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Haut. C'est pourquoi plus que jamais vous viendrez avec une foi vite et une pleine confiance prier dans ce sanctuaire, y invoquer Dieu et lui demander des grâces abondantes: car, je vous le répète, ce n'est pas en vain qu'il a été dit que cette église est la maison de Dieu et le lieu où il réside!

Et maintenant, laissez-moi vous dire que je sens, comme le grand apôtre, que je suis le débiteur de tous: omnium debitor sum. Il le disait å raison de son apostolat; et moi, je le dis à raison du bien que vous m'avez fait. Que ne dois-je pas, en effet, à cette cité et aux Conseils qui la dirigent, pour tout le concours qu'elle a bien voulu nous accorder! Comment pourrais-je oublier qu'elle a contribué, pour une large part, à la construction de cet édifice? O cité de Nantes, à laquelle j'ai le bonheur d'appartenir, si j'ai à te remercier de tout ce que tu as fait pour l'œuvre que j'avais entreprise, puissé-je, jusqu'à un certain point, acquitter ma dette envers toi, en te donnant ce magnifique monument, qui ne sera pas un des joyaux les moins précieux de ta couronne, pourtant déjà si riche!

Que ne dois-je pas à l'Etat, qui, sous tous les gouvernements, ne nous a jamais refusé les subsides que nous sollicitions! A aucune autre œuvre paroissiale il n'a donné plus qu'à la nôtre. Je me plais ici à reconnaître que nous sommes redevables de cette faveur à ces hommes éminents, choisis par votre suffrage pour représenter vos intérêts au sein des grands corps publics, et qui ont su plaider éloquemment notre cause. Jamais ils ne nous ont refusé leur concours, quand ils n'ont pas euxmêmes pris l'initiative.

Que ne dois-je pas à ces Conseils de Fabrique, qui se sont succédé nombreux en cette paroisse, pendant les longues années de mon rectorat? Je ne dois pas oublier qu'ils me sont venus particulièrement en aide. Et si parfois j'ai rencontré dans leur sein quelques obstacles, quelques diffì cultés, je les oublie, pour ne me rappeler que le zèle et le dévouement qu'ils ont montrés pour cette grande œuvre; et i! m'est doux de rendre ici hommage à la précision, à la justesse, à la rectitude de leur gestion. Ils peuvent, à ces titres, être proposés pour modèles à tous les autres.

Que ne vous dois-je pas surtout à vous, mes bien-aimés frères ? C'est vous qui avez tout créé Votre générosité a été au dessus de tout éloge. Oh! cerles, Dieu sait si j'ai été heureux de contribuer, selon mes ressources, à l'érection de cette église. Mais, réduit à mes propres forces. je restais nécessairement impuissant. C'est vous qui, pendant trente années, grâce à vos souscriptions souvent renouvelées, à votre générosité aussi

ingénieuse que féconde, m'avez permis de mener l'œuvre à bonne fin. Et quand, aujourd'hui, mes regards se portent vers ce sanctuaire, je constate que ceite générosité est toujours la même et ne s'est pas démentie Guidés et soutenus par le zèle du si digne pasteur qui m'a succédé, vous venez de l'orner, ce sanctuaire, d'une manière incomparablement belle, et digne, à tout point de vue, du reste de l'édifice.

Que ne dois-je pas à ceux de mes frères dans le sacerdoce qui ont été dans cette paroisse mes aides et mes coopérateurs! Leur concours m'a été bien précieux. Leurs noms sont inscrits sur nos vieux registres de souscription, sur ces registres que j'appelais les livres d'or de SaintNicolas. Comme moi, ils se sont dévoués à notre œuvre; ils n'ont reculé ni devant les fatigues, ni devant les peines. Comme moi, parcourant les maisons, gravissant les étages, ils ont provoqué des souscriptions, y cnt généreusement pris part eux-mêmes. Qu'ils reçoivent donc ici l'expression de ma vive reconnaissance. Toujours leur bienveillance, leur sympathie et leur bon concours m'on rendu bien douce la tâche que j'avais à remplir.

