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Voici la liste des plaidoyers contenus dans ce premier volume :

Affaire Serres de Saint-Clair (1815).

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Chacun de ces plaidoyers est précédé d'une note sommaire indiquant les circonstances dans lesquelles il a été prononcé. Ces notes sont faites avec un soin infini, et dignes des hommes de talent et de cœur auxquels est échu l'honneur de publier les œuvres de Berryer. Et cependant elles me laissent un regret. Pourquoi ne sont-elles pas plus développées ? Pourquoi ne rappellent-elles pas, avec plus de détails, les faits, les anecdotes qui se rattachent à chacune de ces admirables plaidoiries? La mort de Berryer est encore récente; mais déjà l'illustre orateur est entré dans la gloire et dans la postérité. Le moment est venu de le traiter comme un Ancien, comme un classique de la tribune et du barreau.

Les savants éditeurs me pardonneront donc de signaler, en vue d'une seconde et prochaine édition, quelques-uns de mes desiderata. Le volume aurait dû s'ouvrir, ce me semble, par un chapitre préliminaire consacré à rappeler les longues et patientes études par lesquelles Berryer a préludé à ses glorieux débuts. Le père de Berryer nous a initiés lui-même à ces intéressants détails: «Ma pre

mière sollicitude, dit-il, a été, à sa sortie du collége, de lui faire > revoir, sous un professeur émérite, M. de Guerle, tous les au>teurs qui avaient dû remplir son cours d'humanité, afin qu'il se » pénétrât mieux des beautés de leurs œuvres.

> Cette révision terminée, je veillai à ce qu'il fit son droit avec > plus d'approfondissement qu'on ne le faisait aux écoles. Je lui >> donnai pour répétiteur un habile jurisconsulte (M. Bonnemant), » qui avait été membre de l'Assemblée Constituante, ensuite juge du » Tribunal civil de Paris, avec lequel je concertai le plan des répé»titions en mon domicile.

Cette seconde filière parcourue, je voulus qu'il se résignât à > une troisième, non moins nécessaire à l'avocat : l'étude de la procédure. Je le fis entrer chez M. Normand, avoué de première >> instance, praticien aussi probe qu'instruit, qui est décédé juge de > paix à Paris 1. >

Berryer étudia en outre la botanique sous M. Desfontaines, la minéralogie sous M. Haüy, la physique, la mécanique, l'anatomie comparée; il suivait en même temps les cours de poésie et d'éloquence du Collège de France et de la Faculté des lettres.

Ainsi préparé, son génie naturel ainsi fortifié par le travail et l'étude, il aborda le Palais à vingt-deux ans, et ses coups d'essai qui pourrait s'en étonner maintenant? ses coups d'essai furent des coups de maître. Ses débuts furent autant de triomphes, si bien qu'un demi-siècle plus tard il aurait pu dire, comme le vieux Malherbe :

Les puissantes faveurs dont Parnasse m'honore

Non loin de mon berceau commencèrent leur cours;

Je les possédai jeune et les possède encore

Au déclin de mes jours.

Après ce chapitre préliminaire seraient venus les plaidoyers, et, à l'occasion de celui qui ouvre le volume, -affaire Serres de SaintClair, j'aurais recueilli dans les journaux du temps les témoignages qui constatent l'effet considérable produit par l'eloquence du

↑ Souvenirs de M. Berryer, doyen des avocats de Paris, t. I, p. 358 et 359.

jeune avocat. On en retrouve notamment la trace dans la feuille la plus importante de cette époque, le Journal de l'Empire.

Le plaidoyer prononcé dans l'affaire La Mennais ne gagnerait-il pas à être accompagné de quelques détails sur les relations de Berryer avec l'auteur de l'Essai sur l'indifférence? « Berryer a parlé admirablement, » écrivait La Mennais à la comtesse de Senfft en lui rendant compte de son procès '. Les éditeurs n'auraient-ils pas dû citer cette lettre? N'auraient-ils pas dû rappeler cette visite de Berryer à la Chênaie, dont parle M. Alfred Nettement, dans son Histoire de la littérature sous la Restauration :

<< Tout en continuant à converser, dit M. Nettement, les deux amis » gravirent le joli coteau qui domine la petite rivière de Dinan. On passa » en revue les sujets qui occupaient les esprits méditatifs de ce temps, » les rêveries de Swedenborg, puis les opinions alors controversées sur » le magnétisme, aux phénomènes merveilleux duquel on chercha des >> explications dans les relations mutuelles des trois Églises, celle qui com

bat, celle qui souffre, celle qui triomphe. Enfin, M. de La Mennais rentra » dans le courant habituel de ses idées; il causait avec cette supériorité > et cette verve bien connues de ceux qui l'ont entendu à cette époque, »sa pensée volait droit devant elle comme un aigle aux ailes étendues » et dévorait l'espace. On eût dit qu'il dictait des pages pour la postérité; » sa conversation était un livre éloquent. Tout à coup, M. Berryer, qui » l'écoutait pensif et les yeux attachés sur la petite rivière qui tourbil»lonne en cet endroit, l'interrompit avec un mouvement d'effroi, comme » s'il avait eu une subite intuition du précipice qui devait s'ouvrir dans » l'avenir. « Taisez-vous, lui cria-t-il, vous me faites peur! - Et pour» quoi ? Je vois que vous deviendrez chef de secte. Jamais! s'écria » M. de La Mennais; plutôt rentrer dans le sein de ma mère, que de sor» tir du giron de l'Eglise ! Je vous dis que vous en sortirez; je vous en >> vois sortir. Et pourquoi? Et comment? Pourquoi? C'est que vous >> suivez inexorablement vos idées où elles vous mènent, sans qu'aucune » considération puisse vous arrêter; c'est que votre esprit domine tout >> sans que rien le domine 2. »

