Page images
PDF
EPUB

accès de fureur, se pendit. L'instituteur devait-il être blâmé. Après discussion on décida que non, parce qu'il avait été dans le cas de légitime défense.

A côté de l'enseignement de la pédagogie se placent les exercices pratiques. Ils ont lieu dans une école d'application de deux classes, qui fait partie des écoles normales. Les élèves-maîtres et maîtresses des deux classes supérieures y vont par groupes de trois. L'école d'application est commune aux élèves-maîtres et aux élèves-maîtresses, parce que, dans le canton de Vaud, les sexes ne sont pas séparés à l'école primaire élémentaire. En outre, une fois par semaine, dans une des classes de l'école d'application, un élève-maître ou une élève-maîtresse fait une classe aux enfants devant ses camarades. Le directeur y assiste, et cet exercice est suivi d'une conférence pédagogique où l'on discute la classe qui vient d'avoir eu lieu.

En France, il n'existe plus maintenant de préparation spéciale pour les institutrices des écoles maternelles. Toute élève qui sort de l'école normale peut être envoyée dans une école maternelle, et malheureusement trop souvent, à peine y est-elle, qu'elle demande à passer dans une école primaire élémentaire. Je ne discute pas ce système, qui a ses avantages comme ses inconvénients. A Lausanne, on a conservé la préparation spéciale, sous la forme d'une section fræbelienne. Les jeunes filles qui y entrent n'y restent que six mois, mais on trouve avec raison que ce temps est insuffisant et on compte le porter prochainement à un an. A la sortie, elles passent un examen qui ne leur permet d'enseigner que dans les écoles maternelles. Pendant leur temps d'études elles suivent des cours d'enseignement général, qui sont nécessairement fort modestes, et, d'autre part, participent aux exercices de l'école annexe fræbelienne. Ces exercices, auxquels j'ai assisté, sont très bien compris, simples, familiers, vivants. On se préoccupe exclusivement de faire appel à l'imagination, à l'invention des enfants, de les exercer à parler. Pendant une heure environ, une maîtresse leur a parlé de fleurs, d'oiseaux. Chaque enfant prenait un nom de fleur à son choix, parmi celles qu'il connaissait, la maîtresse faisait l'appel de ces fleurs, ou habituait les enfants à faire avec ces mots de petites phrases-récits. Ces phrases-récits étaient d'ailleurs combinés de façon à permettre

aux enfants de satisfaire leur besoin de mouvement ainsi ils devaient frapper des mains chaque fois que, en racontant une historiette, la maîtresse prononçait le mot oiseau.

Ces exercices sont d'ailleurs préparés dans des leçons pédagogiques faites aux élèves-maîtresses de la section fræbelienne. Dans une leçon que j'ai suivie, les élèves-maîtresses avaient eu à étudier une branche de cerisier en fleurs. Le professeur examinait avec elles comment il fallait s'y prendre pour faire servir cette branche à une leçon de choses, suivant quel ordre il fau drait faire trouver aux enfants les observations qu'ils auraient à présenter. La leçon était simple, méthodique et fort intéressante. Notons en outre que, dans cette école maternelle comme dans toutes les autres, on se contente de jeux, de récits, d'exercices de langage et de dessin libre, on n'aborde ni la lecture, ni l'écriture avant six ans. En France, il faut le reconnaître, la conception de l'école maternelle est trop souvent faussée par les préjugés des familles qui s'imaginent que, dès qu'un enfant vient à l'école, il perd son temps s'il n'apprend à lire et à écrire. Il en résulte que souvent, à six ans, un enfant sait lire et écrire, mais qu'il ne sait point parler, c'est-à-dire exprimer avec précision et correction ses petites observations et ses petites idées. C'est le point vers lequel il faut surtout diriger les efforts des maîtresses de nos écoles maternelles.

En résumé, les écoles normales du canton de Vaud se rapprochent des nôtres, et ces ressemblances s'expliquent par la communauté de langue et les affinités d'esprit. Je remarque en outre que les Manuels obligatoires sont souvent choisis parmi les ouvrages composés en France: pour l'histoire littéraire, Doumic; pour la grammaire, Larive et Fleury; pour l'algèbre, Vacquant; pour la cosmographie, Hément; pour l'histoire, Ammann et Coutant. Il en est de même des ouvrages recommandés aux élèves. Les programmes sont plus chargés, les heures de classe plus nombreuses. D'autre part, la différence est plus forte entre les programmes des élèves-maîtres et ceux des élèves-maîtresses. D'ailleurs en Suisse, d'une manière générale, la proportion des

instituteurs est plus forte que celle des institutrices. On ne place pas encore les uns et les autres sur un plan d'égalité et c'est ainsi que, dans les écoles primaires supérieures, même quand elles sont affectées exclusivement aux filles, le personnel enseignant ne compte que peu de femmes. Mais le recrutement subit une crise. On constate << une pénurie de maîtres et de maîtresses dont on se plaint d'année en année un peu dans toutes les régions de la Suisse ». On déplore aussi que, pour augmenter leurs ressources, ils s'adonnent trop souvent, en dépit des règlements, à des occupations fort étrangères à l'école, qu'on en trouve même qui, pendant les vacances, se livrent à l'exploitation du touriste et se fassent guides ou portiers d'hôtel'. Ce sont là toutefois des exceptions. Je n'ai pu que visiter très rapidement trois ou quatre écoles primaires du canton de Vaud je puis dire cependant que les instituteurs qui y enseignent donnent l'impression de maîtres sérieux, intelligents et dévoués.