Je m'arrête, car pourquoi parler si longtemps de moi-même et de mon œuvre, alors que j'ai sous les regards d'autres bâtisseurs, qui, avec moins de ressources et plus de zèle peut-être, ont réussi à accomplir des merveilles, soit dans cette cité, soit en dehors de nos murs? Ah! chers collaborateurs, et vous aussi vous aurez votre heure! Vos églises s'achèveront, si elles ne le sont déjà, et il vous sera donné d'assister à la consécration, et de connaître cette joie qui inonde aujourd'hui mon âme.

Mais ce que vous n'aurez peut-être pas, c'est le bonheur de consacrer de vos mains ces murs que vous aurez élevés à la gloire de Dieu. Pour moi, je ne saurais assez remercier le Seigneur de m'avoir permis de prendre, pour ainsi dire, aujourd'hui, dans mes mains cet enfant de ma virilité sacerdotale, cet enfant que j'ai tant aimé, qui ma coûté tant de larmes, et de le déposer, tout couvert des bénédictions célestes, aux pieds de son trône, en lui disant: Mon Dieu! voici l'enfant de mon amour! Qu'il soit vôtre à jamais maintenant !

Mais, en même temps, comment ne pas faire aujourd'hui un retour grave et sérieux sur moi-même ? O mon Dieu, mon âme se retourne souvent avec bonheur vers ce sanctuaire que je vous ai élevé. Si pourtant, dans l'accomplissement de cette œuvre si importante, il s'était glissé en mon cœur des iniquités qui m'échappent, au nom des saints et des anges qui vous adorent dans cette église, pardonnez à votre serviteur. Ab occultis munda me. Et si je n'avais pas assez pris soin du troupeau que vous

m'aviez confié, si ma sollicitude pastorale à son endroit n'avait pas été assez constante, assez vigilante, pardonnez-moi encore, Seigneur! Et ab alienis parce servo tuo Que serait-ce, ô mon Dieu, si je vous avais un!quement construit ce temple matériel, négligeant le temple des âmes, mille fois plus précieux encore que nos églises visibles!

Répandez donc toujours vos bénédictions sur ce peuple, qui est le nien, mais qui est surtout le vôtre. Souvenez vous de sa générosité, de ses sacrifices, de son dévouement. Que n'a-t-il pas fait pour vous? Que ne vous a-t-il pas donné? S'il vous a élevé ce temple, lui refuserez-vous une place dans vos demeures éternelles? O mon Dieu! voilà mes vœux! voilà mes prières! Exaucez-les et bénissez-nous !

Et maintenant, ô église de Saint-Nicolas, toi dans laquelle j'ai été régé néré à mon entrée dans la vie, toi que j'ai toujours aimée, et qui as tenu une place si grande dans mon existence, toi à qui j'ai donné tout ce que j'avais de pensées, de forces et d'amour, me pardonneras-tu de t'avoir placée dans mes armes ? Est-ce qu'en agissant ainsi j'aurais cédé à un sentiment d'orgueil et de vanité? Oh! j'étais élevé trop haut par l'épis copat, pour que je pusse tomber dans de pareilles misères. Eglise de Saint-Nicolas, si je t'ai placée dans mon blason, c'est que je n'en avais pas d'autre; c'est que tu es mon honneur et ma gloire; c'est que toi, c'est moi-même; c'est que tu es pour moi cette famille tant aimée, que j'ai en ce moment sous les yeux, au milieu de laquelle j'ai vécu pendant trente années, et qui a versé sur ma vie tant de consolations et de bonheur! C'est que surtout tu me rappelles cette Église universelle, la patrie de nos âmes, la sainte épouse du Christ, à laquelle j'ai voué mon intelligence, mon cœur et ma vie; cette Église qui verse sur le monde entier scs vérités divines et ses bienfaits; cette Église avec sa puissante, son impérissable hiérarchie et son chef vénéré (son chef, vers lequel j'envoie, en union avec nos pèlerins qui l'entourent à cette heure, mes vœux, n.es hommages, ma soumission); et, catholique et évêque, je m'écrie: Sainte Église de mon Dieu, si jumais je l'oublie, que ma droite se desseche, que ma langue s'attache à mon palais. Que je m'oublie moimême, si tu ne restes à jamais l'objet de mon amour et de mes cantiques 2!