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Parmi les nombreux plaidoyers prononcés par Berryer en 1832, dans des affaires politiques, notre volume n'en donne qu'un seul, celui pour M. Fouquet, juge au tribunal de 1re instance de la Seine,

Euvres posthumes de La Mennais. Correspondance. 2 Alfred Nettement, t. II, p. 226.

poursuivi pour avoir adhéré à la déclaration monarchique de la Gazelle de France. Ce plaidoyer méritait, en effet, d'être reproduit; on ne saurait, d'autre part, reprocher aux éditeurs de n'avoir pas publié les autres plaidoiries prononcées à la même époque : ils étaient, nous l'avons déjà dit, obligés de se borner; mais peut-être eût-il été bon de donner la liste, année par année, de tous les plaidoyers de Berryer. On aurait eu ainsi une idée de son activité infatigable et de son inépuisable dévouement. C'est ainsi que dans cette année 1832, où il fut lui-même détenu en prison pendant cinq mois (du 7 juin au 16 octobre), et où il eut à se défendre devant la cour d'assises de Blois, il plaida pour la Gazette de Normandie devant la cour d'assises de Rouen; pour M. de la Rochefoucauld et pour M. Bertier de Sauvigny devant la cour d'assises de Paris. M. Bertier de Sauvigny était accusé « d'avoir, le 17 février 1832, commis un alten> tat contre la personne du Roi, en dirigeant volontairement, à deux > reprises différentes, et dans une intention coupable, son cabriolet > sur la personne du roi. Crime prévu par l'article 86 du code. > pénal. - Ce que furent, dans cette curieuse affaire, la plaidoirie et la réplique de Berryer, ce qu'il y mit de verve, d'ironie, de belle humeur, on le devine sans peine. Il terminait ainsi sa péroraison : « Ah! s'il s'agissait de l'offensé, il avait un bien autre exemple à > suivre dans cette circonstance: il pouvait prendre pour modèle un » prince de la famille royale qui, frappé d'un coup mortel, mourant › de la main d'un assassin, criait : Grâce pour l'homme ! Ce même prince, serré de près dans une rue par une voiture, ayant failli » être écrasé par elle, disait en souriant: Cela m'apprendra, quand » je serai en voiture, à penser aux gens qui sont à pied.

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> Voilà la morale du procès! »

L'année 1833 fut une des plus éclatantes de la carrière de Berryer. Son plaidoyer dans l'affaire de M. de Châteaubriand (27 février 1833) est un des plus beaux qu'il ait prononcés, et, dans la note qui l'accompagne, plus d'un lecteur eût aimé à retrouver ce passage d'un article publié quelques années plus tard par le journal le Droit:

↑ Procès de M. Bertier de Sauvigny, 1832. - Paris, imprimerie Le Normant, rue de Seine, n° 8.

Il défendit M. de Châteaubriand comme M. de Châteaubriand > devait être défendu, sans provocation et sans bravade, rendant > hommage, en son nom, à ces rois de l'exil qu'avait adorés sa jeu> nesse et que sa vieillesse devait adorer. Tous ceux qui l'ont › entendu se souviennent de tout ce qu'il eut de sublime et de véri » tablement inspiré..... Il y a eu, à sa voix, une de ces impressions » électriques et involontaires qu'il n'est donné qu'au génie de pro› duire '. » — Le jour où Berryer vint prendre séance à l'Académie française, le 22 février 1855, le directeur, M. de Salvandy, évoqua le souvenir de cette mémorable plaidoirie du 27 février 1833 « Les plus grands noms du temps, dit-il, se sont réclamés de » votre patronage: La Mennais, au faîte de sa renommée, Cha>teaubriand au déclin de sa vie, qui sais-je encore? On comprend

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que, tout à l'heure, les souvenirs de la Sainte-Chapelle vous > soient revenus à la pensée. Votre parole grava ce nom dans la ➤ mémoire publique le jour où vous aviez à vos côtés l'auteur du » Génie du Christianisme, sous les voùles du palais et à quelques » pas de la chapelle de saint Louis. Ce plaidoyer est de ceux qui ⚫ restent, Monsieur; c'est votre discours pour le poète Archias,

III

Mais laissons là ces petits desiderata, et prenons le volume tel qu'il nous est donné. Le choix qu'il renferme est fait avec beaucoup d'habileté et de façon à montrer le talent de Berryer sous ses différents aspects. Nous le voyons d'abord aux prises avec les affaires criminelles. Dans les affaires Serres de Saint-Clair et Castaing, il défend l'accusé; il parle au contraire contre lui dans l'affaire La Roncière, où il se présentait comme avocat de la famille de Morell, partie civile. Dans les deux rôles, soit qu'il défende, soit qu'il accuse, il déploie toutes les ressources de la dialectique la plus serrée, tous les trésors du pathétique le plus entraînant.

la

La plaidoirie pour Castaing ne nous a pas été conservée par sténographie; ce n'est du reste qu'une réplique, le plaidoyer prin

Le Droit, 20 juin 1838.

• Discours de M. le comte de Salvandy,

Didier, éditeurs, 1855.

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