapelle du château :

Ledit seigneur évêque nous a conduit dans ladite église parochialle de S. Malo de Beignon, dans laquelle il nous a fait voir, au maître-autel d'icelle, un retable de bois par lui fait faire de neuf, avec deux niches' aux deux costés, pilastres, colonnes et chapitreaux, frises et corniches et chevrons brisés, avec écussons de ses armes, y compris les embrasures de la grande vitre dudit grand autel, qui a aussi ses frises et corniches, lequel retable ledit seigneur nous a dit avoir fait faire, depuis quelques années, de neuf pour l'embellissement et ornement dudit autel, et nous a fait voir un endroit où il a dessein de faire un banc pour les prestres de ladite paroisse avec un prie-Dieu et son accou

doir. »

Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, 4 G.

Rentrés au château, l'évêque et son sénéchal visitèrent les appartements qui joignent l'église et entrèrent de là dans la tribune ou jubé, qui existe toujours en bas de la nef de celle-ci, puis dans la chapelle privée de Mre du Guémadeuc. Je laisse encore la parole à Jean Richomme « Estant entrés dans le jubé donnant sur la grande église de la paroisse, (avons vu íceluy) jubé garni de ménuiserie fait en cadre et balustrade, lambrissé avec chassis et vitrages et parquetté, de 30 pieds de long et 12 de large, avec un autel de bois en sculpture, marche-pied et crédence, prie dieu et accoudouer, le tout basty de neuf et soutenu de deux piliers et d'une poutre de 34 pieds de long. » « Duquel jubé étant sortis et traversant les deux précédentes chambres, avons monté par trois degrés à main gauche, et sommes entrés dans une chapelle sur le portail, du costé de la ville, laquelle est parquettée et lambrissée partout en sculptures, avec frises et corniches tout autour, et un plafont, un autel, un marche-pied et crédence, prie-dieu et accoudouer, percée d'une ancienne fenêtre en pierre de taille haute de seize pieds et large de sept. »

La conclusion de ce curieux procès-verbal est que, pour achever la restauration du manoir épiscopal de Beignon, entreprise par Mre du Guémadeuc, il faudra « pour le moins quatre cents pieds de chênes, depuis cinq jusqu'à douze pieds de grosseur. » On voit que le bon évêque bâtissait grandement.

Mgr du Guémadeuc a laissé la réputation d'un ardent chasseur et Mme de Sévigné n'a pu s'empêcher de plaisanter spirituellement sur les goûts cynégétiques de ce prélat; les propriétaires de la forêt de Brécilien, avec lesquels il avait procès à cause de son droit d'usage, prétendaient qu'il construisait sans cesse el sans nécessité des écuries et des chenils il se plaignait lui-même, en 1688, d'être obligé de mettre ses chevaux en cinq différentes écuries, et, en 1697, il réclama avec instance le droit de chasser dans la forêt de Brécilien. C'est probablement de lui qu'il est question dans une légende populaire que j'ai entendu raconter à Beignon. Un évêque de Saint-Malo aimait si passionnément la chasse, dit

on, qu'il chassait parfois le dimanche, comme les autres jours. Il arriva qu'une fois, le prélat partit de grand matin pour se livrer à son délassement favori. Comme c'était jour de fête, il se promettait de rentrer de bonne heure. Mais, une fois lancé dans les bois à la poursuite du gibier, l'évêque s'oublia et quand il revint à SaintMalo de Beignon, il trouva toute la population assemblée dans l'église, attendant avec le recteur le retour de Sa Grandeur, pour avoir la sainte messe. Au moment où il entra dans le temple, Monseigneur vit le mécontentement des paysans, qui se lassaient d'attendre, et il essaya de se disculper en leur disant : <«< Ne faut-il pas bien, mes bons amis, que le seigneur s'amuse un peu ? Maintenant l'évêque va faire son devoir »; mais une vieille femme, moins patiente ou plus hardie que bien d'autres, ne put s'empêcher de répondre en murmurant : « Si le diable emporte le seigneur, que deviendra l'évêque ? » Cette parole attira l'attention du prélat qui, faisant aussitôt réflexion sur sa conduite, rentra en lui-même, s'approcha humblement du recteur, ou plutôt, dit la tradition, du plus jeune prêtre présent dans l'église, et le pria d'écouter sa confession, qu'il voulut faire par esprit de pénitence devant les paroissiens. A partir de ce moment, le bon évêque renonça complétement à l'exercice de la chasse, voyant que son peuple s'en scandalisait ainsi.

Je ne sais ce qu'il y a de vrai dans cette légende; toujours est-il que si Mre Sébastien du Guémadeuc avait des goûts un peu turbulents, cela ne l'empêchait pas de remplir exactement ses devoirs d'évêque. En 1695, il donna encore aux habitants de Beignon une preuve de sa piété en faisant construire dans cette paroisse la chapelle de Sainte-Reine, qui est demeurée depuis lors un lieu vénéré dans tout le pays.

Mgr du Guémadeuc mourut à Saint-Malo de Beignon, le 4 mars 1702, et fut inhumé dans le chœur de l'église de cette paroisse ; on voit encore devant le maître-autel la pierre ardoisière qui recouvre ses restes; cette dalle porte l'écusson du prélat de sable au léopard d'argent, accompagné de six coquilles de même, sur

monté d'une couronne et d'un chapeau d'évêque. Au-dessous on lit cette inscription:

CY GIST ILLUSTRISSIME ET RÉVÉRENDISSIME PERE EN DIEU

MESSIRE SEBASTIEN DU GUEMADEUC

EN SON VIVANT EVEQUE DE SAINT-MALO

LEQUEL EST DECEDE LE 2 MARS 1702.

PRIEZ DIEU POUR LUI.

Mre Sébastien du Guémadeuc fut le dernier évêque enterré à Saint-Malo de Beignon; un religieux carme, dit M. Tresvaux, y prononça son oraison funèbre.

VI

Mre Vincent des Maretz, successeur de Mre du Guémadeuc, acheva l'œuvre de ce dernier évêque au manoir de Saint-Malo de Beignon. Ses armoiries d'azur au dextrochère d'argent tenant trois lys de même, apparaissent, en effet, sur les belles boiseries de la voûte qui faisait communiquer le château avec l'église paroissiale; les frises, les guirlandes et autres décorations de ce riche travail de sculpture sont de même style que les ornements des boiseries de la grande salle de réception. Je crois donc qu'il faut attribuer à Mgr des Maretz tous les panneaux sculptés qui font la principale curiosité du château actuel de Beignon.

Son successeur, Mre Jean-Joseph de Fogasses de la Bastie, fit aussi sculpter les stalles de l'église paroissiale de Saint-Malo de Beignon, et l'on y voit encore son écusson: de gueules au chef d'argent chargé de trois roses du champ. Mais ce prélat termina une affaire bien plus importante, relativement à la forêt de Brécilien ou de Paimpont.

Nous avons dit précédemment qu'en 1260, Guillaume de Lohéac avait confirmé les évêques de Saint-Malo dans la possession du droit d'usage que leur avait concédé dans la forêt de Brécilien le seigneur de toute cette région. Ce droit consistait, comme nous

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