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de pied portant des flambeaux, ainsi que de deux fusiliers et d'un exempt de robe courte; car on avait vu un détachement de ces grenadiers de l'Apport-Paris, pendant tout le jour, monter la garde. Il y avait au pied du grand escalier, dit l'escalier du Mai, deux chevaux prêts à partir pour Versailles, et porter à la cour les nouvelles de l'arrêt aussitôt qu'il serait rendu. On assurait que le sieur de Beaumarchais, qui avait eu l'honneur de souper, disait-on, le jeudi précédent, au Palais-Royal, chez M. le duc de Chartres, était invité, ce même soir, fût-il blâmé, à souper chez le prince de Monaco, et le jeudi suivant, chez M. le prince de Conti. Dès que l'arrêt fut rendu, des écrivains du Palais en distribuaient de petits bulletins au public, avide de se le procurer, qu'ils faisaient payer aux uns six sous et à d'autres douze sous la pièce. On assurait que la séance de Messieurs avait été bruyante et tumultueuse; que, sans avoir aucun égard à la modération des gens du roi, qui n'avaient conclu contre le sieur de Beaumarchais qu'à l'admonition et à la suppression de ses mémoires, il s'était élevé d'abord un parti formidable de vingt-deux voix contre lui, pour qu'il fût condamné à tout, hors la mort; qu'ensuite il s'en était formé deux autres, dont l'un pour le bannissement à perpétuité hors du royaume, et l'autre pour le blâme, qui ne l'avait emporté qu'à la pluralité de trente voix contre vingt-cinq.

Dimanche, 27 février. - Le sieur Guyot, marchand de papier et d'encre, demeurant rue du Mouton, à l'enseigne de la Petite-Vertu, avait écrit au sieur de Beaumarchais, en lui envoyant une bouteille de son encre indélébile, une écritoire et des plumes, la lettre la plus singulière, portant en substance: Qu'il avait plusieurs muids de cette même encre à son service, qu'il espérait que sous sa plume elle acquerrait un nouveau lustre, qui pourrait contribuer à éclairer nonseulement la nation, mais encore les étrangers. Le sieur de Beaumarchais avait fait au sieur Guyot une réponse gracieuse pour le remercier de ce cadeau qu'il avait accepté, et en reconnaissance lui avait envoyé une collection de ses Mémoires. Malheureusement M. Guyot refusait de communiquer, même à ses meilleurs amis, tant sa lettre que celle du sieur de Beaumarchais, raison pour laquelle il me fut impossible de me les procurer.

Vendredi, 11 mars. Il se répand que M. de Sartine avait mandé le sieur de Beaumarchais pour lui déclarer qu'il avait les ordres les plus positifs et les plus précis de s'assurer de sa personne s'il venait à manquer de prudence, et à sortir des bornes qu'il était chargé de lui prescrire; qu'il l'avertissait en ami de ne point se montrer aux spectacles, de ne rien écrire ni faire imprimer, et de ne songer en aucune manière à se pourvoir contre l'arrêt du parlement du 26 février, comme aussi de ne point s'éloigner de Paris plus de trois lieues à la ronde, et de se renfermer très-scrupuleusement dans l'espace qu'on avait jugé à propos de circonscrire à son individu, malheureusement

trop fêté par le public, qui, ne sachant se contenir, fait presque toujours le plus grand tort à ceux pour lesquels il se passionne, souvent par un caprice momentané et sans consistance. On disait que, le dimanche précédent, le sieur Marin, censeur royal et gazetier de France, et l'un des antagonistes dudit sieur de Beaumarchais, s'était vu forcé de sortir du jardin du Palais-Royal où il se promenait, parce qu'il avait été tout à coup investi d'une foule de particuliers qui, pour le badiner et se moquer de lui, avaient fait retentir à ses oreilles, à cris redoublés, ces mots extraits du quatrième mémoire : « Ques aco, Marin? » Une telle indiscrétion, jointe au battement de mains dans la salle du Palais le jour du jugement; à l'espèce d'escorte qu'on avait remarquée à la suite du sieur de Beaumarchais, un autre jour qu'il en sortait; à l'empressement qu'on témoignait de le voir; aux placards injurieux à la nouvelle magistrature, affichés dans l'enceinte du Palais; aux pièces de vers satiriques qui paraissaient journellemement: tout cela ne pouvait-il pas avoir donné lieu au parti que le gouvernement s'était cru obligé de prendre contre le sieur de Beaumarchais, qui, par la sagacité, la finesse et le génie dont il venait de faire preuve, était peut-être devenu redoutable aux partisans dû nouveau système? Quoi qu'il en fût, comment apprendre une pareille nouvelle, et ne pas perdre toutes les espérances qu'on avait conçues sur la tournure qu'avait paru prendre d'abord l'affaire du sieur de Beaumarchais ?

ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES

FRANÇAISES ET Étrangères.

ACADÉMIE DES SCIENCES.

Séance du 26 juillet.

Nous avons été témoins, dans cette séance, d'une discussion fort intéressante, entre M. Struve, le célèbre directeur de l'observatoire central de Poulkova, et M. Faye, relativement à la parallaxe d'une étoile de 6-7, grandeur de la grande-ourse (1830o étoile du catalogue de Groombridge). M. Faye avait obtenu, par la méthode des ascensions droites, une parallaxe d'une seconde. M. Peters, élève de M. Struve, ne trouva, par la méthode des déclinaisons, que 1/4 de seconde. M. Faye avait déterminé, à diverses époques de l'année, la différence d'ascension droite entre l'étoile d'Argelander et une très-petite étoile située à peu près sur le même parallèle, quelques minutes plus loin. Avant de tirer parti de ces mesures, il en fallait défalquer l'effet combiné des erreurs instrumentales, de la réfraction, de la précession, de la nutation et de l'aberration. Le travail de M. Faye a fourni à M. Struve l'occasion d'une note du plus haut intérêt non-seulement pour l'astronomie, mais encore pour la philosophie; nous nous faisons un devoir de la reproduire ici :

« L'astronomie, de nos jours, a réussi enfin à déterminer la parallaxe de quelques étoiles fixes, et à détruire ainsi une barrière qui s'était opposée, depuis des siècles, au progrès de l'astronomie stellaire.

« Bessel a déterminé d'une manière incontestable la parallaxe de la 61o du Cygne, et l'a fixée à 0',35. C'est l'étoile qui présente le plus grand mouvement propre parmi celles qui ont été observées, à deux époques distantes de quarante-cinq ans, par Bradley et Piazzi. Récemment M. Argelander a indiqué une autre étoile de 6o grandeur, observée par Groombridge et d'autres, et qui a un mouvement propre encore plus fort. Il est bien naturel que l'attention des astronomes se soit dirigée sur l'évaluation de la parallaxe de cette étoile. En effet, indépendamment l'un de l'autre, M. Faye, de Paris, et M. Peters, de Poulkova, ont essayé d'en fixer la valeur numérique, en suivant des voies différentes : celle de l'ascension droite et celle des déclinaisons.

« Les deux résultats s'accordent en ce qu'ils assignent à la parallaxe une valeur positive, mais ils diffèrent quant à sa grandeur. M. Faye la trouve un pea au-dessus d'une seconde; M. Peters ne lui assigne que 1/4 de seconde. Cependant les deux séries d'observations indiquent, pour chacune des deux valeurs, d'après l'harmonie intrinsèque, une exactitude très-satisfaisante, mais qui ne s'accorde aucunement avec la différence des deux valeurs trouvées.

