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maternelle occupe beaucoup plus de place que chez nous. » II reconnaît d'ailleurs que la formation éthique ne manque point à nos enfants. «< Elle est représentée par l'enseignement moral qui, dans ces dix dernières années, a fait de grands progrès et s'est dégagé des incertitudes et des difficultés du début. A ce point de vue, l'Exposition était particulièrement intéressante: on y voyait exposés de nombreux cours faits par de simples instituteurs, et remarquables par le ton, la netteté, l'expression des sentiments. De l'âme de l'école se dégage une forte influence morale sur les écoliers. » Il note, en la louant, la confiance des instituteurs dans la bonté de leur œuvre, la certitude qu'ils ont de contribuer à la prospérité et à l'éclat de la patrie, et, en retour, de voir leur travail et leurs efforts appréciés comme ils le méritent. Ce qui le frappe plus encore c'est « l'esprit de solidarité sociale qui anime toute la nation française en dépit des divisions politiques et religieuses », et qui s'accuse dès l'école.

Il lui semble encore qu'on ne saurait assez mettre en lumière <«<le soin extraordinaire qn'on prend en France des écoles maternelles ». Il signale leur nombre. « On pouvait voir à l'Exposition comment sont organisées ces écoles; il faut avoir observé le ravissement des enfants qu'on menait dans cette salle pour comprendre quel rôle l'école maternelle peut jouer dans la vie française. Ici se montrait l'ingéniosité et le goût des institutrices françaises, dans les objets et les jeux exposés au mur et faits d'un rien par des mains d'artistes. >>

Il passe ensuite à l'école primaire élémentaire « l'orgueil de la France et qui se présentait à l'Exposition d'une manière imposante ». Il indique l'importance des constructions scolaires, même dans les villages et les hameaux, le contraste saisissant entre les photographies des anciennes et des nouvelles écoles. « La classe modèle était très visitée... elle était disposée de main de maître, on eût cru que la classe allait commencer à l'instant; au tableau noir figuraient encore les résumés des dernières leçons de morale, de calcul et d'histoire. » Il note la préoccupation de décorer les écoles avec des images artistiques, d'y placer les portraits du Président de la République, de Pasteur, la Déclaration des droits de l'homme. D'une façon générale, dans l'école française, on s'efforce beaucoup plus qu'en Allemagne de parler aux yeux.

« C'était un plaisir de se promener dans les salles consacrées à l'école primaire élémentaire. Il y avait là une manifestation du caractère national, mais avec des idées ingénieuses et variées selon les pays. On voit que les instituteurs aussi bien que les

autorités scolaires luttent contre les modèles de convention. On laisse beaucoup de liberté à l'initiative des instituteurs, on leur demande de toutes façons un travail individuel. Aussi l'exposition était fort riche en travaux de maîtres; on voit que souvent l'instituteur français est, dans la commune, le centre intellectuel, social, bienfaisant... Bien des documents attestent l'action utile des instituteurs et aussi des institutrices. Il y a des instituteurs qui, dans les villages, organisent de petits champs d'expériences, combattent les préjugés routiniers des paysans, créent des sociétés protectrices des animaux, combattent l'alcoolisme, fondent des caisses d'épargne ou des associations d'assistance. L'importance de l'instituteur s'accuse encore avec éclat par le développement des cours d'adultes et des conférences. »

Les écoles primaires supérieures sont aussi, aux yeux de l'auteur, un des côtés brillants de notre exposition. Il cite les envois de Toulon, Clermont-Ferrand, Angoulême. Dans les écoles normales il loue les efforts qu'on fait pour développer la personnalité des élèves et réagir contre un enseignement trop dogmatique. « De nombreux cahiers montraient même leurs réflexions sur des lectures personnelles. »>

Enfin l'importance des œuvres auxiliaires de l'école, le rôle joué par Édouard Petit, par la Ligue de l'Enseignement, sont

bien mis en lumière.

« Nous avons fait remarquer plus haut (en insistant sur ce point ainsi que nous l'avions déjà fait dans des articles antérieurs) combien, en France, s'est développé le souci des soins à donner aux enfants du peuple après leur sortie de l'école. C'est principalement à Édouard Petit que revient l'honneur d'avoir montré qu'il est du plus grand intérêt, pour la société et pour l'État, de ne pas laisser les jeunes gens sans occupation intellectuelle et sans direction pendant le temps qui s'écoule entre la sortie de l'école et l'entrée dans la vie. Le livre de Petit De l'École au Régiment, que nous avons analysé en son temps, a rencontré partout l'accueil le plus sympathique : le Gouvernement, les sociétés REVUE PÉDAGOGIQUE, 1901. 2 SEM.

