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HARVARD COLLEGE LIBRARY

F. C. LOWELL FUND

Aug,14,1924

M. Louis GUIBERT, Correspondant de l'Institut, Secrétaire général de la Société archéologique et historique du Limousin, est décédé presque subitement le 14 janvier 1904.

Depuis trente ans, il n'a cessé d'enrichir ce Bulletin de ses savants travaux. Son rôle, dans les séances mensuelles, dans les réunions du Bureau et dans toutes les manifestations de la Société, a été considérable.

La Société archéologique a perdu en lui un de ses membres les plus éminents, un de ses administrateurs les plus éclairés, un de ses amis les plus dévoués.

Sa mort est survenue au moment où il corrigeait les épreuves des dernières pages de la présente livraison.

Aujourd'hui, la Société ne peut que prendre son deuil. Dans la prochaine livraison, elle dira ce qu'a été Louis GUIBERT, l'homme, l'écrivain et l'érudit qu'elle pleure.

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE & HISTORIQUE DU LIMOUSIN

TOME LIV

ETUDE

SUR

LE POÈTE LIMOUSIN JEAN DORAT

Conférence faite le 18 mars 1903 à la Société archéologique
et historique du Limousin

MESDAMES,
MESSIEURS,

Dans le mouvement que le progrès imprime à notre siècle, un courant rapide et presque insurmontable entraîne nos aspirations du côté de l'avenir. Un champ dont les limites s'étendent tous les jours appelle à la conquête les esprits actifs et cultivés. Dans cette course, bien légitime sans doute, mais parfois, ajoutons-le, un quelque peu énervée et fièvreuse, n'oublions-nous pas ce que nous devons au passé et ne négligeons-nous pas, de tourner vers l'histoire écoulée un regard reconnaissant? C'est cependant un tribut légitime que l'expérience acquise doit aux hommes et aux choses d'autrefois. C'est à ces vestiges des âges déjà grands de nos annales que nous empruntons les matériaux du vaste édifice, fait des victoires accumulées de l'intelligence et du savoir, dont nous nous enorgueillissons de contempler les proportions grandioses. Les lieux, comme les familles, ont leur livre d'or; les pays, comme les hommes, ont leurs ancêtres.

Notre pittoresque province, avec sa riche et grande nature, avec ses sites enchanteurs que nous aimons et que les autres admirent, est un trop beau cadre, une scène trop majestueusement opulente, pour qu'il ne s'y soit pas mû, aux différentes époques, un essaim de personnages, nobles et indispensables enfants d'une mère si séduisante.

T. LIV

1

Le Limousin a produit des guerriers. On vous entretiendra dans quelques instants, en termes dignes de sa mémoire, de Bugeaud, le valeureux soldat que notre petite patrie donna à la grande. Le nom de Jourdan, dont la statue fait l'ornement de la place qu'elle baptise, est resté populaire dans notre cité. Et, puisque j'évoque les gloires militaires du Limousin, qu'il me soit permis d'adresser en passant un hommage respectueux et attendri au souvenir de ces centaines de braves enfants de la Haute-Vienne, humbles mais intrépides combattants qui, durant l'année terrible, sacrifièrent à la défense du pays des vies, pour quelques-uns pleines de charmes et pour tous riches d'espérances. Le ciseau du graveur, en inscrivant leurs noms sur un monument durable, fera connaître aux générations futures que notre chère province eut simultanément mille héros.

A côté du droit immuable des gens dont le glaive entretient et assure le respect, il est une autre incarnation de la justice, plus pacifique sans doute, mais non moins indispensable à l'ordre social. J'ai nommé la magistrature et la mention de d'Aguesseau, également enfant de Limoges, donne pleine et entière satisfaction à notre orgueil national.

Ce jurisconsulte éminent, qui disait un jour à ceux dont l'amitié le poussait à demander un avancement: «A Dieu ne plaise que j'occupe jamais la place d'un homme vivant »! restera le type du fonctionnaire intègre et de l'homme vertueux. Si nous avions le scrupule d'apporter dans notre admiration un trop complaisant patriotisme, rappelons-nous le jugement de Voltaire sur le chancelier qu'il appelle « le plus savant magistrat qu'ait eu la France ». Après cette constatation, je vous demande si nous avons le droit d'être fiers de notre compatriote sans être taxés de fatuité.

Si j'entreprenais l'évocation de toutes nos gloires, j'en arriverais à nous trouver si riches, que le temps qui m'est accordé par votre bienveillante attention ne suffirait pas à étaler nos trésors. Je m'arrêterai donc à un seul de nos illustres ancêtres qui tient une place des plus honorables dans l'histoire de la littérature.

Nul ne voudra m'accuser d'exagération en lui accordant un tel piédestal, si je vous rappelle qu'au seizième siècle il exista un poète qui fut qualifié de deux façons par ses contemporains. On l'appela: « Le Pindare français », et en même temps l'« Homère de Limoges ». Ces appellations flatteuses, même si nous tenons compte de l'enthousiasme primesautier de notre race, sont une preuve évidente que celui qui en reçut l'hommage appartient à l'histoire, à un titre incontestable.

En faisant une courte étude sur le poète Dorat, nous accorderons

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