Page images
PDF
EPUB

en retiraient des revenus avantageux au XVIIe siècle. Plus tard, ils s'arrogèrent le droit de porter l'épée et d'entrer gratuitement à la comédie. Il est superflu d'ajouter que, fiers de ces prérogatives, ils ne perdaient pas une occasion de faire tapage partout où ils passaient et qu'ils exposaient souvent leur vie dans des rixes meurtrières; sous Louis XV notamment, ils excitèrent de nombreuses plaintes et il fallut recourir aux menaces les plus sévères pour les désarmer.

1

L'Université de Nantes étant une institution destinée à répandre ses bienfaits sur toute la Bretagne, il était juste que la recette générale des impôts de la province contribuât aux frais d'entretien des professeurs. Par les mandements transcrits dans les registres de la chancellerie ducale, on voit que le trésorier-général avait reçu ordre de distribuer chaque année une somme de 200 livres aux docteurs régents de l'Université. A cette subvention qui leur fut continuée jusqu'à la fin du règne de François II, venaient s'ajouter les droits perçus sur la collation des grades.

Ces revenus, quoique peu abondants, suffirent à faire prospérer l'institution jusqu'à la mort du duc. Travers, qui a eu l'avantage de compulser ses registres, constate que dans les premières années principalement, le nombre des agrégations fut assez considérable", et on sait, par ailleurs, que chaque faculté fut pourvue continuellement de bons régents.

L'Université, spécialement chargée de distribuer l'enseignement supérieur, avait un domaine assez vaste pour exercer son activité; cependant il en fallait davantage à son ambition. Elle montra dès le début qu'elle aurait d'immenses prétentions et ne supporterait pas de limites au contrôle qu'elle entendait exercer. Sa querelle avec le chantre de la cathédrale nous indique quel était l'état de l'enseignement primaire à Nantes au milieu du XVe siècle; il est donc utile de s'y arrêter un moment. En vertu des décrets de la cour de Rome et des ordonnances épiscopales, le sous-chantre avait pour

1 Arch. de la Loire-Inférieure, Reg. de la chancellerie, année 1472-73, f 159, année 1486-87, f. 152.

[blocks in formation]

attributions de tenir une école d'enfants auxquels il enseignait le chant, la musique, l'alphabet, le psautier et les matines. Cette école était distincte des autres écoles de grammaire de la ville, et il avait le droit de la faire diriger par les autres sous-chantres et de prélever un salaire. Son privilége à cet égard était si exclusif, qu'il pouvait interdire aux autres maîtres de tenir école semblable et de confisquer les livres trouvés entre les mains des enfants des écoles illicites.

Malgré ces usages bien établis, les régents de l'Université alléguèrent que le titre de leur fondation les autorisait à ouvrir des écoles de chant, de grammaire et de psautier, et donnèrent à plusieurs maîtres des licences pour professer cet enseignement. Il en résulta un procès devant l'officialité qui menaçait de traîner en longueur. Pour mettre fin au conflit, le Chapitre de la cathédrale fut saisi de l'affaire, et son avis fut qu'il fallait transiger. Le 27 décembre 1469, en présence de Guillaume Garengière et de frère Jean Longue-épée, professeur de théologie, d'Yves Rolland, professeur de droit canon, de Pierre Méhaud, professeur de droit civil, de Christophe Martin, professeur de la faculté de médecine, de Guillaume Strabon et de Prigent Kerlivili, maîtres régents de la faculté des arts, de Jean Quetier, procureur général de l'Université, et de divers délégués du chapitre de Saint-Pierre; il fut arrêté que dorénavant il n'y aurait à Nantes qu'une seule école de chant, distincte des autres pédagogies et écoles de grammaire; qu'on y enseignerait le chant, la musique, le psautier, les matines et l'alphabet; qu'elle serait dirigée par deux maîtres, dont l'un serait à la nomination du sous-chantre, et l'autre institué par l'Université, révocables tous deux par les mêmes autorités. Il fut convenu également que le recteur de l'Université et le chantre de la cathédrale seraient les arbitres de tous les différends, et que l'accord serait soumis à l'appro bation du pape et de l'évêque.

Deux ans après, en 1471, un riche bourgeois, du nom de Guillemin Delaunay, voulant contribuer au développement de l'instruction parmi les classes pauvres, donna deux maisons, sises rue SaintLéonard, pour augmenter le collége Saint-Jean, à condition que

les écoliers y seraient « receuz à y estudier sans en payer quelconque devoir », que les régents feraient célébrer une messe pour lui chaque samedi et que les écoliers y seraient conduits. L'écolâtre de la cathédrale, qui était le principal de l'établissement, accepta la fondation et reçut, en 1475, de Marie Turmel, veuve de Guillemin Delaunay, un surcroît de don, c'est-à-dire 66 livres de rentes pour parer aux frais d'entretien des immeubles. Cette école, dite de Saint-Jean ou de Launay, servit, comme l'école de Melleray, sise près Saint-Vincent, à l'enseignement de la Faculté des arts. Travers assure même qu'on y fit des cours de droit 1.

