Page images
PDF
EPUB

Au reste, l'appréciation du dernier écrit du docteur List ne saurait être séparée de celle de son Système national, et nous aurons peutêtre bientôt l'occasion d'y revenir. On annonce, comme devant paraître prochainement, une sixième édition allemande et une première traduction française de cet ouvrage, qui a partagé le sort de son auteur, aussi mal jugé de ses partisans que de ses adversaires. Il y a des hommes qui, malgré leurs travers, leurs préjugés, leurs erreurs, sont, au milieu d'un peuple, les précurseurs de grands événements; et ces hommes infatigables reçoivent rarement, pendant leur vie, la récompense de leurs travaux. Il n'y a pas huit mois, le docteur List était souvent représenté comme un homme dangereux, un démagogue, un chef de faction. Les gouvernements et les hommes qui l'ont persécuté, qui l'ont fait condamner criminellement, parlent d'ériger des monuments à sa mémoire; des journaux qui l'ont dénigré, calomnié, chantent ses louanges. Le nom de List retentit du sud au nord des contrées germaniques : « C'est, dit-on maintenant, le docteur List qui a principalement amené l'union allemande; sans lui, elle n'eût existé que plus tard; et encore que de vicissitudes il aurait fallu subir en attendant! » On ajoute parfois : « Sans la persévérance du docteur List, l'Allemagne ne serait pas en ce moment sillonnée, comme elle l'est, par de nombreux chemins de fer, et l'industrie germanique attendrait encore son réveil. » Qu'est-il done arrivé pour qu'il y ait, dans les jugements portés sur l'homme dont nous parlons, de si prodigieux changements? C'est qu'il y a huit mois, le docteur List respirait encore: aujourd'hui il a cessé de vivre; l'envie et la haine sont satisfaites. Extinctus amabitur....

COMMISSION ROYALE pour la publication des anciennes lois et ordonnances de la Belgique. Procès-verbaux des séances; 1er cahier de IV et 170 pages I in-8°. Bruxelles, imprimerie du Moniteur belge; 1847.

Une ordonnance royale, rendue à Bruxelles le 18 avril 1846, sur le rapport de M. d'Anethan, ministre de la justice, statue, 1o qu'il sera publié, aux frais de l'État, un recueil des dispositions qui ont régi les divers territoires dont se compose la Belgique actuelle, avant leur réunion à la république française; 2° que les travaux préparatoires de cette publication seront confiés à une commission. spéciale, dont les membres seront nommés par le roi.

Cette ordonnance a reçu une prompte exécution. Dès le 19 juin 1846, la commission se trouva définitivement constituée, et le mois suivant, 14 juillet, elle tint sa première séance.

Les procès-verbaux que nous avons sous les yeux attestent que MM. Leclercq, Raikem, de Cuyper, Jonghe, Delebecque, Delrée, de Saint-Genois, Gachard, Polain, Colinez et Grandgagnage, ont vu de prime abord ce qu'exigeait de dévouement à la science, et de zèle, la grande, difficile et très-honorable mission qui leur était confiée. Ils se sont mis à l'œuvre sans tarder, et ils ont déployé, dans leurs travaux préparatoires, une très-grande activité.

Les extraits suivants des procès-verbaux nous feront connaître le but que se propose le gouvernement belge, et en même temps la nature et le plan du recueil que la commission royale doit publier:

.... « Que devra comprendre le recueil?... La commission pense qu'on ne pourrait exclure les traités (conclus par les souverains, soit avec leurs sujets, soit avec des princes étrangers) d'un recueil des dispositions qui ont régi les divers territoires dont se compose la Belgique actuelle, sans y laisser une grande lacune; car les traités ne liaient pas seulement les gouvernements par qui ils étaient conclus, ils obligeaient encore le pays.

