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gypte, et le nome thébaïque, ont honoré, par cette inscription, Publius Ælius Aristide Théodore, pour ses vertus et son éloquence(1). Désormais, à ces monuments il faut ajouter, comme de nouveaux et incontestables titres de gloire, l'édition de toutes les œuvres d'Aristide, qu'a donnée à Leipzig, en 1829, un des plus célèbres critiques de l'Allemagne, M. Guill. Dindorf, et cette excellente traduction de la Leptinienne, que nous devons à l'habile et l'éloquent traducteur de Démosthène.

JULII POLLUCIS ONOMASTICON. Ex recensione IMM. BEK-
In-8° de 494 pages.
Berlin, 1846.

KERI.

On peut s'étonner assurément que l'excellente idée de Julius Pollux ait trouvé si peu d'imitateurs : il n'existe, en effet, qu'un très-petit nombre de dictionnaires ou de manuels exécutés sur le plan de son Onomasticon. Julius Pollux a classé les institutions, les sciences, les arts et les métiers dans un ordre convenable, et il a fait, de chacune de ces choses, l'objet d'un chapitre. Dans ce chapitre, Pollux fait le recensement de tous les termes qui sont propres à l'institution, à la science, à l'art, etc., dont il veut parler : il les classe, les explique ou les discute, lorsque cela est nécessaire, les adopte ou les rejette, d'après les documents qu'il cite, ou d'après l'usage généralement établi. Chaque section met le lecteur dans un centre d'idées où il trouve sur la guerre, le barreau, le théâtre, l'architecture, l'horticulture, etc., etc., tous les termes consacrés. Avec nos dictionnaires alphabétiques, comment réunir ces termes lorsqu'on en a besoin? C'est donc là un service incontestable que Pollux a rendu pour la langue grecque. Pour le latin, Gesner (si nous ne nous trompons) l'avait tenté; mais son livre a été oublié. Quant aux langues modernes, nous n'avons souvenir que d'un livre anglais fait sur ce plan, assurément très-utile. Quiconque connaît l'ouvrage de Pollux, regrette vivement qu'un semblable secours lui manque pour les autres langues.

(1) Ἡ πόλις τῶν Ἀλεξανδρέων καὶ Ἑρμούπολις ἡ μεγάλη καὶ ἡ βουλὴ ἡ Ἀντινοέων νέων Ἑλλήνων καὶ οἱ ἐν τῷ Δέλτα τῆς Αἰγύπτου καὶ οἱ τὸν Θηβαϊκὸν νόμον οἰκοῦντες Ἕλληνες ἐτίμησαν Πόπλιον Αίλιον Ἀριστείδην Θεόδωρον ἐπὶ ἀνδραγαθίᾳ καὶ λόγοις. Ce monument curieux nous fait connaitre le prénom romain d'Aristide, qui était Publius, et confirme le surnom de Théodore qu'Aristide s'était donné lui-même, se regardant comme un don que les dieux avaient fait à ses contemporains; il prouve aussi que M. Stiévenart a été un peu moins exact que de coutume (page 13), quand il donne Publius Théodore pour des surnoms d'Aristide.

L'illustre et infatigable helléniste M. Bekker vient de donner une nouvelle édition de l'Onomasticon. Les deux volumes in-folio de Hemsterhuys contiennent les notes de tous les critiques et commentateurs qui avaient, jusqu'à l'an 1702, travaillé sur Pollux mais Hemsterhuys avait commis la faute de laisser subsister le texte tel qu'il se trouvait dans l'édition de Seber (1608); une incroyable quantité de leçons, qui seules étaient les vraies, étaient enfouies dans les notes. L'édition de Leipsig (cinq volumes in-8°, 1824) est une répétition pure et simple de celle de 1702. Lorsqu'on voulait se servir d'un passage de Pollux, il fallait en établir le texte d'après les variantes contenues dans les notes de Seber, Kühn, Lederlin, et Hemsterhuys: aujourd'hui, grâce à M. Bekker, on peut lire et employer le texte de l'Onomasticon sans travail préalable. Indépendamment de son expérience et de son génie critiques, le célèbre philologue a eu le secours de deux manuscrits de Paris (le n° 2670 est excellent), et d'une nouvelle collation de celui de Jungermann, qui appartient à la bibliothèque de Heidelberg. On ne regrette qu'une seule chose : c'est que M. Bekker ait supprimé les titres et même l'indication numérique des chapitres. Quoique ces titres ne fussent pas de la main de Pollux, ils facilitaient beaucoup l'usage de son ouvrage; et quant à la suppression du chiffre des chapitres, elle rendra introuvables toutes les citations faites par les anciens savants, notamment par Henri Estienne.

SEXTUS AURELIUS VICTOR, traduction nouvelle, par M. DUBOIS, accompagnée du texte.

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Panckoucke, 1846; in-8° de 516 pages.

Paris, chez

Une réimpression, surtout une traduction de cet auteur était à désirer: on doit louer M. Panckoucke de l'avoir comprise dans sa Bibliothèque latine-française.

