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Jurisprudence.

De la fermeture des écoles privées

en vertu de l'article 40 de la loi du 30 octobre 1886.

Aux termes de l'article 40 de la loi du 30 octobre 1886, « qui«< conque aura ouvert ou dirigé une école sans remplir les condi«tions prescrites par les articles 4, 7 et 8, ou sans avoir fait les « déclarations exigées par les articles 37 et 38, ou avant l'expi«ration du délai spécifié à l'article 38, dernier paragraphe, ou << enfin en contravention avec les prescriptions de l'article 36, « sera poursuivi devant le tribunal correctionnel du lieu de délit « et condamné à une amende. L'École sera fermée..... »

La fermeture de l'établissement dont le directeur est condamné à la prison ou à l'amende en vertu de l'article 40 doit-elle être considérée comme une pénalité que le tribunal est libre de ne pas prononcer, par application de l'article 463 du Code pénal sur les circonstances atténuantes?

Par deux arrêts en date des 30 et 31 mars 1901, la Cour de Cassation s'est prononcée sur la question. La haute assemblée a décidé que la fermeture de l'école n'est pas une pénalité, mais qu'elle constitue bien plutôt une mesure d'intérêt général et d'ordre public. Il s'ensuit que dans tous les cas où la loi l'ordonne, les tribunaux sont tenus de la prononcer, cette mesure ne rentrant pas dans les prévisions de l'article 463, applicable aux peines proprement dites, telles que l'amende ou la prison. Toutefois, pour déterminer les cas où la fermeture de l'établissement est rendue obligatoire par la loi, la Cour de Cassation a établi la distinction suivante si l'infraction réprimée par l'article 40 persiste au moment où le jugement est rendu, la fermeture de l'école est nécessaire dans l'intérêt de l'ordre public.

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Si, au contraire, au moment où intervient la décision judicaire, la situation a été régularisée, l'infraction ayant cessé, la fermeture ne s'impose pas, l'ordre public n'y étant plus intéressé.

Tels sont les principes qui se dégagent des deux arrêts précités dont nous reproduisons ci-dessous les principaux considérants :

Arrét du 30 mars 1901.

<«< Attendu que si, après avoir édicté des peines d'amende et même d'emprisonnement au cas de récidive en répression des infractions qui y sont visées, l'article 40 de la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire dispose pour le cas de condamnation, que « l'école sera fermée » cette dernière disposition présente essentiellement les caractères d'une mesure d'intérêt général et d'ordre public;

« Qu'à ce titre, elle ne peut légalement recevoir son application en dehors des cas où elle a pour but et doit avoir pour résultat, au moment où elle est ordonnée, de mettre fin à un état de fait contraire à la loi;

« Qu'au même titre, elle doit nécessairement recevoir son application, nonobstant celle de l'article 463 du Code pénal, aux peines d'amende et d'emprisonnement prévus par l'article 40 susvisé, lorsque l'état de fait qui motive la condamnation persiste au moment où celle-ci est prononcée........... »

Arrêt du 31 mars 1901.

« Attendu qu'il résulte du texte de l'article 40 qui dit que l'école sera fermée », et de l'économie générale de la loi que cette mesure n'est point simplement facultative, mais qu'elle a un caractère obligatoire, sauf dans les cas où les faits contraventionnels ne subsistent plus au moment où la décision est rendue.

« Attendu, en effet, que cette disposition constitue seulement une mesure d'intérêt général et d'ordre public, que si l'article 40 sus-visé dispose in fine que l'article 463 pourra être appliqué, cette prescription qui permet de modérer les peines de prison et d'amende qu'édicte ledit article 40, reste sans applications à la disposition relative à la fermeture de l'école, laquelle ne rentre pas dans les prévisions de l'article 463... »

La question se pose également de savoir si c'est aux tribunaux

ou à l'autorité administrative qu'il appartient d'ordonner la fermeture de l'école.

Dans son arrêt du 31 mars, la Cour de Cassation a jugé que c'était aux tribunaux correctionnels qu'il appartenait d'édicter

cette mesure :

Attendu, dit l'arrêt précipité, qu'il résulte de la discussion de l'article 40 de la loi du 30 octobre 1886 et du rapprochement de cet article avec l'article 421 de la même loi, que les tribunaux correctionnels ont compétence pour statuer sur la fermeture de l'école... »

Champs d'expériences agricoles annexés aux écoles primaires. Expropriation pour cause d'utilité publique.

Il est admis que la déclaration d'expropriation pour cause d'utilité publique ne peut être prononcée que dans l'intérêt d'un service public et non dans l'intérêt particulier d'un fonctionnaire. Que faut-il décider pour l'acquisition d'immeubles à affecter aux jardins d'écoles?

Conformément au principe que nous avons rappelé, une distinction s'impose, suivant que le jardin doit servir «< aux démonstrations pratiques qui complètent et éclairent les leçons théoriques du maître » ou qu'il est destiné à l'usage personnel de l'instituteur.

C'est seulement dans le premier cas qu'il peut donner lieu à une expropriation pour cause d'utilité publique (Projet de décret du 7 mai 1895, commune de Pont-de-Beauvoisin; Notes de jurisprudence, 1889, page 212).

En portant cette jurisprudence à la connaissance des administrations municipales, la circulaire ministérielle du 6 mars 1901 (Bull. Admin. Minist. Inst. Publ. 1er sem., page 195), a pris soin d'ajouter que, si les communes ne peuvent user de l'expropriation publique, lorsqu'il s'agit du jardin personnel de l'instituteur, elles ont néanmoins la possibilité, lorsqu'elles le désirent, de consacrer un terrain à cet usage, à condition d'en faire l'acquisition à l'amiable. L. G.

