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M. Paul Dubois ne s'est pas contenté de ce premier succès, qui suffirait à l'honneur d'une carrière artistique. Se piquant d'une noble émulation, il a voulu nous montrer que lui aussi pouvait réunir cette multiplicité d'aptitudes, qui distinguait les grands artistes de la Renaissance le sculpteur vient de se révéler peintre, et peintre excellent. Dans cette figure de femme et ces deux portraits d'enfants (les enfants et sans doute aussi la femme de l'auteur), se retrouvent les qualités du sculpteur, la sobriété, la pureté de lignes, la science du modelé, s'alliant à un fin et solide coloris.

Si bien que le jury, après avoir, d'une main, décerné la médaille d'honneur au sculpteur, a dû, de l'autre, décerner au peintre une médaille de première classe!

C'est là un succès, j'allais dire un triomphe, sans précédent dans l'histoire des expositions.

Si le reste du monument répond aux magnifiques spécimens dont nous venons de parler, la cathédrale de Nantes possédera un digne pendant de son chef-d'œuvre de Michel Columb, et notre glorieux La Moricière, le héros de la France et de l'Eglise, reposera dans un mausolée digne de lui et des deux causes sacrées qu'il a servies.

Dans la section Dessins, Aquarelles, etc., nous retrouvons tout un gracieux essaim féminin, s'exerçant en cet art de la peinture sur porcelaine, de plus en plus à la mode, si charmant d'ailleurs, auquel se prête si naturellement la main délicate et légère de la femme, si bien fait pour occuper d'élégants loisirs.

Citons Me Valentine Duchesne (de Nantes) et son gentil tableautin représentant une fillette Allant à l'école, avec panier, cahiers, livres et le reste : tous détails indiqués d'un trait fin et délié; Me Kermabon (de Saint-Malo) et ses deux copies, sur porcelaine et sur lave émaillée, de Flandrin (l'Institution de l'Eucharistie), et. de Paul Delaroche (la Vierge au désert), d'un faire naïf et d'un sentiment religieux; - Mile Le Coursonnois (de Saint

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Brieuc), Mme Parrat (de Rennes), Mile Nold (de Pontivy), et leurs gracieuses compositions d'après Antigna, Watteau et Lajoue.

N'oublions pas non plus les paysages au fusain de MM. Michel et Collot-Béranger (de Brest); l'Acropole d'Athènes, aquarelle de M. Lucien Roy (de Nantes); les trois portraits sur émail, de M. F. de Courcy.

Aucun nom à citer au chapitre de l'Architecture, non plus que dans celui de la Lithographie.

Enfin, dans la dernière section, Gravure, nous retrouvons, cette fois encore, des noms connus et aimés.

M. Tancrède Abraham (de Vitré), dont nous avons oublié de signaler à l'article Peinture un remarquable paysage: Le Sablot, à Noirmoutier, a, en outre, exposé six eaux-fortes, également excellentes, destinées à figurer dans l'Album d'Angers.

Toujours fidèle à ce rendez-vous annuel de l'art, M. de Rochebrune nous a envoyé une autre de ces belles planches de gravure architecturale où il est passé maître.

Cette fois, c'est à Nîmes que l'éminent aquafortiste est allé chercher un sujet. Parmi les nombreux monuments antiques qui font un musée de cette Rome des Gaules, il a choisi ce beau temple connu sous le nom de Maison-Carrée, et qui, par la perfection de ses formes, l'harmonie de ses proportions, eût été digne de figurer sur l'Acropole d'Athènes, à côté des chefs-d'œuvre d'Ictinus et de Callicrate. C'est avec son habituelle habileté, avec la même sûreté, la même précision de traits sans sécheresse, le même art dans la graduation des clairs et des ombres, que la pointe de M. de Rochebrune a su rendre, dans tous ses détails, ce beau monument gréco-romain, son fronton triangulaire, sa riche ceinture de colonnes, les gracieuses volutes d'acanthe de ses chapiteaux corinthiens.

On se dirait devant une gravure de l'église de la Madeleine de Paris, évidemment copiée sur le même type. Il n'est pas jusqu'à

ces dégradations, légères d'ailleurs, que le temps a fait subir à l'antique original, qui ne prêtent à la comparaison, avec cette différence toutefois que ces détériorations sont l'inévitable résultat de l'action des siècles, tandis que les blessures bien autrement graves dont la moderne copie porte encore les cicatrices, sont l'œuvre des hommes et de leurs fureurs...