« M. Faye vient de donner une exposition claire de l'avantage qu'a la méthode des ascensions droites sur celle des déclinaisons. Je serais parfaitement d'accord avec lui sur ce point, si je ne croyais pas que la méthode des ascen sions droites fût sujette peut-être à des inexactitudes de nature plutôt constante qu'accidentelle. Je reconnais encore l'exactitude de la remarque que mon respectable ami vient de faire, sur ce que le résultat obtenu à Poulkova est moins exact pour cette étoile que pour les sept autres étoiles dont les parallaxes

ont été examinées. Cependant il faut que j'appuie sur le point suivant. Malgré la valeur assez considérable de l'erreur probablement à craindre dans la parallaxe déterminée par M. Peters, on peut néanmoins parier cinq contre un que la parallaxe de l'étoile de Groombridge est plus petite qu'une demi-seconde, et au-delà de quatre mille contre un qu'elle est plus petite qu'une seconde entière. « Pour tenter une explication de la contradiction des deux valeurs, j'ose citer ici un cas analogue. Le célèbre astronome de Koenigsberg avait trouvé, en 1815 et 1816, une parallaxe négative de la 61° du Cygne égale à 0',88, par la voie des ascensions droites. Cette détermination est en défaut de 1",23, si elle est comparée à la vraie valeur de cette parallaxe, +-0",35, découverte par Bessel lui-même vingt ans plus tard à l'aide de l'héliomètre, et confirmée depuis par les obser. vations de Poulkova. Ce fait remarquable m'engage aux considérations suivantes: << Toutes les mesures astronomiques finissent en une estime qui sert à trouver les fractions des dernières subdivisions directement indiquées. C'est ainsi, par exemple, que les têtes de vis des microscopes qui servent à la lecture des cercles divisés donnent directement les secondes, auxquelles l'estime ajoute les dixièmes. Dans ce cas, la seconde du grand cercle est représentée par un petit arc sur le tambour de la vis, mais qui est assez grand pour qu'on le subdivise au premier coup d'œil en ses parties aliquotes; et l'on parvient ainsi à une lecture des divisions considérablement plus exacte que celle de la direction de l'instrument sur l'objet à pointer. Dans l'observation des ascensions droites des étoiles voisines de l'équateur, c'est l'intervalle quinze fois plus grand, celui d'une seconde en temps, qui doit être subdivisé par l'estime; et encore cet intervalle n'est-il pas indiqué par deux traits distincts, mais terminé par les deux lieux où l'étoile se voit au commencement de deux secondes successives, indiqués par l'ouïe. On voit que la subdivision d'un arc de 15 secondes, délimité par une opération combinée de l'ouïe et de la vision, laisse toujours quelque chose d'arbitraire à celui qui l'exécute, et qu'il doit être difficile de parvenir à une exactitude des fractions minimes de la seconde en arc. Cette difficulté augmente dès que l'observateur est gêné dans l'estime par une préoccupation quelconque. Telle préoccupation détruit pour ainsi dire le caractère de l'estime libre. Celle-ci ne commet, dans des expériences réitérées, que des erreurs de nature accidentelle; tandis que la préoccupation provoque involontairement des erreurs de nature constante, et qui peuvent acquérir une valeur d'autant plus considérable, que le champ de l'estime est plus large. Supposons que l'astronomie ait à déterminer la différence en ascension droite entre deux étoiles voisines, par les passages réitérés à travers un seul fil d'un équatorial. Le premier passage ayant donné une certaine valeur de la différence, cette valeur exerce facilement une influence sur toutes les différences suivantes, que l'on tâche involontairement de rapprocher de la première. Cette influence peut être éliminée par l'emploi de deux fils, sur lesquels on observe alternativement l'une et l'autre des étoiles, surtout quand on fait varier les distances des deux fils. Mais il y a une autre préoccupation plus dangerense encore dans les observations faites exprès pour la détermination de la parallaxe en ascension droite. L'astronome, connaissant les époques du maximum et du mininum, est exposé à faire, à ces époques, des estimes défectueuses dans un des deux sens opposés, et à produire ainsi des parallaxes apparentes, sans qu'elles existent dans la réalité, ou à détruire les parallaxes effectives. Ce dernier cas me paraît avoir été celui de Bessel. Voulant éviter le danger de trouver des parallaxes trop fortes, il a involontairement taxé les fractions des passages de la 61o du Cygne, trop faibles à l'époque du maximum, et trop fortes à celle du minimum; tandis que pour les autres étoiles, où il n'y avait point de probabilité en faveur de l'existence d'une parallaxe, l'estime restait libre et juste. Je suis persuadé que