Les guerres du duc François II et de la duchesse Anne jetèrent le trouble dans l'université naissante et dispersèrent les professeurs et les écoliers. En 1493, les cours n'étaient pas encore rétablis. Les États de la province en firent le sujet de longues remontrances au roi Charles VIII, qui, au lieu d'inviter les États à voter des fonds, préféra assigner une somme de 400 livres sur la recette municipale de Nantes, pour subvenir au traitement des professeurs. Cependant, il est juste de dire qu'il céda aux instances de la ville et consentit plus tard à mettre cette dépense d'intérêt général au compte de la recette des domaines de Bretagne 2.

Voici en quels termes ce bon roi reconnaît la nécessité de rétablir l'université :

Item et pour ce qu'en nostre dit pays de Bretaigne il y a une seule et unique Université, laquelle feu nostre cousin le duc François, dès son advenement à la duché, fit créer et ordonner par N. S. P., en nostre ville de Nantes en la forme et telle constitulion que sont celles de Sienne et de Boulogne en Italie, laquelle Université au vivant de nostre dit feu cousin a esté entretenue de bons docteurs et régents et lisans jusque environ le commencement des dernières guerres et divisions qui ont esté en icelui pays par le moyen desquels les docteurs regens et escoliers s'évadèrent el à présent sont retournés en icelle ville de Nantes aucuns escholiers pour degré de science acquérir, mais ils n'ont point de doc

Hist. de Nantes, t. II, p. 258.

2 Ibidem, p. 230.

teurs, régens et lisans à cause de ce que ne leur avons encore donné aucun entretenement.

>> Nous pour ces causes considérans que la faculté de sapience et littérature est à chacun utile, profitable et honorable, et afin que la dite Université soit bien garnie et fournie de bons docteurs, avons accordé et ordonné, accordons et ordonnons par ces mêmes présentes pour l'entretenement de la dite Université en icelle nostre ville de Nantes la somme de 400 livres tournois par chascun an à prendre sur les deniers communs de la ville.

Par d'autres lettres, en date du 22 mars 1494, Charles VIII fixa à quatre le nombre des professeurs et assigna à chacun 100 livres de traitement. Cette somme n'étant suffisante pour attirer à Nantes des hommes de mérite, et la décadence des études étant menaçante, le corps des bourgeois envoya une députation, en 1494, à Angers, près de Jacques Clatte, professeur de droit en cette ville, pour lui offrir la direction des leçons de l'université bretonne. Après diverses négociations, celui-ci accepta la proposition, moyennant 240 livres d'honoraires par an, avec un logement pour lui et ses pensionnaires et la liberté de choisir deux corégents, l'un en droit civil, l'autre en droit canon. Son installation eut lieu dans la maison de l'huis de fer, sise rue Saint-Gildas (rue des Carmélites), que la ville prit à loyer, et les cours de droit se firent en cet endroit pendant une grande partie du XVIe siècle.

Charles VIII s'intéressa particulièrement à la Faculté de médecine, et par ses lettres en date du mois d'avril 1493, il accorda aux médecins la faculté de prendre les cadavres des suppliciés et des noyés, pour pratiquer des autopsies et étudier l'anatomie du corps humain. Je crois que cet acte est à noter comme point de départ du développement de l'art chirurgical en Bretagne 2.

(La suite à la prochaine livraison.)

LÉON MAITRE.

Hist. de Nantes, Travers, T. II, p. 221.

2 Cet acte est cité dans un procès-verbal d'inspection de 1669. Arch. du Présidial

de Nantes.

VII

JEAN DE MONTIGNY

(1536-1671 )

I. Jeunesse et poésies de l'abbé de Montigny

(1636-1667)

1

En racont int dans notre étude sur Chapelain la guerre de brochures et d'épigrammes qui s'éleva peu après l'apparition du poème de la Pucelle, nous avons signalé, parmi les défenseurs du poète, un abbé de Montigny qui, dans une lettre à Eraste, protesta énergiquement contre les critiques de Linière. Cet abbé, qui devint chanoine de Vannes, aumônier de la reine Marie-Thérèse, puis évêque de Saint-Pol, était Breton, et fort jeune encore il entrait à l'Académie française, précédé d'une des plus grandes réputations de bel esprit de ce temps. Ses ouvrages ont été beaucoup plus connus des contemporains que de la génération suivante, car un fort petit nombre de ses morceaux de vers ou de prose fut livré aux hasards de la publicité la plupart couraient manuscrits dans les cercles et les ruelles, et l'on sait que les salons littéraires suffisaient alors pour établir de hautes situations dans la république des lettres. Nous Revue de Bretagne el de Vendée, mars à décembre 1875.

« PreviousContinue »