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et faisans cesser tous troubles et empeschemens à ce contraires, nonobstant que lesdits supplians ne rapportent les confirmations de nosdits prédécesseurs, perdues et adhirées comme dit est, que ne leur voullons nuire ne préjudicier, ains les avons relevez et relevons de notre mesme puissance et authorité que dessus. Car tel est notre plaisir. - Et afin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons faict mettre nostre scel à ces dites présentes, sauf en autres choses nostre droit et l'autruy Donné à Nantes au mois de avril, l'an de grâce mil cinq cens quatre-vingt dix-huict et de notre règne le neufviesme. roy en son conseil, DE VERTOU. » Et à côté, visa contentor, BOUCHERY. Et scellées du grand sceau en lacs de soie rouge et verte.

en touttes.

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Par le

Nous ne rapporterons pas ici de nouvelles lettres de confirmation de priviléges, données par le roi Louis XIII et datées de Nantes, au mois d'août 1626; elles ne font que copier presque littéralement les dernières, et permettent de constater que les habitants de SaintNazaire ne laissaient échapper aucun voyage royal dans la province sans en retirer une sauvegarde contre les prétentions de Guérande; mais nous citerons deux documents de la même époque, qui montrent combien ces priviléges royaux étaient trop souvent peu considérés par les agents du fisc: ceci se passait pendant le siége de La Rochelle et les incursions de la flotte anglaise sur les côtes de l'Ouest. Le 4 octobre 1627, le bureau de la paroisse reçut la lettre suivante :

« Le marquis de Themines, mareschal de France, gouverneur et lieutenant général pour le roy en ses pays et duché de Bretaigne. Attendu que la paroisse de Saint-Nazère reçoit assez d'incommodité, par le logement des trois compagnies du régiment d'Estissac qui y sont en garnison, nous avons exampté ladite parroisse de la contribution pour l'entretenement des deux compaignies qui sont en garnison dans la ville de Guérande. Mandons à cest effect au seneschal de la ville de Guérande de ne donner aulcun despartement sur ladite parroisse de Saint-Nazère pour saison de ladite contribution. En foy de quoy nous avons signé ces prérentes, à icelles fait mettre le cachet de nos armes et contresigner par nostre secrétaire. A Auray, ce vingt-quatriesme octobre 1627. THEMINES. Par Monseigneur. (Déchiré.) »

Malgré cet ordre formel, Saint-Nazaire fut taxé par Guérande pour l'entretien de sa garnison, et l'affaire dut être portée devant

le parlement de Rennes, qui rendit aussitôt une sentence condamnant Saint-Nazaire à payer provisoirement la taxe, sans préjudice des priviléges obtenus, et sans tirer à conséquence... Cela peut sembler difficile à accorder, mais l'arrêt, assez curieux dans sa forme, est très-précis. En voici les passages les plus saillants : <Extrait des registres du parlement. Veu par la cour la requeste des paroissiens de la parroisse de Sainct-Nazaire, remonstrant que de tout temps immémorial les habittans de Guérande les auroient voullu assubjetir à plusieurs choses, comme à curer les douves des ville et chasteau, les capitaines et paier les guez, soubz prétexte que la jurisdiction qui s'exerce à Sainct-Nazaire aux seigneurs qui ont droict de fieff rellevent de la jurisdiction royalle de Guérande; c'est pourquoy, en l'an 1554, etc... Et néanmoins encore qu'ils ayent logé et fourny de touttes (ustencilles) nécessaires l'espace de huict moys troys compaignies de gens de guerre, sçavoir celle du baron d'Esplantier et autres, ceux de laditte ville de Guérande n'ont laissé de les faire cotizer par le sénéchal de laditte ville au mois d'octobre dernier à payer par chacun mois deux cents deux livres dix soulz pour aider à la nourriture des soldats establiz audit Guérande, ce qui n'est raisonnable.... Tout considéré. La cour sans préjudice des privillèges obtenus par les habittans de Sainct-Nazaire en autres temps et cas, et attendant le payman qu'il plaira au roy a devoir aux gens de guerre en cette province, a ordonné et ordonne que par forme d'estappes et sans tenir à conséquence, ils contribueront à la nourritture desdits soldatz suivant le département qui en sera faict par le sénéchal de Guérande, suivant les précédentz arrestz sauf à se pourvoir pour la surcharge et excez à la taxe, sy aultant et ainsy qu'ils verront. - Faict en parlement à Rennes, le troisiesme de novembre 1627. Signé MALESCOT, etc. ›

Or, au moment même où les habitants de Saint-Nazaire recevaient la notification de cette sentence du parlement, un courrier royal leur apportait un avertissement peu fait pour guérir leur blessure:

<De par le Roy. Chers et bien amés, les Angloys ayans esté contrainctz d'abandonner l'isle de Ré par les trouppes que nous y avons faict passer soubs la conduite de notre cousin le maréchal de Schomberg, et de s'embarquer dans leurs vaisseaulx, nous avons jugé à propos de vous en donner advis et de vous ordonner comme nous faisons très-expressément de veiller et pourveoir de sorte à la seureté et conservation de

Saint-Nazaire, que sy ils avoient dessein d'y descendre ils ne le puissent exécuter. A quoy vous ne ferez faulte, car tel est nostre plaisir. — Donné au camp devant la Rochelle. Le Ixe jour de novembre 1627. ›

LOUIS.

