Page images
PDF
EPUB

Former la jeunesse en l'animant de l'esprit moderne et de souffle républicain, c'est faire de la politique; c'est préparer la meilleure politique de demain.

L'activité de nos maîtres trouvera là sa pleine satisfaction.

Pas de tous nos maîtres pourtant, puisqu'il en est un certain nombre qui, cédant à leur ardeur généreuse et croyant servir utilement le pays, se précipitent dans la politique de lutte et d'action. Ceux-là perdent de vue, pour un service douteux à rendre à un parti ou à une cause, le bien certain qu'ils pouvaient faire.

Éducateurs de peu de foi, n'auraient-ils pas compris la majesté

de leur rôle?

Du haut de sa chaire magistrale, d'où la voix qui tombe est si clairement entendue, le maître enseigne les principes de la société et les vertus qui en sont comme l'émanation et le fruit.

Il remonte le grand fleuve de l'histoire. Il nomme Athènes, Rome et Carthage. Il communique autour de lui les hautes émotions morales qui se dégagent de la tragédie humaine.

Sa voix s'échauffe et s'émeut. Il parle de la France, de son action émancipatrice, de ses gloires, de ses revers. Tout ce qu'il dit maintenant se rattache à une idée très grande mais encore mystérieuse et confuse.

Il explique la noblesse du devoir civique et du devoir militaire; l'union nécessaire qui lie tous les enfants dans la nation armée.

L'idéal de solidarité et de sacrifice vaguement entrevu se précise, s'éclaire d'une clarté soudaine; l'auditoire frémissant a reçu la révélation du sentiment national.

Le maître n'est pas au bout de sa tâche. Après avoir fait battre les cœurs, il les élargit; il les enflamme pour le Beau, pour la Liberté et le Droit. Il les ouvre à l'humaine pitié.

Son œuvre est parfaite. Dans l'enfant il a ébauché l'homme libre!

Quelle ambition plus haute pouvait-il concevoir?

Le pays et la République ne lui demandent rien de plus.

Qu'il nous abandonne à la violence des polémiques et à la fureur des partis! Qu'il nous laisse aux prises avec Cléon sur la place publique.

Dans ces disputes il perdrait en autorité ce qu'il gagnerait en popularité éphémère. Qu'il demeure dans les régions calmes et sereines où sa mission l'élève et où l'affection et le respect le défendent comme un bouclier contre l'injustice!

Nous ne prétendons asservir les membres de l'Université à aucune opinion, à aucune doctrine. Leur indépendance est la condition de leur dignité. Leur liberté de penser et leur liberté politique n'ont qu'une limite, mais infranchissable : la conscience de l'enfant, qui ne doit jamais être troublée, et l'intérêt de l'Université, qui ne fait qu'un avec l'intérêt supérieur de la nation.

Mes chers amis,

Ayez confiance. L'Université vous conduit dans les bonnes voies.

Bercée au son de la lyre grecque et de la flûte latine, imprégnée de l'âme des poètes et des philosophes, elle a cueilli la fleur de la sagesse antique et perpétué parmi nous les plus nobles traditions de l'esprit humain.

Elle a vécu notre histoire.

Au moyen âge, quand la pensée semble étouffée sous une chape de fer, debout sur la montagne elle parle vérité et raison. Quand tout ce qui fit la grandeur des temps féodaux, Église, Communes, Chevalerie, chancelle et décline, elle grandit et

rayonne.

A la Renaissance, quand un sang nouveau et une flamme d'amour courent dans les veines du monde, elle, déjà si vénérable, se pare de jeunesse et de grâce.

Elle coordonne et éclaire nos lois. Elle jette les fondements de notre droit public.

Elle est la source où se retrempent nos énergies. Elle allie le sentiment des sociétés modernes et le sentiment scientifique le plus pur aux traditions esthétiques de notre race qui entreront toujours pour une si large part dans la civilisation de demain et dans l'éternel idéal.

Elle est le lien vivant entre le passé et l'avenir.

Seule, elle peut à la fois faire aimer ce qui fut la vieille France et former des hommes au droit fil du temps.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Bosnie-Herzégovine.

Tout le monde a encore présent aux yeux, dans la rue des Nations, le pavillon si original de la Bosnie-Herzégovine. Construit dans le style des anciens manoirs bosniaques, avec ses toits variés, ses loggias et ses balcons, ses portiques mauresques, il synthétisait, dans son ensemble, l'état des partis politiques qui agitent ce pays. Comme la Hongrie, comme la Finlande, la Bosnie-Herzégovine a tenu à marquer son individualité par une exposition spéciale. C'est par les documents réunis sous la direction de M. Ljuböje Dlustus, secrétaire du Gouvernement, que les visiteurs ont pu se rendre compte de l'état exact de l'instruction publique dans cette nouvelle dépendance de l'AutricheHongrie. Ce sont eux qui vont nous fournir les éléments de cette étude.

Historique. - Avant d'examiner l'exposition elle-même, il est utile de faire un résumé succinct de l'histoire des deux provinces; ce résumé permettra de suivre plus facilement le tableau de l'enseignement, de se rendre mieux compte des difficultés à vaincre et des résultats obtenus.

