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Revue de l'Etranger

Angleterre.

L'Exposition universelle n'a pas été, pour les écoles anglaises, le grand événement de l'année 1900. Cette année s'était ouverte, à vrai dire, sous de fâcheux auspices, le gouvernement ayant déclaré, dans le discours du Trône, « que l'heure n'était pas propice à des réformes domestiques qui impliqueraient de grandes dépenses ». Le Ministère de l'Education n'en a pas moins signalé son avènement par plusieurs mesures essentielles, qui ont été accueillies avec enthousiasme :

Le régime financier a été simplifié et établi sur une base nouvelle;

Les programmes ont été refondus et élargis;

L'enseignement primaire supérieur a été organisé ;

Une loi nouvelle sur l'obligation a été votée, plus sévère, et, on l'espère, plus efficace que l'ancienne.

Réforme du régime financier et des programmes.

Les deux premières mesures étaient depuis longtemps réclamées par tout le corps enseignant; saluées par la presse pédagogique comme une véritable révolution 1, elles ont eu l'honneur d'un grand débat à la Chambre des communes, le 3 mai 1900, et une motion, tendant à approuver de ce chef le gouvernement, a été votée à une forte majorité.

La nouveauté consistait à substituer à des sujets isolés et sans cohésion, un ensemble suffisamment large et harmonieux, en

1. A sweeping change... a revolution (The Schoolmaster).

même temps qu'à délivrer l'enseignement d'une préoccupation mercenaire.

Le système qui se trouve ainsi aboli datait de 1862. A cette époque, une grande enquête parlementaire, celle de la Commission de Newcastle, avait démontré que l'enseignement primaire, embrassant un champ trop vaste, était superficiel et inefficace. Le département de l'Éducation décida donc, par le Code revisé, que l'aide gouvernementale serait calculée d'après les résultats. d'un examen individuel des élèves par un Inspecteur de Sa Majesté, sur les trois sujets élémentaires : lecture, écriture et calcul. C'est ce qu'on appela le paiement d'après les résultats payment by results). Sans doute, cette mesure eut d'abord l'avantage d'obliger le personnel, encore mal préparé à donner un enseignement plus large, à enseigner consciencieusement ces rudiments de l'instruction. Mais, si elle améliora l'état des divisions élémentaires, elle anéantit la vie et l'intérêt dans les classes supérieures « Je trouve dans les écoles, disait quelques années plus tard Matthew Arnold, quand je les compare à ce qu'elles étaient autrefois, une mort, une mollesse et un découragement qui ne sont pas les signes ni les accompagnements du progrès. >> Et il ajoutait « Dans ce pays où chacun est porté à compter beaucoup sur les procédés mécaniques, et trop peu sur l'intelligence, une législation qui fait dépendre les deux tiers de l'aide gouvernementale d'un examen mécanique, donne inévitablement un tour mécanique à l'enseignement, un tour mécanique à l'inspection, et doit être fatale à la vie intellectuelle d'une école 1. » Pour ranimer l'intérêt de l'enseignement, on imagina d'ajouter, aux trois sujets obligatoires, des sujets de classe et des sujets spécifiques, les uns devant être enseignés à une classe entière, les autres à des élèves choisis, et le gouvernement alloua, pour chacun de ces sujets, une aide nouvelle, subordonnée, comme la première, à l'examen individuel des élèves. Le premier sujet spécifique fut introduit en 1867; on en ajouta un second en 1871. Le premier sujet de classe apparut en 1875; en 1882 s'y ajouta une première branche du travail manuel, la cuisine. Depuis cette date, la liste de ces sujets et celle des différentes aides se sont allongées indéfiniment.

1. The work of the London School Board, p. 81.

Cependant, pour satisfaire les pédagogues éclairés, qui trouvaient ce paiement d'après les résultats mesquin et injuste, le département ajoutait, en 1871, une aide d'un genre nouveau, proportionnée au nombre des élèves fréquentant régulièrement; puis, en 1882, une aide de mérite, fondée sur la note passable, bon ou excellent donnée à l'école par l'Inspecteur; le gouvernement reconnaissait ainsi que l'éducation mentale et morale sont des facteurs de l'éducation au même titre que les résultats mécaniques de l'instruction. En 1890, l'examen était supprimé pour les sujets élémentaires, et remplacé par un rapport général d'inspection. Le gouvernement accordait pour ces sujets une aide principale, et y ajoutait une aide pour la discipline et l'organisation, chacune de ces aides étant à deux degrés, c'est-à-dire plus ou moins élevée selon le rapport plus ou moins favorable de l'Inspecteur (14 shillings ou 12 s. 1/2 par élève). L'examen individuel était conservé pour les sujets de classe et les sujets spécifiques, et cela présentait un grave danger

<« Une aide spéciale pouvait être accordée pour deux sujets de classe et pas plus de deux; et une autre pour des sujets spécifiques. Les quatre sujets de classe entre lesquels on pouvait choisir étaient l'anglais, les éléments des sciences, l'histoire, la géographie. Qu'arrivait-il? Si l'anglais et les sciences étaient choisis dans une école, cette école ne pouvait ajouter à ses ressources en enseignant l'histoire et la géographie. Mais elle pouvait le faire en prenant un sujet spécifique, comme le français. De sorte que les élèves recevaient une teinture de français, mais ignoraient l'histoire d'Angleterre. Ailleurs, on n'enseignait ni la géographie, ni l'histoire, mais on enseignait la physiologie animale; la géologie était absente de l'emploi du temps, mais on y voyait figurer la physiologie et le français '. » ̧

En résumé, le système tendait à négliger des sujets essentiels et à surcharger l'emploi du temps de sujets accessoires pour gagner l'argent nécessaire à l'existence même des écoles.