Quant aux coutumes qui réglaient les droits civils et politiques des citoyens, et qui, aujourd'hui encore, reçoivent une application assez fréquente, la commission en considère l'insertion dans le recueil qu'elle est chargée de pnblier, comme étant de la dernière importance. C'est dans nos anciennes coutumes qu'on apprend le mieux à connaître le mécanisme de nos vieilles institu

tions communales, et les principes de droit privé qui, durant plusieurs siècles, furent en vigueur dans les diverses parties de notre pays.

[ocr errors]

Enfin, à l'égard des ordonnances et règlements dont l'objet est d'intérêt purement local, la commission estime que les actes de cette espèce, en tant qu'ils sont émanés du pouvoir souverain, doivent faire partie d'un recueil destiné à reproduire, d'une manière aussi complète que possible, les monuments de l'ancienne législation de notre pays; et elle est d'autant plus portée à émettre cette opinion, qu'on ne saurait contester l'influence que certaines de nos villes exercèrent, à différentes époques de notre histoire, sur le reste du pays.

« La commission passe à la deuxième question: Le recueil devra-t-il être divisé en plusieurs parties distinctes, et comment?

« Elle décide qu'il sera divisé en deux parties, savoir : une pour les anciens Pays-Bas autrichiens, et une pour les pays de Liége et de Stavelot; que chaque partie aura trois divisions publiées séparément, dans l'ordre qui suit : Ordonnances, coutumes, traités.

« Sur la troisième question : Dans quel ordre les actes que comprendra chaque partie du recueil devront-ils être rangés? la commission se prononce pour l'ordre chronologique.

« La discussion amène l'examen du point de savoir à quelle époque on fera remonter le recueil.

<«< La commission, après avoir entendu plusieurs de ses membres, décide qu'il commencera à partir de l'époque où les diverses provinces du royaume ont eu leurs souverains particuliers.......

[ocr errors]

M. le président propose de discuter la question de savoir si la commission commencera ses travaux et ses publications par l'époque la plus reculée.......

La commission, après une ample discussion, décide que le Recueil des lois et ordonnances sera divisé en trois séries; que, pour la partie relative aux anciens Pays-Bas autrichiens, la première série ira jusqu'à l'avénement de Charles V; la deuxième, jusqu'à l'avénement de la branche allemande de la maison d'Autriche; la troisième, jusqu'à la réunion de la Belgique à la France: que, pour la partie concernant les pays de Liége et de Stavelot, la première série ira jusqu'à l'avénement d'Erard de la Marck; la deuxième, jusqu'au changement apporté à la constitution du pays de Liége, en 1684, par Maximilien-Henri de Bavière; et la troisième, jusqu'à la réunion desdits pays à la France.

«< Elle décide ensuite qu'elle s'occupera d'abord de la publication de la troisième série.....

[ocr errors]

Telles sont les résolutions prises, le 14 juillet, par la commission. Dans la séance du 9 février 1847, elle continue à organiser ses travaux :

« Elle décide qu'elle s'occupera immédiatement des travaux destinés à préparer la publication de la troisième série du recueil des ordonnances, tant pour les anciens Pays-Bas autrichiens que pour les pays de Liége et de Stavelot;

« Qu'afin de parvenir à former une collection aussi complète que possible, il sera d'abord dressé une table analytique et chronologique de toutes les ordonnances imprimées et manuscrites qui devront entrer dans les deux divisions de cette série;

« Que cette table commencera, pour les Pays-Bas autrichiens, à l'année 1701, sauf à régler plus tard l'ordre que devront occuper, dans la collection, les ordonnances émanées concurremment de Philippe V, de Charles III et de l'électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière, comme souverains des Pays-Bas;

Que, en ce qui concerne les pays de Liége et de Stavelot, elle aura pour point de départ l'année 1684;

« Qu'elle s'arrêtera, dans les deux divisions, à l'année 1794;

« Qu'après qu'elle aura été rédigée, copie en sera remise à chacun des membres de la commission, qui en fera l'objet d'un examen particulier;

« Que la commission se réunira ensuite pour entendre les observations que chaque membre aurait à présenter sur cette première rédaction, et l'arrêter définitivement;