La Bosnie-Herzégovine est le pays situé à l'extrémité nordouest de la péninsule des Balkans. Habité tout d'abord par les Illyriens, peuple primitif, il fut conquis par les Romains au 1° siècle de l'ère chrétienne et annexé à la province de Dalmatie. Placé pour ainsi dire au carrefour de l'Orient et de l'Occident,

il servit de passage aux divers peuples barbares, lors de la grande migration du ve siècle, et fut tour à tour envahi par les Celtes, les Goths, les Avares, etc. Enfin au vire siècle, il fut occupé par les tribus slaves, qui s'y établirent définitivement. Le christianisme n'y fit son apparition qu'au 1x siècle. Vers le commencement du x1° siècle, la Bosnie et l'Herzégovine furent soumises au protectorat de Byzance. Le schisme produit au sein de l'Église chrétienne divisa la population bosniaque en deux camps religieux. Une partie de la population resta attachée à l'Église romaine, l'autre s'unit à l'Église orientale. En même temps surgit dans ces parages une secte manichéenne, appelée les Bogomiles, dont les principes ressemblaient à ceux des Albigeois, et qui s'attaqua à l'ordre social et public, tel qu'il existait alors. La guerre engagée par le pouvoir spirituel et temporel contre les Bogomiles eut pour résultat d'engendrer entre partis une lutte dont l'acharnement dépassa souvent les dernières limites. Placée quelque temps sous la suzeraineté de la Hongrie, la Bosnie essaya bien de se constituer en nation, mais l'invasion des Osmanlis, au xive siècle, la fit tomber sous le joug des sultans. C'est à ce moment qu'une partie de la noblesse chrétienne, et surtout les sectateurs du bogomilisme, abjurèrent leur religion pour embrasser le mahométisme. Cette conversion était intéressée; les magnats bosniaques voulaient, en effet conserver leurs privilèges et rester propriétaires du sol. Par ce fait, ils devinrent dominants dans le pays. Ce sont eux qui, jusqu'à l'époque contemporaine, ont constitué la caste des « begs » qui opprima si cruellement le petit peuple. Les chrétiens restèrent, au point de vue du droit privé, dans une situation tout à fait inférieure à celle des musulmans. Il se sentirent dépourvus de toute protection légale, aussi tournèrent-ils leur activité morale vers la conservation de leur religion. Cette prédominance du sentiment religieux a fait que la séparation entre les deux confessions chrétiennes, divisées par les différences de dogme, s'est étendue aussi dans leurs rapports sociaux. Voilà comment trois groupes confessionnels, hostilement disposés l'un pour l'autre, furent destinés à vivre côte à côte. Cet état politique suscita de nombreuses révoltes envenimées par les haines religieuses et que la Porte fut impuissante à réprimer. Aussi, à la suite de la dernière insurrection

de 1875, la Conférence de Berlin confia à l'Autriche-Hongrie le soin de pacifier et de gouverner ce malheureux pays (1878). La conquête dura quatre ans (1878-1882). Depuis cette époque, la Bosnie-Herzégovine fut ouverte à la civilisation. M. de Kallay, gouverneur général du pays, travailla sans relâche à la guérir de ses maux et réussit pleinement dans son œuvre d'apaisement.

La surface du territoire est de 51 027 kilomètres carrés. Elle donne asile à une population de 1 500 000 indigènes qui, au point de vue religieux, nous venons de le dire, se classent en musulmans, orthodoxes et catholiques. Ces cultes sont entremêlés jusque dans les plus petits villages; aussi les divisions religieuses sont ardentes et profondes, si bien que les sectateurs ont fini par se persuader qu'ils sont de races différentes. Cependant, à l'exception de quelques « Spanioles »>, Spanioles », juifs expulsés d'Espagne, et d'un petit nombre d'Ottomans, toute la population est slave. En effet, alors que les confessions religieuses cherchent à dissimuler l'unique origine de la race, la linguistique et l'ethnographie sont d'accord pour constater l'unité de langue comme l'unité ethnique. Malgré cela les catholiques continuent à s'appeler « Croates », les orthodoxes sont des « Serbes » et les mahométans des « Turcs », bien que ces derniers surtout soient d'anciens bosniaques chrétiens convertis.

Leur langue commune, le seul lien qui les unisse, est le serbocroate, qui est une langue slave, non seulement parlée en Bosnie et en Herzégovine, mais encore par des millions d'individus disséminés en Serbie, Monténégro, Dalmatie, Istrie, Croatie, Slavonie et dans quelques pays de la couronne d'Autriche-Hongrie. Tous ces Slaves du sud (17 millions), par leur esprit de division, par leurs aspirations particularistes et leur répugnance à se soumettre à une direction commune, n'ont jamais pu s'élever en un corps de nation et ils sont demeurés les premières victimes de leurs luttes intestines.

Voici, d'après le recensement de 1895, comment se décompose, au point de vue confessionnel, la population de la Bosnie-Herzé

govine:

Serbes (orthodoxes).
Croates (catholiques).
Turcs (mahométans).
Israélites.

Protestants..

673 000

334 000

548 000

9.000

3 600

« PreviousContinue »