1. Monographies pédagogiques, p. 232, 233.

C. BAYET.

L'Enseignement pédagogique

à l'Université de Lille.

Nous sommes heureux de pouvoir reproduire, avec l'autorisation des auteurs, deux des conférences pédagogiques faites à l'Université de Lille pendant l'année scolaire 1900-1901. Nous y joignons quelques renseignements dus à l'obligeance de M. Lefèvre, professeur à la Faculté des Lettres de Lille sur le but et le caractère de l'institution dont il est le dévoué promoteur. La Rédaction.

La Faculté des Lettres et le Conseil de l'Université de Lille ont autorisé, au cours de l'année scolaire 1900-1901, un essai dont les résultats ont été des plus encourageants.

Dans l'enseignement pédagogique proprement dit, les considérations psychologiques et morales dominent nécessairement. L'étude des méthodes propres à chaque discipline peut sans doute être faite, au point de vue de la philosophie ou du bon sens, par des esprits non spécialisés. Elle ne peut cependant que gagner en sûreté et en profondeur si elle est entreprise sous la direction des personnes les mieux renseignées et les plus compétentes. Mais les ressources abondantes qu'offre, à cet égard, une Université demeurent trop souvent sans emploi. Les maîtres s'y préoccupant avant tout du travail scientifique, où ils voient avec raison la chose essentielle, ne s'inquiètent pas toujours de la manière dont se communiqueront et se répandront les vérités qu'ils découvrent, ou s'ils s'en inquiètent, n'aperçoivent pas les moyens d'exercer une action régulatrice sur cette diffusion.

L'expérience tentée à Lille a eu justement pour objet de mettre en relations étroites le travail de production et le travail de l'enseignement à tous ses degrés, de provoquer une action et une réaction fécondes de l'un sur l'autre, d'établir enfin entre les

personnes vouées à ces diverses tâches un contact agréable et profitable aux unes comme aux autres.

Grâce à l'accueil favorable que ce projet a d'abord rencontré auprès des professeurs des diverses Facultés, grâce à des concours si nombreux que la vie de l'œuvre est déjà assurée pour plusieurs années, grâce à l'empressement que les maîtres des différents ordres d'enseignement, que les instituteurs et les institutrices surtout, ont mis à suivre les conférences organisées, le succès a dépassé les espérances, et le local le plus vaste pourtant que l'on pût offrir n'a pu contenir tous les auditeurs.

Pour répondre aux désirs d'un public dont une partie venait de loin, les leçons avaient lieu dans l'après-midi du jeudi '. Plusieurs des conférences ont été contradictoires et ont donné lieu aux échanges de vues les plus intéressants. Voici, au surplus, la liste des sujets et des professeurs qui les ont traités.

M. ARDAILLON, professeur de géographie à la Faculté des Lettres, a parlé des Méthodes d'enseignement de la géographie à l'École primaire.

M. BENOÎT, professeur d'histoire de l'Art à la Faculté des Lettres, a traité de l'Art à l'École.

M. CALMETTES, professeur à la Faculté de Médecine, directeur de l'Institut Pasteur, a fait une conférence sur l'Hygiène scolaire.

M. CHAMARD, professeur de littérature française à la Faculté des Lettres, a fait une leçon sur l'Explication française.

M. MALAQUIN, professeur à la Faculté des Sciences, a pris pour sujet : l'Idée de l'Evolution dans les sciences de la vie.

M. SAGNAC, professeur d'histoire à la Faculté des Lettres, a traité de l'Enseignement de l'Histoire à l'École primaire.

M. G. LEFÈVRE, professeur de science de l'éducation à la Faculté des Lettres, a parlé de l'Instituteur et l'Enseignement de la Morale.

Indépendamment des avantages intellectuels que tous ceux qui ont participé à ces conférences, orateurs et auditeurs, ont pu en retirer, de la stimulation de zèle qui en est certainement résultée, il faut compter aussi comme un bénéfice moral des plus précieux de cordiales relations nouées et un sentiment désormais plus vif de la solidarité universitaire.

G. L.

1. Nous devons tout particulièrement remercier l'Administration rectorale, MM. les inspecteurs d'Académie et les inspecteurs primaires de tout ce qui a été fait par eux pour assurer la plus large publicité.

« PreviousContinue »