Le Code de 1900 abolit la distinction entre les sujets obligatoires et les sujets facultatifs; il sonne le glas du paiement honni depuis si longtemps d'après les résultats.

1. Débat à la Chambre des Communes, discours de Sir John Gorst.

Les aides spéciales ne sont conservées que pour les sujets vraiment spéciaux éducation ménagère, travail manuel, jardi

nage.

Les autres aides sont remplacées par une aide globale (Block Grant) 1, variant de 17 à 16 shillings par enfant âgé de moins de sept ans, de 22 à 21 pour les autres, « selon le rapport de l'Inspecteur sur la valeur éducative et intellectuelle du travail fait à l'école, et considéré dans son ensemble ».

On voit que la différence de traitement ne sera pas grande entre les bonnes écoles et les autres, et ne pourra plus servir de stimulant; d'excellents esprits, craignant que le nouveau régime ne soit une prime à l'apathie, demandent qu'on institue au moins quelque examen analogue à notre certificat d'études primaires, permettant de constater que l'élève a reçu une bonne instruction élémentaire 3. Selon d'autres, cette critique repose sur une fausse conception de l'aide : la déduction de 1 shilling devra être considérée comme un avertissement; après une certaine période de grâce, si l'école ne s'améliore pas, l'aide lui sera retirée complètement. C'est là une politique toute nouvelle à l'égard des mauvaises écoles: avant 1890, si une école était trouvée insuffisante, on lui infligeait une amende en réduisant l'aide proportionnellement à son insuffisance; on lui enlevait ainsi les moyens de s'améliorer. Depuis dix ans, on a graduellement introduit un autre système; désormais, on l'avertira, sans la priver des moyens de se relever. Le nouveau Code augmente même ces moyens pour les petites écoles, puisqu'il leur offre 21 ou 22 shillings par élève, au lieu des 18 ou 19 qu'elles gagnaient jusqu'ici. En somme, on a surtout entendu favoriser, dans les écoles primaires ordinaires, l'enseignement normal des sujets élémentaires; c'est-à-dire l'enseignement que reçoivent 94 pour 100 des élèves. Quant aux écoles qui gagnaient jusqu'ici, grâce aux sujets supérieurs », 25 ou 27 shillings par élève, il leur sera loisible, pour conserver leur revenu, d'organiser leurs cours

1. Le Block Grant a été institué en Écosse par le Code de 1899.

2. Débat aux Communes.

3. The work of the London School Board.

4. Discours de M. Jebb aux Communes.

5. Discours de Sir John Gorst.

supérieurs en une « école primaire supérieure », d'après l'arrêté du 6 avril 1900.

Un dernier avantage de la mesure a été de débarrasser l'administration d'une comptabilité des plus compliquées, et de lui laisser des loisirs pour préparer les réformes urgentes.

Quant aux programmes, ils ont acquis à la fois l'unité et la souplesse. Ils comprennent désormais :

10 Pour les écoles maternelles :

Instruction convenable dans les sujets élémentaires; leçons simples sur les choses usuelles;

Occupations appropriées et variées;

Travaux à l'aiguille (ou dessin), chant et exercices physiques. 20 Pour les écoles primaires :

a. Des sujets essentiels :

L'anglais (comprenant la lecture, la récitation, l'écriture, la composition et la grammaire pratique);

L'arithmétique;

Le dessin, pour les garçons;

Les travaux à l'aiguille, pour les filles;

Des leçons (comprenant des leçons de choses) sur la géographie, l'histoire et les choses usuelles;

Le chant, devant être appris, autant que possible, d'après la notation musicale;

Les exercices physiques.

N. B. Un ou plusieurs de ces sujets pourront être omis, quand l'inspecteur le jugera convenable.

b. Un ou plusieurs des sujets suivants, selon les besoins locaux et les ressources dont l'école dispose; algèbre, géométrie, arpentage, mécanique, chimie, physique, physiologie animale, hygiène, botanique, principes d'agriculture, horticulture, navigation, latin, français, gallois (dans le pays de Galles), allemand, tenue des livres, sténographie, économie domestique ou science domestique.

c. Pour les filles : cuisine, blanchissage, laiterie, tenue de la maison; pour les garçons jardinage, travail manuel.

Comme on le voit, les sujets obligatoires restent les mêmes, sauf qu'on insiste sur les exercices physiques, et que l'enseignement de l'anglais devient plus large et prend la place d'honneur. Mais la note jointe à la première liste indique, de la part de l'administration centrale, le souci de respecter la liberté des administra

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