où la nature et l'art ont réuni tous leurs charmes; où tout concourt à ravir l'esprit et à flatter les sens. On compterait plustôt les brillantes étoiles, Ces fleurs d'or dont la nuit sème ses riches voiles, Que le nombre infini de ces nouveaux plaisirs 1... C'est là que le grand roi, qui, préparant la paix des Pyrénées, vient De faire tout trembler, excepté son courage, voit en songe la Gloire, qui l'invite à de nouveaux exploits : Sur un lit de repos, soutenu d'un trophée, Sa grande âme cédoit aux charmes de Morphée. Les œuvres de la paix, les projets de la guerre. Et la Victoire a droit d'enchanter les héros. .... Va, la force à la main et la justice en tête; Voy. le recueil de Pièces galantes en prose el en vers, connu sous le nom de M la comtesse de la Suze et de Pellisson; en particulier, l'édition, de Trévoux, 1748, 5 vol. in-12, IV, 336, etc. Mais nous ne pouvons citer ici tout ce discours mouvementé, où les beaux vers se rencontrent nombreux, tels que celui-ci : Va, de tous mes héros n'imite que toi-même, et qui se termine par cette péroraison remarquable : Mais prends garde au loisir qui tient tout en suspens. La Victoire t'attend: marche, je suis à toi. N'avions-nous pas raison de dire que la muse de l'abbé de Montigny atteignait des hauteurs peu explorées sur le Parnasse en l'an de grâce 1660? Et quel heureux contraste lorsque le poète, reprenant son récit, nous offre immédiatement après le discours de la Gloire, la réplique du Plaisir : Le Plaisir, nonchalant, étendu sur des roses, — Ah ! dit-il, m'affronter jusque dans mon empire! .... Fantôme ambitieux, turbulante chimère, .... Pour régner, j'y consens, on peut hasarder tout, La Gloire en courroux fait éclater la foudre : Louis XIV se réveille et décide, après de longues hésitations, que l'on consacrera désormais Le printems à la Gloire et l'hiver aux Plaisirs. Cet arrêt, digne de Salomon, satisfait tous les cœurs; en sorte que le poète termine ainsi l'épisode : Et l'on ne verra point, dans toute son histoire, Tel est ce petit poème, qu'on croirait beaucoup plus volontiers dû à un élève de Boileau qu'à un élève de Chapelain, si l'on ne considère que la versification de ces deux maîtres; mais, nous l'avons déjà dit et cela est bon à répéter, Chapelain possédait tous les secrets de la poétique; malheureusement tel excelle au professorat ou à la critique, qui serait incapable de produire un chefd'œuvre; tel forme d'excellents élèves, qui n'est lui-même qu'un pitoyable auteur. Si l'abbé de Montigny avait continué à cultiver les muses, où n'arrivait-il point? Nous ne connaissons plus de lui, à partir de cette époque, en dehors de petits vers très-anodins insérés dans ses lettres en prose, qu'un seul et unique sonnet : nous le donnerons ici pour compléter notre revue de ses œuvres poétiques. L'abbé l'adressa au duc de Montausier en 1668, lorsque celui-ci fut nommé gouverneur du Dauphin; et nous avons tout lieu de le croire inédit, car nous ne l'avons rencontré dans aucun recueil. Il est signé en toutes lettres dans l'immense collection de pièces manuscrites rassemblées jadis par Conrart et conservées aujourd'hui à la bibliothèque de l'Arsenal: Ta solide vertu fait pencher la balance. Que sont les dignitez quand le sort les dispense, Sa raison examine et sa main récompense. Ton esprit formera par ses labeurs divers Travaille sur le plan que Julie 1 a tracé; Ce sonnet n'est-il pas de ceux que le législateur du Parnasse déclare valoir seuls de longs poèmes? A ce vers noble et nerveux, à ce style pur et soutenu, à cet heureux tour de la pensée, à la haute moralité de l'intention, on doit saluer dans l'abbé de Montigny un poète de la meilleure école. (La fin à la prochaine livraison.) RENÉ KERVILER. 1 M de Rambouillet, duchesse de Montausier, gouvernante des enfants de France. 2 Bibl. de l'Arsenal. Recueil Conrart, IX, 1181. LE PÈLERINAGE DE SAINTE-ANNE ET PIERRE LE GOUVELLO DE KERIOLET 1 III * Cependant la statue miraculeuse dressée sur le bord d'un fossé resta jusqu'au 3 mai exposée aux injures de l'air, mais nulle reine sur son trône ne fut plus honorée de son peuple. On la mit ensuite à couvert sous une cabane de genêts. Le bon Nicolazic apporta un coffre de sa maison pour servir d'autel, il posa dessus une nappe blanche et couvrit aussi la statue d'une guimpe de fin lin. « Tels furent, ajoute le R. P. Hugues, tels furent les premiers ornements de cette sainte image, qui, de pauvres et simples, devaient en peu de temps être changés en étoffes précieuses; et les perches de bois à la négligence en marbre, en porphire et en sculptures rares et excellemment travaillées. 1» La première pierre en fut posée cette année-là même, le jour de la fête de sainte Anne (26 juillet 1625), et ce jour-là aussi, la première messe fut célébrée par le recteur de Pluneret en personne, au milieu d'une multitude que les chroniqueurs évaluent à trente mille âmes, dans un modeste oratoire en bois qui avait remplacé l'abri champêtre que nous avons décrit. Une grande partie de cette foule avait couché, la veille, dans la lande et au milieu des champs. L'un des plus notables témoins, le P. Capucin Ambroise, la compare 1 * Voir la livraison de mai, pp. 349-359. Les Grandeurs de sainte Anne, p. 233. TOME XXXIX (IX DE LA 40 SÉRIE.) 30 |