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NOTICES ET COMPTES RENDUS

JACQUES CASSARD, CAPITAINE DE VAISSEAU.

SA NAISSANCE. SA FAMILLE. Notes généalogiques, par M. S. de la Nicollière-Teijeiro. - Nantes, 1876, gr. in-8°, 24 pp. Impr. Vincent Forest et Emile Grimaud.

Voici la saison de la chasse, et sans doute plus d'un de nos lecteurs se livre aujourd'hui au plaisir de tuer lièvres et perdrix, et surtout au plaisir plus grand encore, pour le chasseur digne de ce nom, qui consiste à prévoir le champ où il fera lever une compagnie de perdrix et à voir se vérifier son calcul, comme se vérifie celui de l'astronome qui marque d'avance le coin du ciel, le champ d'azur où se lèvera une planète. Eh bien! il est un plaisir plus vif que celui du chasseur, c'est celui du chercheur, de l'érudit qui est à la piste d'un fait curieux et précis, d'une date exacte, qui la poursuit d'archives en archives et jusque dans la poussière d'une étude de notaire, comme l'a fait M. Eudore Soulié pour Molière. Quelle joie, lorsque enfin notre homme met la main sur la pièce qu'il a flairée d'avance, et qu'il la rapporte triomphant au logis! Quelle pièce de gibier vaudra jamais celle-là ?

M. de la Nicollière-Teijeiro figure au premier rang parmi ces heureux et intrépides chercheurs. Il a le flair, il a la patience, il a le zèle que rien ne lasse et la sagacité que rien ne trompe. Grand est déjà le nombre de ses précieuses découvertes. Aujourd'hui, il nous donne des notes généalogiques d'une précision merveilleuse sur Jacques Cassard, l'émule de Jean Bart, l'ami de DuguayTrouin, le capitaine des vaisseaux du roi, né à Nantes, le 30 septembre 1679. C'est justement cette date que M. de la Nicollière met aujourd'hui en pleine lumière, rectifiant sur ce point les biographes ses prédécesseurs, qui se sont tous trompés.

Greslan, auteur de l'article Nantes, dans le Dictionnaire des Gaules, d'Expilly; Turpin, Fastes de la Marine française; Richer, Vie du capitaine Cassard; Eyriès, Biographie universelle; M. P. Levot, Biographie bretonne, disent, avec plusieurs autres, que Cassard naquit en 1672.

La Revue des provinces de l'Ouest, 1856, p. 32, a publié, comme étant l'acte de baptême de Jacques, celui de son frère aîné, né en 1669 et mort à l'âge de cinq ans.

Avec quel soin, avec quelle patience, M. de la Nicollière a relevé les actes de l'état civil de la famille de J. Cassard! - Au premier ahord, vous seriez peut-être tenté de croire que ces pièces textuellement copiées, que ces feuillets détachés des registres de la paroisse Saint-Nicolas, sont d'une lecture difficile, et, tranchons le mot, ennuyeuse. Erreur profonde! La passion qui anime l'érudit soulève ces pages, y répand un souffle de vie, une animation, un attrait véritable, et lorsque arrivés ensemble à la fin, le lecteur et l'auteur se sentent en possession de la vérité qu'ils cherchaient, le premier ne peut se défendre de partager la satisfaction si légitime du second.

A ce dernier, du moins, et à lui seul, l'honneur d'un si remarquable et si intéressant travail. Il nous annonce (page 22) qu'il a déjà réuni d'importants documents pour une étude biographique complète de Jacques Cassard. Qu'il ne nous la fasse pas trop attendre, et qu'il dote enfin la ville de Nantes et la marine française d'une biographie digne du héros qui partage avec le grand Duquesne l'honneur d'avoir exercé le commandement de capitaine à l'âge de dix-huit ans.

EDMOND BIRÉ.

PETITE HISTOIRE DE LA PETITE VILLE DE LIGUEIL, racontée aux enfants des écoles par un de leurs amis. In-18 de XIV-212 pages, avec un plan de Ligueil au XVIe siècle. Rouillé et Ladevèze, Tours.

Pourquoi ne pas le dire tout de suite? cet ami des enfants de Ligueil est tout simplement leur vieux curé, qui, après avoir évangélisé pendant quarante ans sa paroisse, a voulu lui laisser, non point

l'histoire de ses travaux, de ses épreuves, de ses succès, mais son histoire à elle à travers les siècles, l'histoire de la ville et de l'église, afin que les nouvelles générations les aient, l'une et l'autre, de plus en plus chères et sacrées. Il ne dit point aux enfants qui l'entourent «< Souvenez-vous de celui qui a versé l'eau du baptême sur vos têtes et sur celles de vos parents, qui a béni leurs mariages, qui a prié sur les tombes de tous ceux que vous avez aimés; › mais il leur dit : « Souvenez-vous de vos pères. »

Et cette histoire paternelle, il la fait remonter aussi loin que les documents le permettent, et il l'écrit avec science, avec conscience, avec amour, ne dissimulant pas plus le mal que le bien, mais sachant tirer du mal comme du bien d'utiles leçons. On comprend qu'un livre ainsi conçu offre mieux qu'un intérêt purement local. L'histoire générale, après tout, ne se compose que d'histoires particulières, et dans les traits qui les distinguent, il y a toujours sujet d'étude. Ligueil, par exemple, en sa qualité de seigneurie ecclésiastique, ayant pour baron le doyen de l'insigne chapitre de SaintMartin de Tours, nous permet d'apprécier l'ancien proverbe : fait bon vivre sous la crosse.