« Que la table, ainsi révisée, sera livrée à l'impression, et adressée à tous les archivistes et bibliothécaires du royaume, ainsi qu'aux sociétés savantes, dont le concours sera réclamé pour combler les lacunes qui pourraient y exister;

« Enfin, que la confection de la table sera surveillée et dirigée, à Bruxelles et à Liége, respectivement, par les deux sections de la commission, telles qu'elles ont été composées en la séance du 14 juillet 1846. »

Le cahier auquel nous venons d'emprunter les extraits qui précèdent ne contient pas exclusivement, nonobstant son titre, le résumé des délibérations qui ont eu lieu au sein de la commission. Chaque procès-verbal est suivi d'annexes qui ont, suivant nous, une grande importance: ce sont des rapports faits et lus par différents membres qui avaient été chargés d'explorer les archives et bibliothèques de la Belgique.

On ne rencontre pas seulement dans ces rapports une énumération sèche et aride des documents qui sont destinés à prendre place dans le vaste recueil que prépare la commission, mais encore (notamment dans les communications de MM. de Cuyper, Delebecque et Gachard) un certain nombre de pièces, à notre sens, fort curieuses, dont les savants peuvent, dès à présent, faire leur profit.

Nous avons consacré un article dans notre Revue (novemb. 1846) au compte rendu des séances de la commission d'histoire de l'Académie royale de Bruxelles. Nous osons affirmer que les procèsverbaux publiés par la commission instituée pour la publication des anciennes lois et ordonnances de la Belgique ne sont pas moins dignes que ceux dont nous avons déjà parlé, d'attirer l'attention des hommes qui aiment les études sérieuses, ou qui se livrent à de grands travaux d'érudition.

LITTÉRATURE.

DES VARIATIONS DU LANGAGE FRANÇAIS, depuis le x11 siècle, ou Recherches des principes qui devraient régler l'orthographe et la prononciation, par F. GÉNIN, professeur à la faculté des lettres de Strasbourg. Un vol. in-8° de XI. et 553 pages. Chez Firmin Didot,

-

M. Génin vient de publier, à peu d'intervalle, deux ouvrages (1) considérables liés entre eux par une pensée commune, qu'on peut définir : La défense des libertés gallicanes en matière de langue. L'auteur a vu avec effroi, d'un côté, l'oubli de la tradition, et, de l'autre, la tyrannie des grammairiens de profession; ici l'anarchie, et là l'autorité tracassière et illégitime; des entraves sans motifs et des licences sans frein. De là une double polémique à l'encontre d'un double péril: péril d'indigence, grâce aux décrétales de la grammaire; péri! de fausse richesse, par l'outrecuidance des néologues. Aurons-nous une langue barbare, un pêle-mêle de mots fabriqués ou imposés, ou une langue étriquée, compassée, roidie par le pédantisme et le purisme, ce grand ennemi du naturel et de la vraie pureté ? M. Génin en a peur, et il vient bravement et résolument conjurer ces menaces. Quelle est sa recette, bien simple à notre avis, et, au sien, de vertueuse efficace ? C'est l'étude de la langue dans ses sources et dans son histoire ; étude féconde, qui permet aux habiles d'opposer à la frénésie des forgeurs de mots l'inépuisable richesse du vocabulaire de nos aïeux, et aux chicanes des philologues à brevet et en lunettes, l'irrécusable autorité des maîtres, c'est-à-dire, des grands écrivains.

Nous reconnaissons volontiers qu'il est bon de donner la chasse aux méchants écrivains et aux législateurs marrons; c'est une guerre sainte qu'il faut pousser vigoureusement, ne fût-ce qu'à titre de protestation et pour empêcher la prescription; mais nous

(1) Des Variations, etc.—Lexique comparé de la langue de Molière et des écrivains du XVIIe siècle. - Firmin Didot frères, 56, rue Jacob.

« PreviousContinue »