Les paroissiens de Saint-Nazaire répondirent en faisant bonne contenance devant les Anglais et en portant l'affaire des taxes au conseil du roi, qui leur donna gain de cause par un arrêt du 3 novembre 1637, les exemptant de toute contribution aux étapes de la ville de Guérande, ainsi que le constatent les nouvelles lettres de confirmation de priviléges, octroyées par Louis XIV, encore enfant,au mois de juin 1645. Or ces priviléges étaient vraiment bien légitimes, car la ville de Saint-Nazaire se trouvait en alertes perpétuelles. Nous venons de voir Louis XIII l'avertir de se garder des Anglais : cette missive autographe du maréchal de la Meilleraie au sénéchal de Saint-Nazaire, le 24 mars 1655, n'est pas moins explicite:

< Monsieur le sénéchal, aussitost votre lettre receue, je me suis mis en batteau avec ce que jay peu de monde, pour men aller à vous, affin de donner touts les ordres qui m'eust esté possible pour la coste, mais ayant receu votre seconde qui m'apprent que les frégattes espagnolles se sont retirées de la rivière, et voyant que je serés là entièrement inutile, je m'en retourne, voyant que je serés inutile au service du roy et à votre soulagement. Si j'y puis quelque chose, aussytost que m'en aurés averty, je seray prest à retourner et vous tesmoigner le désir que j'ay de vous faire paroistre en touttes occasions que je suis votre très-affectionné à vous faire service, La Melleraie. >

Ceux qui se rappellent l'alarme causée dans Saint-Nazaire en 1870 par la frégate prussienne Augusta, qui resta en vue, à l'embouchure de la Loire, pendant près de vingt-quatre heures, peuvent se figurer facilement quelle vie agitée devaient mener leurs ancêtres, alors que les secours étaient beaucoup moins prompts et les moyens de défense moins énergiques.

Nous ne les reproduirons pas ici, de peur de fatiguer le lecteur par de trop fréquentes répétitions. Elles différent fort peu des lettres octroyées par Henri IV et par Louis XIII. L'arrêt du conseil du roi de 1637 est très-curieux, mais il prendrait à lui seul près de vingt pages de cette Revue. Il intéresse l'histoire de toute la presqu'ile guérandaise.

Sous Louis XIV et sous Louis XV, on ne demanda plus aux habitants de Saint-Nazaire de venir travailler aux fortifications de Guérande, qu'on abandonnait, mais les fermiers des droits d'entrée sur les vins soulevèrent souvent contre eux de curieux procès que nous exposerons quelque jour. Nous terminerons cette rapide histoire de la lutte entre les deux villes par un épisode qui la couronne d'une façon assez inattendue, à la fin du XVIIIe siècle. Sous la république terroriste, Saint-Nazaire était devenu Port-Nazaire, et, malgré l'apparat de ses fêtes patriotiques, dont on retrouve des traces fort pittoresques dans les anciens registres de la commune, malgré les dons déposés sur l'autel de la patrie, on était sujet à d'incessantes réquisitions. Nous extrayons cette missive hautaine des archives municipales :

‹ Au quartier général de Guérande, le 17 thermidor, an IVe de la République une et indivisible.

» Le général de brigade Cambray aux membres de l'Administration municipale du canton de Port-Nazaire.

› Citoyens,

› L'arrivée prochaine de plusieurs bataillons dans les arrondissemens que je commande, m'oblige à vous inviter de faire faire de suite les ver❤ semens en grains que vous devez pour votre contribution dans les magasins militaires de Guérande; ne m'obligez pas, citoyens, à vous y contraindre par la force armée, ni à vous mettre garnison. C'est en me secondant des moyens qui sont à votre pouvoir que la tranquillité s'établira à jamais dans votre territoire, et que vous jouirez sous peu des bienfaits qu'une paix prochaine vous assure. Cette paix tant désirée, à qui la devez-vous? Aux braves et dignes défenseurs de la patrie. C'est donc pour eux que je réclame de suite les grains que la loi vous a imposés. Je ne vous dissimulerai pas que ma plus vive sollicitude est de donner à mes frères d'armes les vivres que la loi leur accorde. Vous devez m'entendre, ne m'obligez point, ni à la contrainte, ni aux réquisitions. Vous voudrez bien donner connaissance de la présente aux communes de votre ressort. Je vous salue fraternellement. Pour le général de

brigade, Cambray, le chef de l'état-major, Fd GUYARDET. >

Et la municipalité dut bientôt prendre une résolution désespérée : < Du vingt-cinq pluviose an V de la République une et indivisible, séance de l'administration municipale du canton de Port-Nazaire, etc.

› L'Administration, ouï le commissaire du directoire exécutif, délibére qu'étant très-intéressant pour empêcher le retour de la voie des réquisitions qui ont suscité une si grande quantité de mécontens et même d'ennemis au gouvernement, les agents municipaux sont chargés respectivement dans leurs communes de se transporter de suite chez les percepteurs pour y vérifier le montant des fonds qui se trouvent dans leurs caisses, presser la rentrée des impôts arriérés et de l'an cinq par la voïe des garnisaires, conformément à la loy du 17 brumaire dernier, donner à la prochaine séance le montant des fonds en caisse, et ordonner à tous les percepteurs la suspension provisoire des versemens dans la caisse du préposé du receveur général... ALLANSON. SOHYER. HARI OUIN. LEMALE. PICARD. »

Aujourd'hui, par un habituel retour des choses d'ici-bas, Guérande n'est plus qu'un simple chef-lieu de canton, et Saint-Nazaire, siége d'un arrondissement sous-préfectoral, domine, de toute la grandeur de sa rapide fortune, son ancienne et querelleuse rivale.

RENÉ KERVILER.

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