Les ouvrages placés sous le nom de cet écrivain sont en effet trèsloin de manquer d'importance. L'Origine du peuple romain, les Hommes illustres, les Césars, l'Abrégé de la vie des empereurs, renferment beaucoup de renseignements précieux, et ne sont pas même dénués d'un certain mérite de style. Seulement on regrettera que le traducteur ait passé trop légèrement sur une question qui devait au plus haut point le préoccuper, l'authenticité de ces différents morceaux historiques. Il est vrai qu'elle a été traitée avec soin dans un travail de M. Léon Feugère, donné en 1845 par le Journal général de l'ins

truction publique, et qui faisait partie d'une série d'études sur les historiens latins de la décadence; mais il eût été fort à propos que M. Dubois, dans sa notice sur Aurelius Victor, abordât ce curieux problème, pour accepter ou modifier les résultats qui avaient été présentés. Ce point de critique méritait, ce semble, toute son attention. Malheureusement il n'a consacré que très-peu de pages à sa notice.

Aurelius Victor a eu ses jours de faveur dans le xv1° siècle. Il a été fréquemment réimprimé à cette époque. Au XVIIe siècle, le savant évêque d'Avranches a fait sur lui un travail critique, dont madame Dacier, dans la préface de son édition de cet historien, regrette avec raison la perte. On voit par là qu'il était digne d'être apprécié avec plus d'étendue par son nouveau traducteur.

Il naquit sous Constantin, dans l'Afrique, pays qui donnait vers cette époque de grands docteurs à l'Église, des généraux habiles et même des chefs à l'Empire. Sorti de la lie du peuple, il mérita dans les camps, en reproduisant les vieilles vertus romaines, la haute fortune à laquelle il parvint. Ammien Marcellin, l'une de ces figures énergiques qu'il faut étudier dans la décadence de Rome, le signale comme digne de tout éloge par la sévérité et la pureté de sa vie (XXI, 10). Julien lui confia des postes considérables qui témoignaient assez de son estime; les successeurs de ce prince le maintinrent à la tête des armées ou des provinces; et, sous Théodose le Grand, il devint préfet de Rome.

Dans l'arrière-saison de la littérature latine, le règne de ce prince fut assurément une mémorable époque. Alors on voit briller à côté d'Ausone, d'Aviénus, de Claudien, derniers représentants du paganisme, saint Chrysostome, Grégoire de Nazianze, saint Ambroise, saint Augustin, qui prêtent au christianisme régénérateur l'appui de leur imagination brillante et de leur profonde doctrine. Alors aussi l'histoire, sous la plume d'Ammien, d'Eunape, d'Aurelius Victor luimême, reprend quelque chose de sa fécondité passée et de sa grandeur.

On ne peut s'empêcher en effet de reconnaître Aurelius pour auteur des Césars, où se montre, dans un style nerveux et coloré, l'énergie de l'homme d'action, qui se repose des travaux de la guerre en écrivant l'histoire, comme l'avaient fait auparavant Sylla, César et Corbulon. Il ajoute çà et là quelques traits aux admirables peintures que nous a laissées Tacite du caractère et du règne des premiers empereurs; après l'époque où s'arrête le dernier des grands historiens de l'antiquité, il nous est surtout d'un grand secours. Nous lui devons certains détails qui expriment admirablement l'excès d'un pouvoir effréné dans les princes, et d'une bas e servilité dans les sujets. On voit, par exemple, aux chapitres 11 et 17, que les mauvais empereurs avaient imaginé de substituer dans les fastes leurs noms à ceux des mois de l'année. Vainqueur de quelques peuplades germaines, Domitien voulut que désormais le mois de septembre fût appelé Germanique, le mois d'octobre, Domilien. Commode, bien digne de rivaliser avec Domitien,

donna, à son tour, au mois d'août son propre nom; au mois d'octobre, son surnom d'Hercule; mais c'était encore trop peu, il renchérit bientôt sur son prédécesseur. Dion nous a conservé le calendrier romain tel que l'avait fait rédiger la folie de ce prince, avec ses seuls noms ou surnoms, nous dit-il : Amazonius, Invictus, Felix, Pius, Lucius, Ælius, Aurelius, Commodus, Augustus, Herculeus, Romanus, Exuperatorius.

Pour les règnes d'Aurélien, de Probus, de Gallien, de Dioclétien, les Césars offrent de riches matériaux à qui veut aborder l'étude féconde de ces temps pleins de catastrophes, où le monde barbare aspirait à s'élever sur les ruines du monde romain. Mais c'est principalement lorsque, arrivé à l'époque dont il a été le contemporain, il nous parle de Constantin et de ses successeurs, qu'il a pour nous un intérêt plus puissant. Son latin, rude et pénible, s'anime et se colore; l'émotion personnelle éclate dans des souvenirs vivement reproduits, dans des caractères tracés avec vigueur.

Mais l'auteur des Césars est-il donc aussi celui des opuscules de l'origine, des Hommes illustres et de l'Abrégé? c'est ce qu'il semble impossible d'admettre. A l'égard de cette assertion, qui forme la conclusion des articles cités de M. Feugère, qu'il nous soit permis de renvoyer aux preuves nombreuses sur lesquelles ce critique l'a appuyée : il nous suffira d'insister, à cet égard, sur la différence des styles, qui est extrême.

