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« Vous avez bien besoin, pauvre homme ?

» Un instant, et je vais à vous. >>

Alors, souriante, légère,

Laissant les siens à leur repas,

La charitable ménagère

Vers un coffre marche à grands pas.

Elle l'entr'ouvre, elle s'incline,
Et du vieux meuble de sapin
Tire un pain de si bonne mine,
Que c'est du gâteau, non du pain.

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« Expliquez-moi, je vous en prie,
» Ce qu'à l'instant je viens de voir :
» Le pain blanc à la faim qui crie,

» Quand vous mangez, vous, le pain noir?... »

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NOTICES ET COMPTES RENDUS

VOYAGE AU PAYS DE BABEL, par M. Félix Julien, ancien officier de marine, ancien élève de l'École polytechnique; un vol in-18; - Plon.

Notre excellent ami M. Félix Julien, dont nous avons eu déjà plusieurs fois l'occasion d'annoncer ici les intéressants opuscules, continue d'occuper les loisirs d'une retraite prématurée à de sérieux

travaux.

Cette fois, il entreprend une excursion au pays de Babel: non point une réelle excursion de touriste aux rives de l'Euphrate, à ces tumuli, désormais fameux, de Borsippa (le Borsip du Talmud) et de Birs-Nimroud (tour de Nemrod), qui recouvrent le cadavre de Babylone; à ces ruines, quasi miraculeusement retrouvées, de la Tour des langues, qu'une inscription, découverte par sir H. Rawlinson, nous apprend avoir été jadis détruite par « un tremblement de terre et le tonnerre » et reconstruite (vers l'an 580 avant notre ère), par le roi Neboukadnezar, le Nabuchodonosor de la Bible '.

Ici, il ne s'agit que d'un voyage idéal au pays des langues pays si longtemps inexploré, dont les provinces étaient restées séparées et comme étrangères les unes aux autres, lorsqu'enfin les Colombs de la philologie, refaisant en partie ce qu'avait défait Babel, sont venus débrouiller ce chaos, et réduire à trois ou quatre principales

D'après la traduction qu'en a faite M. Oppert, cette célèbre inscription, d'une importance si capitale, dirait formellement dans un de ses passages : « Depuis le jour du déluge, les hommes ont abandonné le monument, en proférant des paroles sans suite. Le sens de ce passage, ainsi que celui de quelques autres, est, il est vrai, contredit par deux autres traducteurs, MM. Rawlinson et Fox Talbot; mais le fond de l'inscription reste le même dans les différentes versions qui en ont été faites.

les innombrables divisions linguistiques qui se partagent le monde. Trois découvertes capitales se sont succédé depuis un siècle dans ce domaine resté si longtemps fermé, et en ont éclairé d'un jour inattendu les mystères jusque-là impénétrables. Et, de ces trois découvertes, les deux premières sont dues à des Français, et si nos compatriotes ont partagé l'honneur de la dernière avec des rivaux étrangers, elle leur appartient également en grande partie.

C'est d'abord la parenté du sanscrit, la vieille langue sacrée de l'Inde, avec le grec et le latin, et, comme conséquence, avec nos langues européennes, reconnue et signalée à notre Académie des inscriptions dès le milieu du XVIIIe siècle, par le jésuite Cœurdoux, un digne frère de ces savants et dévoués missionnaires, qui, menant de front la religion et la science, ont si puissamment contribué à faire connaître à l'oublieuse et ingrate Europe l'extrême Orient et l'extrême Occident, l'ancien monde et le nouveau. Cette déconverte du P. Cœurdoux qui allait donner le branle aux grands travaux philologiques de ce siècle, devait être bientôt complétée par une autre, également due à deux Français, Anquetil-Duperron et Eugène Burnouf, celle de la parenté lexicologique du zend (ancien persan) avec le sanscrit et, par suite, avec nos idiomes d'Europe: parenté linguistique qui, en conduisant à reconnaître en même temps la parenté originelle des races, allait jeter une si éclatante lumière sur le lointain passé des Aryâs, ces antiques et communs ancêtres de tant de peuples aujourd'hui disséminés sur un aussi vaste espace, à la surface du globe presque entier.

La seconde en date de ces grandes découvertes paléologiques fut opérée par Champollion le jeune, le jour où, rapprochant la langue copte moderne de l'inscription trilingue de la pierre de Rosette, il surprit, avec la sagacité du génie, le secret des hiéroglyphes égyptiens, et préluda ainsi à la résurrection d'un passé de quarante siècles. On sait que la belle découverte de Champollion a été depuis fécondée par les travaux de nombreux savants, et tout

↑ A l'exception du hongrois, du finnois et du basque, les deux premiers, de ces idiomes, et probablement aussi le dernier, étant d'origine touranienne ou mogole.

spécialement par ceux des deux célèbres égyptologues français, M. de Rougé et M. Mariette, le découvreur du grand Sérapéum de Memphis, dont les débris, au nombre de sept mille pièces, constituent l'une des principales richesses de notre musée archéologique du Louvre. Récemment encore, M. Mariette, qui, depuis trente années, poursuit ses fouilles, aussi heureuses que persévérantes, au sein des nécropoles égyptiennes, déchiffrait sur un pylone du temple de Karnak un document géographico-historique de la plus grande valeur et remontant à une haute antiquité.

C'est une liste ou plutôt une collection de listes, composées de six cent quarante-huit noms de peuples ou de villes, soumis par Toutmès le Grand, dix-huit siècles avant notre ère. En s'aidant du texte biblique (et c'est là une nouvelle et éclatante preuve, ajoutée à tant d'autres, de l'authenticité de nos livres saints), M. Mariette est parvenu à identifier cent dix-neuf de ces noms avec autant de noms de villes ou de tribus appartenant à la Palestine: -- si bien que le sagace archéologue a pu arriver à reconstituer, à près de quatre mille ans de distance, et retracer sur une carte les marches et contremarches des armées de Toutmès à travers ce pays! Plusieurs autres noms de peuples asiatiques ont également pu être identifiés. Quant aux noms africains, répartis en trois groupes, M. Mariette a pu en suivre la trace vers le sud jusque chez les Sçòmâls, au cap Guardafui. Il soupçonne les autres d'appartenir à des tribus sauvages, habitant, dès cette époque reculée, l'Afrique centrale. Curieuse coincidence: à peu près à la même époque, le grand voyageur Livingstone découvrait dans la région des grands lacs des peuplades dont le type, remarquablement régulier, lui rappelait certains bas-reliefs égyp liens et même assyriens 1.

La dernière et la plus récente des trois grandes découvertes de paléontologie linguistique résulta de celle des ruines de Ninive et de Babylone, commencée, il y a une trentaine d'années, par les consuls de France Botta et Place, et par les deux consuls anglais

La Société de Géographie de Paris a derniérement décerné une de ses médailles d'or à Mariette-Bey, pour sa belle et importante découverte.

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