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particulières, les communes, les parents, les jeunes gens euxmêmes auxquels on s'adressait ont obéi avec enthousiasme au mot d'ordre donné. Le résultat a été ces « Cours d'adultes » qui fonctionnent aujourd'hui dans toute la France, jusque dans les plus petits villages. Les programmes, les méthodes sont extrê– mement variables d'après le tempérament de la région, l'esprit d'invention et l'initiative des maîtres qui se placent chacun à son point de vue propre. Dans les grands centres, là où les auditeurs se connaissent peu, où la lutte pour la vie est plus âpre, fonctionnent des cours surtout pratiques, toujours accompagnés de récréations convenables et qui ressemblent à l'institution allemande des associations d'instruction ouvrière. Dans les petites villes et dans les campagnes, le programme des cours d'adultes est mis le plus possible en harmonie avec les besoins locaux. C'est là que les leçons des maîtres ont une action extrêmement utile. Les matériaux n'appartiennent que très rarement au professeur ils lui sont fournis par des institutions centrales. L'une est le Musée Pédagogique, rue Gay-Lussac, dont nous avons dejà entretenu spécialement nos lecteurs, l'autre est la Ligue de l'Enseignement qui a figuré avec honneur à l'Exposition. Ces deux institutions envoient gratuitement aux maîtres, dans les départements, des appareils à projections et des photographies. L'instruction donnée par des conférences se propage ainsi dans les localités les plus éloignées. L'œuvre a non seulement pour résultat de développer l'instruction et le sentiment de l'émulation, mais aussi de permettre de mener une campagne vigoureuse contre les distractions moins morales par lesquelles les jeunes gens se laissaient séduire jusqu'à présent si facilement. En dépit de toutes les tentatives de décentralisation faites chez nous jusqu'à ce jour nous ne pouvons à ce point de vue que porter envie à la France. Systématiquement cultivée dans toute la France, l'idée de la solidarité des enfants du peuple a servi de fondement aux cours d'adultes. Nous renvoyons ceux de nos lecteurs qui s'intéresseraient aux formes si variées de cette institution au livre La classe du soir à l'Exposition Paris, 1900, Hachette et Cie). Ces éloges et encore je les ai fort résumés si libéralement accordés à l'exposition primaire par des étrangers qui n'avaient aucun intérêt à la juger si favorablement doivent être

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connus de nos maîtres. Ils y trouveront la preuve que, au delà de nos frontières, chez des peuples qui se croyaient volontiers en possession d'une sorte d'hégémonie scolaire, on sait apprécier leurs efforts et les résultats qui sont obtenus. Ce ne doit pas être une raison pour nous endormir sur ces lauriers d'exposition. Nous avons réalisé bien des progrès et nous sommes heureux qu'on le reconnaisse. Soit, mais nous avons encore bien des progrès à réaliser. Remettons-nous courageusement au travail.

B.

L'Exposition de l'enfance.

C'est une vérité banale que le XIXe siècle a montré, à un plus haut degré qu'aucun de ses devanciers, l'amour et le souci de l'enfance. Aussi, dans la grande exhibition par laquelle il s'est achevé, tout ce qui touchait à l'enfant eut sa place ménagée. Sans parler des sections de l'Éducation et Enseignement, de l'Hygiène et Assistance publique, l'image et le souvenir de l'enfance furent évoqués dans plusieurs autres classes.

Mais tous ces éléments étaient dispersés; les rapprocher, les grouper, en faire un ensemble qu'on rendrait plus riche, s'il se pouvait, former en outre une collection d'œuvres d'art consacrées à l'iconographie enfantine, créer enfin une sorte de Musée exclusivement réservé à l'enfance, n'y avait-il pas là une idée propre à séduire ! N'était-il pas évident aussi que de longtemps on ne retrouverait plus occasion si favorable pour tenter l'entreprise?

M. Rollet, qui est un homme d'œuvres et un homme d'action, n'a pas voulu laisser passer l'heure : alors qu'il ne pouvait compter que sur lui-même, il s'est résolument fait le promoteur de cette exposition d'un genre nouveau; puis, avec une parfaite lucidité, il en a arrêté les grandes lignes; enfin, avec une énergie infatigable, il a cherché et trouvé les concours qui pouvaient l'aider à exécuter son dessein.

Le but même qu'il donnait à son œuvre était déjà pour elle la meilleure des recommandations. Ce but est en effet exclusivement charitable, et les bénéfices, s'il y en a (et il y en aura), seront entièrement attribués à des œuvres protectrices de l'enfance : Assistance publique de Paris; œuvres protectrices de l'Enfance de la ville de Paris; Ligue fraternelle des enfants de France, Patronage de l'enfance et de l'adolescence, etc.

Dans ces conditions, M. Rollet n'eut qu'à solliciter les plus

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