En effet, si l'historien des empereurs a un caractère original, il n'en est nullement ainsi de l'auteur ou des auteurs qui ont exposé en peu de mots l'Origine de Rome, consacré aux grands hommes de cette ville des chapitres d'une brièveté extrême, composé enfin l'Abrégé d'une agrégation de fragments empruntés à Eutrope, aux maigres rédacteurs de l'Histoire Auguste, à Aurelius lui-même. C'est là ce que pense aussi M. Dubois; mais il ne nous dit pas assez pourquoi il le pense.

Quelque faible que soit au reste le mérite littéraire de ces derniers fragments, on sera sans doute surpris que jusqu'à nos jours deux d'entre eux fussent demeurés parmi nous sans traducteur. En effet, on ne saurait dénier, nous l'avons dit, une certaine valeur aux documents qu'ils renferment. Un de nos érudits les plus ingénieux, M. le Clerc, dans son mémoire sur les grandes Annales, a dit du traité sur l'Origine, « que, de tous les ouvrages latins, c'était celui qui nous offrait le plus de documents comme extraits des récits des pontifes: » cette seule observation ne montre-t-elle pas que, sous le rapport historique, il a droit à notre étude? Ce n'est probablement, il est vrai, qu'un faible débris d'une composition considérable. On a mis d'ailleurs en question l'antiquité même de ce fragment; sur ce point, on aurait souhaité aussi que M. Dubois se fût prononcé. Lachmann le reconnaît pour antique; mais M. Dubois ne nous dit pas s'il souscrit à cette opinion, qui nous semble à nous devoir être suivie. Quant à l'Abrégé, on y rencontre, avec quelques faits omis ailleurs, une exposition juste

et assez détaillée du règne de plusieurs princes, surtout d'Auguste et de Théodose. Le talent de peindre par peu de mots une situation ou un caractère s'y montre même parfois; on y trouve en général des esquisses fidèles qui donnent une idée nette des hommes et des choses. M. Dubois, en faisant passer dans notre langue ces deux morceaux auxquels on avait puisé souvent, mais que l'on n'avait pas encore mis en français, a donc entrepris un travail utile. S'il lui est échappé quelques erreurs, la difficulté de textes trop peu arrêtés malgré la révision de beaucoup de savants, surtout la qualité de premier traducteur, lui servent d'excuse. Dans le champ si exploité de la littérature ancienne, c'est à la fois un danger réel et une bonne fortune d'entrer dans une voie qui n'avait pas été frayée.

A l'égard des Hommes illustres de Rome et des Césars, si M. Dubois n'avait pas de modèles, il avait du moins des devanciers; mais l'abbé de Marolles et même M. Caillot lui avaient laissé beaucoup à faire. Un embarras que rencontrait d'abord le traducteur dans le premier de ces ouvrages, c'était l'extrême concision, ou, pour parler plus justement, la sécheresse du latin. Cependant ces notices n'ont pas laissé que d'être attribuées à Cornelius Nepos et à Pline le Jeune; mais l'un et l'autre ont été aisément défendus contre cette supposition. En tout cas, on reconnaîtra dans cette œuvre modeste des faits bien choisis, des aperçus judicieux, une instruction facile à recueillir. On sait combien cet abrégé a trouvé depuis d'imitateurs: on peut lui donner pour pendant celui que Boccace a composé sur les femmes illustres, qui commence à Ève et finit à Jeanne, reine de Sicile, en 1343.

Si la supériorité de la pensée est incontestable dans les Césars, le latin y est aussi beaucoup plus difficile à saisir : hérissé de néologismes, il est pénible, dur et étrange; de là de fréquentes obscurités. M. Dubois ne pouvait guère surmonter heureusement tous ces obstacles; mais il a su obtenir sur ses prédécesseurs un notable avantage. On lui accordera, en particulier, de justes éloges pour l'étendue et l'à-propos de ses notes, pour les recherches qu'elles attestent, et pour l'intérêt des rapprochements historiques et littéraires par lesquels il s'est efforcé d'éclairer partout le texte d'Aurelius.

Un dernier mot sur cet écrivain, que le traducteur a trop rapidement apprécié, ou plutôt sur les quatre ouvrages dont nous venons de parler. S'il paraît manifeste qu'il en est trois au moins qui lui ont été fausseinent attribués, comment expliquer l'opinion qui les a ainsi placés sous son nom? Parmi les hypothèses présentées, celle-ci semble la plus vraisemblable: c'est qu'Aurelius fut auteur d'un grand travail sur l'histoire romaine, et que le traité de l'Origine, les Hommes illustres et l'Abrégé n'ont été que des lambeaux détachés de sa composition primitive. Quel n'était pas alors le goût de ces morcellements, de ces réductions, pour ainsi dire, de tout monument trop étendu ou trop considérable pour être étudié et saisi dans son ensemble par les intelligences affaiblies? Lactance, après avoir écrit ses Institutions divines en sept livres, devenait lui-même, pour se faire lire dans une époque

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