Les pèlerins nantais étaient à Rome.

? Adhæreat lingua mea faucibus meis, oblivioni detur dextera mea, si non meminero tuî, si non pro osuero Jerusalem in principio lætitiæ meæ. (PSALa. 136.)

LA BRETAGNE A L'ACADÉMIE FRANÇAISE

VII*

JEAN-JACQUES RENOUARD DE VILLAYER

LE SEUL ACADÉMICIEN NANTAIS

(1603-1691)

I

Une famille de maîtres des comptes de Bretagne au commencement du XVIIe siècle.

L'abbé d'Olivet, continuant la série des éloges des premiers académiciens commencée par Pellisson, s'exprimait ainsi, au commencement du XVIIIe siècle, au sujet de Jean-Jacques Renouard de Villayer, doyen des conseillers d'Éta!, reçu à l'Académie en 1650, mort le 5 mars 1691 » :

Je vois par les registres de l'Académie, qu'il lui marqua beaucoup de zèle dans la triste affaire de Furetière; c'est le seul endroit par où il me soit connu. Mais si le mérite des enfants fait la gloire des pères, il ne faut point d'autre éloge à M. de Villayer, que son petit-fils, aujourd'hui maistre des requestes, qui sait, à la fleur de l'âge, respecter ses devoirs, et, au milieu de l'opulence, aimer le travail 1.

Nous ne sachions pas que personne, depuis l'abbé d'Olivet, ait essayé de faire de nouvelles recherches sur cet académicien, dont la ville de Nantes doit cependant se faire honneur, puisque c'est le seul qu'elle ait produit. Ses collègues l'avaient en haute estime, si l'on en juge par les quelques lignes fort élogienses que 'ui ont consacrées, au XVIIe siècle, Chapelain, Fontenelle, Thomas * Voir la livraison de juillet, pp. 41-67.

Pellisson et d'Olivet. Hist. de l'Acad. Édition Livet, II, 235, 236,

Corneille, Charpentier, Boisrobert... et cependant son nom ne figure point dans les recueils de biographie universelle; la courte notice qui précède représente tout ce qui a été publié jusqu'ici sur la carrière de ce doyen des maîtres des requêtes et du conseil d'État : l'oubli le plus complet s'est étendu sur sa mémoire, et ses compatriotes les Nantais ne connaissent plus ni son nom, ni celui de son frère Renouard de Drouges, dont le magnifique hôtel existe pourtant encore au milieu de leur cité, tout près de leur hôtel de ville : il est vrai que les Rosmadec, héritiers des Renouard, débaptisèrent un jour, à leur profit, ce superbe témoignage de l'opulence du trésorier des États de Bretagne, aujourd'hui possédé par les Frères de la Doctrine chrétienne. Les registres des mandements de notre ancienne chambre des comptes, conservés aux archives du département de la Loire-Inférieure, ceux du Parlement de Rennes, les procès-verbaux des sessions des États de Bretagne, la correspondance manuscrite du chancelier Séguier, et les nombreux mémoires du XVIIe siècle, en particulier le Journal d'Olivier d'Ormesson, les Historielles de Tallemant des Réaux, les Épitres de Boisrobert, les mélanges tirés des manuscrits de Chapelain, la correspondance de Bussy et les notes de Saint-Simon au Journal de Dangeau, vont nous permettre de reconstituer les principaux traits de cette physionomie si oubliée d'un magistrat érudit, ami des sciences et des lettres, et d'attirer l'attention du lecteur sur plusieurs points intéressants de l'histoire administrative de la Bretagne au commencement du XVIIe siècle. Plus heureux que l'abbé d'Olivet, nous disposons d'une foule de documents qui ne pouvaient facilement parvenir à sa connaissance et qui nous permettront d'offrir à notre académicien la réparation qui lui est légitimement due.

La famille de Renouard ou de Regnouard, qui portait d'argent à la quintefeuille percée de gueules', était originaire de Gascogne et fut maintenue de noble extraction par arrêts en date des 15 décembre 1668 et 21 mars 1669, rendus, sur le rapport du conseiller Le P. Toussaint de Saint-Luc. 3′ partie des Mémoires sur l'État de la noblesse de Bretagne, 1681.

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