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Musée pédagogique

et

Bibliothèque centrale de l'Enseignement primaire

Revue pédagogique

Discours

prononcé par M. Liard

DIRECTEUR DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR,

à l'inauguration du monument élevé à la mémoire
d'Eugène Spuller au cimetière du Père-Lachaise
(12 juin 1901).

MESSIEURS,

Au nom du Ministre de l'Instruction publique absent, j'apporte à l'ancien Ministre de l'Instruction publique à la mémoire duquel est élevé ce monument, l'hommage fidèle de l'Université.

Deux fois, à quelques années d'intervalle, Eugène Spuller fut notre chef. Quand il le devint, nous l'attendions. Depuis longtemps déjà, son étude approfondie des questions d'enseignement, sa propagande ardente pour l'instruction populaire, ses conférences et ses écrits sur l'éducation de la démocratie, sa part virile dans la conquête des lois scolaires de la République, l'avaient fait Ministre désigné de l'Instruction publique.

L'Université de la République se réjouit de l'avoir à sa tête. Entre elle et ce républicain philosophe, nourri aux lettres classiques, épris de tout idéal, passionné pour toute grandeur, débordant de foi dans ses idées et d'éloquence pour les répandre, à la vie simple, laborieuse et désintéressée, au cœur courageux REVUE PÉDAGOGIQUE, 1901. 2o SEM.

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et tendre, à la conscience anxieuse de vérité, à l'âme laïque, il y avait des affinités profondes qui le prédestinaient à la conduire un jour. D'elle à lui, vite il y eut respect: car en lui promptement elle reconnut un bel exemplaire moderne, comparable à certains modèles antiques, des qualités et des vertus qu'elle aime et qu'elle fait profession d'enseigner à la jeunesse.

Il eut sa façon très personnelle d'entendre ce Ministère. Pour lui, ce n'était pas seulement un cabinet d'où l'on gouverne un corps de fonctionnaires. C'était une chaire, une chaire unique, la plus haute de tout l'enseignement national, d'où la parole porte par toute la France, à travers les facultés, les collèges et les écoles. Dans cette chaire il s'installa et il enseigna.

A chacun de ses Ministères, au second surtout, frappé déjà d'un mal mortel et comme s'il avait senti, avec un déclin de ses forces, une obligation plus impérieuse de libérer son âme, ce fut, six mois durant, une effusion continue de sa pensée. Il allait, l'œil fixé sur l'avenir, toujours rayonnant de foi et d'optimisme, exalté par son idéal républicain, disant à tous ce qui avait été la passion de sa vie, ce que symbolise si bien ce monument : la défense de la patrie, l'éducation de la démocratie, le livre et le drapeau.

Plusieurs fois j'ai eu l'honneur de l'accompagner dans ses voyages. On eût dit vraiment qu'il remplissait quelque fonction sacrée. Sa plus grande joie était de réunir, mêlés et confondus, des maîtres de tous les ordres, professeurs de faculté, professeurs de lycée, instituteurs de ville et de village, et de leur ouvrir son âme, cette âme de plébéien fidèle, nativement noble, ennoblie encore par la culture et la méditation.

Les émouvantes leçons, Messieurs, que celles de ce ministre instituteur aux instituteurs de France! Il fallait l'entendre, avec cette éloquence abondante et chaude qui était à la fois un cri du cœur et une pensée probe, se découvrant tout entière par le mouvement naturel de sa probité même, leur dire la discipline volontaire, indispensable à leur dignité et à l'efficacité de leurs propres leçons! Il fallait entendre aussi de quels accents, donnant de tout son être, il leur parlait de la démocratie et de leurs devoirs envers elle. L'avenir de la démocratie, c'est là ce qui l'obsédait. Il la voulait noblement inspirée, comme il l'était

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