c'est la seule explication que l'on puisse donner du paradoxe indiqué, et je la regarde par conséquent comme la vraie; c'est qu'elle est basée pour moi sur une longue expérience. Lorsque la grande lunette parallactique de Fraunhofer fut arrivée à Dorpat, j'entrepris une série de comparaisons en ascension droite d'un certain nombre d'étoiles propres à la recherche de la parallaxe par l'éclat et le mouvement propre, avec des étoiles télescopiques voisines. Je parvins bien à éliminer la première source d'erreurs par le moyen indiqué des passages alternants. Je crus d'ailleurs pouvoir augmenter l'exactitude des comparaisons en employant tantôt une pendule à secondes entières, tantôt une pendule ou des chronomètres qui battaient différentes fractions de seconde, et qui étaient réglés, l'un sur le temps sidéral, l'autre sur le temps moyen. Mais tous ces moyens ne purent me persuader d'une estime parfaitement libre dans les passages de l'étoile dont je voulais trouver la parallaxe, et je résolus d'abandonner ces observations, sentant qu'à cause du champ large de l'estime, ces observations ne pouvaient décider sur les fractions de la seconde en arc.

<< Sans vouloir prétendre que l'explication que je viens de donner du paradoxe trouvé par Bessel, il y a trente ans, s'applique également à la parallaxe que M. Faye a donnée, je crois au moins avoir montré la possibilité de certaines erreurs constantes dans l'observation des différences en ascension droite.

«En fait de science, le but du travail, c'est la vérité. Je me félicite donc d'avoir eu l'occasion de discuter sur cette parallaxe, soit en particulier avec M. Faye, soit ici au sein de l'Académie; et j'ose espérer que cette discussion conduira finalement à la connaissance de la valeur réelle de la parallaxe. M. Faye est en possession d'une seconde série d'observations en [ascension droite ; il faudra attendre le résultat du calcul de cette série. M. Peters m'avait déjà annoncé, avant mon départ, qu'il désirait entreprendre une seconde série d'observations plus complète sur la parallaxe en déclinaison de l'étoile de Groombridge. Enfin, sur une proposition faite par M. Faye, j'engagerai M. O. Struve à exécuter à Poulkova, à l'aide de notre grand équatorial, des comparaisons micrométriques en déclinaison entre l'étoile de Groombridge, et celle qu'a employée M. Faye pour ses comparaisons en ascension droite. C'est ainsi que, dans le courant de tout au plus un an et demi, nous serons en possession de trois déterminations nouvelles de la parallaxe de notre étoile ; et il faut espérer que la vraie parallaxe en résultera. L'Académie me voudra bien permettre de lui communiquer les travaux futurs de Poulkova, relatifs à la parallaxe de l'étoile 1830' Groombridge, dès qu'ils seront achevés. >>

-Distribution de la substance amylacée dans la racine d'igname, par M. Payen. Avant de faire connaître les observations de M. Payen, nous rappellerons que l'igname ou yams est une plante (Dioscorea sativa ou bulbifera) qui est pour les habitants des régions tropicales de l'Amérique, et surtout de l'Afrique, ce que la pomme de terre est pour les populations européennes. Elle est assez voisine de la famille des smilax et des asperges, et se fait remarquer par sa racine tubéreuse, riche en fécule, qui est un excellent aliment, surtout quand on a eu soin de faire convenablement bouillir la racine. M. Payen a observé ici ce qu'il avait déjà vu sur d'autres plantes, que la fécule traverse les tissus de la racine sous forme de cônes très-allongés, dont le diamètre augmente depuis l'extrémité inférieure, la plus jeune, jusqu'au collet de la racine. L'examen, à l'aide du microscope, donna les résultats suivants :

<< Toutes les cellules qui touchent les vaisseaux et rayonnent autour d'eux sont remplies de grains de fécule globuliformes irréguliers, ne laissant pas distinguer leurs ouvertures ni leurs zones concentriques d'accroissement; offrant une juxtaposition particulière avec adhérence des grains, surtout des moins gros, an nombre de deux, trois, quatre et jusqu'à douze, bien qu'ils restent tous

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