Liguei a un château, des fossés que parcourt une rivière, des herses, des ponts-levis, et Ligueil fait bien, car les puissants seigneurs de Loches et les ambitieux feudataires de Grillemont ne voient pas sans envie sa riche vallée et ses beaux domaines; mais la croix de Saint-Martin est là qui double le respect qu'inspirent les fossés, et il faut attendre la fatale époque des huguenots pour voir la ville assiégée, emportée, mise à sac.

Une remarque assez curieuse, c'est qu'on trouve des maires à Ligueil, majores, dès le milieu du XIe siècle, c'est-à-dire près de cent ans avant les premiers affranchissements de communes. Qu'étaient-ce que ces maires ? C'étaient, paraît-il, des officiers chargés de la police, et auxquels les doyens de Saint-Martin avaient abandonné la juridiction ordinaire sur les cas communs. On comptait jusqu'à trois maires sur le territoire de Ligueil: un pour la ville et deux pour la campagne. L'intention était bonne; mais ces maires commencèrent par s'arroger l'hérédité, puis les droits féodaux;

peu à peu ils devinrent des maires du palais, et ce ne fut pas sans procès et sans peine que le doyen parvint à reconquérir ses droits.

Les difficultés de ces vieux temps, car chaque age, ainsi que le fait remarquer le vénérable auteur, a ses difficultés et ses épreuves, nous sont présentées avec une netteté qui permet de les saisir au cours du récit, bien que fort étrangères à nos mœurs. L'auteur ne se borne pas d'ailleurs à l'histoire des événements; il nous fait celle des us et coutumes; il nous peint les habitations et les vêtements, nous fait assister aux fêtes et aux repas; il nous explique les formes de l'administration, le système des impôts, le mode de recrutement militaire, nous décrit les monnaies, et, l'érudition venant en aide à l'imagination, nous présente le piquant tableau d'un festin officiel chez le doyen de Saint-Martin, comme baron de Ligueil.

L'histoire moderne de Ligueil n'est pas non plus sans intérêt. Elle nous offre, sans doute, des pages douloureuses comme l'ancienne, plus douloureuses même. Que peut-on opposer, en effet, aux violences et aux sacriléges du XVIe siècle? Que peut-on opposer aux crimes de la Révolution? Mais le mal vient du dehors, le bien vient du dedans, et le bien s'est produit, une fois surtout, avec éclat et avec gloire. C'était le 13 frimaire, an II, ou, en termes chrétiens, le dimanche 2 décembre 1793, c'est-à-dire en pleine Terreur. Les habitants de Ligueil s'assemblent à la mairie et protestent unanimement qu'ils veulent conserver la religion catholique, comme ils en ont le droit, ne fût-ce que par l'article 1er de la Constitution, qui garantit la liberté des cultes; et tous, hommes et femmes, signent cette fière et courageuse profession de foi qu'on lit encore sur les registres avec les signatures. La plupart des noms d'aujourd'hui s'y

retrouvent.

Enfin le livre se termine par l'histoire d'un martyr, histoire touchante, admirable, et, faut-il le dire? presque oubliée. Les révolutionnaires d'une petite ville voisine, Lahaye-Descartes, s'étant portés dans le bourg de Cussay, près de Ligueil, pour y détruire tous les signes du fanatisme, y trouvèrent une population irritée, ameutée; un coup de fusil fut même tiré au moment où l'on toucha à la croix du cimetière. Les révolutionnaires battirent en retraite; mais le

lendemain ils reviennent en plus grand nombre et arrêtent un certain nombre d'habitants. L'auteur du coup de feu, qui, d'ailleurs, n'avait fait qu'une blessure légère, un laboureur du nom de Guérin, natif de Ligueil, s'était réfugié près de cette ville: il pouvait échapper à toute recherche; mais, apprenant l'arrestation de ses proches et de ses amis, il va lui-même se constituer prisonnier. Le président du tribunal lui demande comment il a pu s'opposer à l'exécution de la loi « Je ne savais pas, répond Guérin, qu'il y eût une loi qui ordonnât d'outrager les morts. » Et le lendemain, la tête de cet homme de foi et de cœur tombait sous le fer de la guillotine.

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Assurément un livre qui contient de pareils souvenirs sera toujours et en tout lieu un livre intéressant et utile, et il en serait ainsi, j'en suis convaincu, de l'histoire de beaucoup de nos cantons, si quelque érudit prenait la peine de recueillir leurs traditions et de fouiller leurs archives. Nous ne doutons point, dans tous les cas, que le but que s'est proposé le pieux auteur ne soit atteint. Ces Entretiens avec les enfants de sa paroisse ne peuvent que les attacher davantage et à leur clocher et, j'ajouterai, à leur vieux pasteur. Que de droits n'a-t-il pas, d'ailleurs, à leur gratitude? — « Instruis ton fils, dit l'Écriture, et il sera pour toi comme une rosée rafraichissante, et il fera les délices de ton âme 1. » Les seules délices qu'ambitionne M. le curé de Ligueil, sa grande consolation, nous dit-il en empruntant les termes de saint Jean, est de savoir que ses fils marchent dans la voie de la vérité: Majorem enim non habeo gratiam quàm ut audiam filios meos in veritate ambulare '. EUGÈNE DE LA GOURNERIE.

Statistique religieuse de la Loire-Inférieure.

Tout le monde sait que le Conseil général de la Loire-Inférieure a coutume d'allouer un supplément de traitement de 5,000 fr. à notre évêque. C'est une manière tellement naturelle de venir à l'aide de misères cachées que beaucoup de conseils généraux en font autant. N'est-il pas juste. 1 Prov. XXIX, 17.

1 S oann. E ist. III, 4.

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