Sans sortir de Nîmes, M. de Rochebrune rencontrera plusieurs autres monuments dignes d'exercer son beau talent la Tour Magne, le Temple de Diane, la Porte d'Auguste, et surtout ces superbes Arènes, dont les soixante arcades superposées pouvaient porter, sur leurs trente-cinq rangées elliptiques de gradins, vingtcinq à trente mille spectateurs !

Il y a la pour notre éminent artiste vendéen de quoi composer tout un magnifique album.

LUCIEN DUBOIS.

L'UNIVERSITÉ DE NANTES

LA FACULTÉ DES ARTS *

L'enseignement de la faculté des Arts comprenait le cercle de connaissances que nous désignons aujourd'hui sous le nom d'humanités ; il débutait par le latin et le grec, se continuait par la rhétorique et la géographie et se terminait par la logique et l'histoire naturelle. Le titre de maître ès arts répondait à notre qualification moderne de docteur és lettres. Cette faculté servait d'introduction à toutes les autres ; il ne faudra donc pas s'étonner qu'elle tienne la plus grande place dans l'histoire de l'Université bretonne. Les plus grandes faveurs de la ville ont été pour elle, et je ne crois pas me tromper en disant que les écoles en 1462 annoncées par le duc François II 2 dans ses lettres de confirmation, ne sont autres que le collége de Melleray 3.

Ce collége fut adopté, comme celui de Saint-Jean, par la faculté des Arts, qui concentra ses leçons dans ces deux établissements. Convaincus que la concurrence est la mère de l'émulation, les ré

* Voir la livraison de juin, pp. 413-424.

4 Sous le nom de philosophie on comprenait alors les mathématiques, l'arpentage, l'hydrographie et la construction des vaisseaux. C'est la division d'Aristote.

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2. En vertu d'icelles ladicte Université constituée establie et assise en tout exercice en nostre dicte ville et cité de Nantes en laquelle nous avons ja faict préparer et construire les escoles. Depuis la publication de mon premier article, j'ai pu retrouver aux archives d'Ille-et-Vilaine une petite plaquette imprimée au dernier siècle à Rennes, qui contient le texte des lettres de François II et des lettres de confirmation des rois de France avec quelques arrêts du Parlement. Arch. d'Ille-et-Vilaine, série C., 1316.

3 Magister Carolus Gaurays, facultatis artium in pedagogio de Melleray regens. Extrait du registre de l'année 1502, série D. Arch. de la Loire-Inf.)

gents et docteurs de l'Université avaient stipulé, au premier article des statuts de la faculté des Arts, qu'il y aurait deux colléges à Nantes et que les examinateurs de chaque aspirant aux grades seraient pris, deux dans un collége, et deux dans un autre. En opposant ainsi les maitres aux maîtres, on se mettait à l'abri de la routine, ou du moins de la somnolence.

Le mouvement admirable qui, au XVIe siècle, porta tant d'esprits cultivés vers l'étude des chefs-d'œuvre littéraires et artistiques de l'antiquité, se fit sentir en Bretagne comme ailleurs, et eut son retentissement jusque dans le monde des écoliers. Les jeunes intelligences elles-mêmes poussèrent le désir d'apprendre jusqu'à la passion et accoururent en foule aux leçons des Universités. C'est alors que, pour venir en aide aux établissements trop étroits de la ville de Nantes, un généreux ecclésiastique offrit les bâtiments de son bénéfice. Olivier Richard, docteur ès droits et grand vicaire du diocèse de Nantes, abandonna en 1519 la jouissance du prieuré de Sainte-Croix dont il était pourvu, y compris les maisons et jardins qui en dépendaient, afin d'y installer un nouveau collége. Un régent en prit de suite possession et y demeura pendant sept ans, entouré d'une nombreuse jeunesse. Dans une requête qu'il adresse à la ville, vers 1526, pour obtenir une avance de 400 livres, il rapporte que l'école de Sainte-Croix renferme 300 écoliers, « tant pansionniers que caméristes, venus de divers lieux 1. »

L'abbé de Marmoutiers, duquel relevait le prieuré de Sainte-Croix, et le roi, qui était successeur des princes de Bretagne fondateurs, donnèrent leur assentiment à la démission consentie par le grand vicaire Olivier Richard, mais la cour de Rome ne jugea pas à propos de ratifier cette sécularisation. L'usage de convertir les bénéfices ecclésiastiques en dotations était alors une innovation. Cinquante ans plus tard, la proposition n'eût pas rencontré la même résistance.

Privé de tout espoir de ce côté, le conseil des bourgeois chercha en vain pendant plusieurs années des bâtiments assez vastes pour 1 Arch. municip. de Nantes, série BB, liasse 3.

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