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1. L. 30 oct. 1886, art. 42, § 4. « Si le refus a donné lieu à deux condamnations dans l'année, la fermeture de l'établissement sera ordonnée par le jugement qui prononcera la seconde condamnation. »

Bibliographie.

Classiques et Modernes, par Ch.-M. COUYBA, député. — Ernest Flammarion, éditeur.

:

Il y a dans l'histoire de la civilisation et des idées des querelles qui ne veulent pas finir. Telle est la querelle fameuse des anciens et des modernes. Elle a pris une forme nouvelle : la voilà entrée depuis des années dans sa phase pédagogique. Aussi M. Couyba, député, rapporteur de la commission parlementaire de l'enseignement secon daire, intitule-t-il fort à propos son livre récent sur la réforme des études secondaires : « Classiques et modernes ». La conception de l'éducation préparatoire aux fonctions sociales qui ont un caractère d'intellectualité ou de direction est en pleine crise modernes et classiques, non sans un antagonisme fort vif, travaillent les uns à la régénérer dans un esprit de conservation, les autres à la renouveler hardiment en rompant avec le traditionnalisme gréco-latin. Tout naturellement s'est constituée entre ces extrêmes l'opinion moyenne et conciliatrice. Des vues nouvelles se sont fait jour le dessein de diversifier en modes multiples la culture secondaire, limitée encore au dualisme du classique et du moderne, a été conçu, étudié et exposé. Les convocations de la commission d'enquête de la Chambre des députés ont donné lieu à des centaines de consultations et d'exposés de thèses. Une abondante littérature est née de ce débat : volumes, brochures, articles; et les bibliothèques administratives se sont enrichies d'une série de grands volumes in-quarto, enquête immense dont le détail est souvent très attachant, mais dont l'ensemble a vraiment quelque chose de décourageant. Le public en avait-il profité? M. Couyba a bien fait d'en douter, car nous devons son livre à ce doute le maniable volume in-douze auquel se limite de plus en plus la force d'attention du public qui lit nous présente, grâce à M. Couyba,

un résumé des débats et les conclusions de la commission. Mais ce

livre est bien autre chose qu'un procès-verbal sommaire : il est personnel et alerte; l'auteur a une pédagogie décidée, un peu cavalière, de lecture attrayante et facile.

Les partisans déterminés de l'éducation gréco-latine ne liront pas sans quelques mouvements d'humeur le travail de M. Couyba : il

semble n'avoir pas négligé de mettre en valeur et de ranger en bon ordre de combat les opinions anticlassiques. Le sentiment exprimé par des hommes de la culture et de l'autorité de MM. Bérard, F. Brunot, Gaston Paris-école des Hautes-Études, Sorbonne, Collège de France et par bien d'autres est énergiquement défavorable à l'extension actuelle de l'enseignement classique. M. Couyba a raison de ranger ces témoins de l'enquête parmi les modernes. Mais peut-être MM. Gaston Paris, Brunot, Bérard, Jaurès et quelques autres seraientils un peu surpris de voir leur opinion tenue pour une condamnation à mort pure et simple de l'enseignement classique (p. 97, note). Le député rapporteur me paraît même, en particulier, ne pas avoir tenu compte d'un sentiment que M. Jaurès exprimait non sans ironie peutêtre l'orateur socialiste a assez clairement dit à la commission qu'il était après tout sans conséquence fâcheuse que la classe bourgeoise renoncât pour ses enfants à la forte et laborieuse culture qui a formé autrefois ses plus vigoureux esprits. Il y a bien de la nuance dans ces dépositions elles se défendent contre un classement trop net. On peut penser aussi que M. Couyba a réduit à la portion congrue les citations et opinions des fidèles de l'enseignement classique. Mais il n'en reste pas moins que la valeur individuelle et le nombre des opinions anticlassiques pèsent lourdement dans l'enquête.

Il est intéressant d'observer combien, à propos de la réforme secondaire, il a été parlé de l'enseignement primaire il faut bien en effet, si l'on a souci de l'harmonie et de la portée démocratique de l'éducation publique, que l'on pense à l'école quand on s'occupe du lycée. Soit dans la critique de la forme actuelle des études secondaires, soit dans la recherche des réformes et amendements, l'école a souvent servi de point de comparaison. On a pensé à l'enseignement primaire supérieur toutes les fois qu'il s'est agi de créer ce type d'éducation secondaire abrégée dont la nécessité a été si souvent déclarée devant la commission et démontrée par M. Couyba. Mais on voudrait éviter de rendre à cette restauration de l'enseignement spécial son ancien nom; après l'avoir baptisé « enseignement secondaire moyen >> M. Chailley-Bert, cité par M. Couyba, appelle franchement et simplement ce cycle abrégé d'études un enseignement primaire supérieur. Il ne serait logé au collège que pour permettre à certaines familles d'apporter une rétribution en échange d'un enseignement ailleurs gratuit. A propos de la comparaison des résultats obtenus par l'enseignement classique et l'enseignement moderne, M. Couyba et les personnalités dont il rapporte les dépositions rendent un témoignage bon à retenir en faveur de l'école primaire. Les petits classiques, remarque M. Foncin, sont plus sceptiques que les modernes, et de bonne heure. Les petits modernes conservent plus longtemps leur foi en leurs maîtres, ils se prennent davantage au sérieux. L'origine des élèves expliquerait cette différence plus que la nature des études : or, cette origine, « c'est l'école primaire, animée d'une foi vive qui

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