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Nous arrêtons là nos extraits et nos citations. Nous avons laissé parler nos correspondants, pour conserver à ces notes prises sur le vif toute leur saveur et leur originalité. Ce qui les caractérise, c'est leur parfaite sincérité. Mais nous devons rappeler en terminant que tous, sans exception, se louent du bon accueil qui leur a été fait partout; des relations amicales qui se sont établies entre eux et les instituteurs, dont ils étaient admis à visiter les écoles; des observations échangées; des informations reçues et données; du commerce presque journalier avec des collègues, et, en un mot, du profit qu'ils auront tiré, pour eux et leurs écoles, de ce séjour à l'étranger.

G. JOST.

Le livre d'or des écoles.

Une note de service, insérée au Bulletin du Ministère le 27 janvier 1899, invitait les inspecteurs d'académie à faire connaître à la direction de l'enseignement primaire les actes de probité et de dévouement accomplis par les élèves des écoles publiques. Très vite, les communications affluèrent et l'on en put bientôt former un recueil qui a figuré à l'Exposition, dans la classe I, parmi les livres et documents groupés par l'Administration centrale.

C'était le Livre d'or des écoles 1.

Mais il n'était d'or qu'au dedans. Sous sa modeste reliure de couleur sombre, il attirait peu les regards et peut-être n'a-t-il pas été assez remarqué. On nous a demandé d'en donner un aperçu aux lecteurs de la Revue pédagogique; c'est une invitation à laquelle nous déférons volontiers et nous espérons que l'on ne nous saura pas mauvais gré si nous nous sommes acquitté de cette tâche avec quelque complaisance.

et, pour un recueil de ce -il est très volumineux.

Ce Livre d'or a un premier mérite genre, ce mérite est de premier ordre Il n'a point de pagination; mais les rapports manuscrits, les extraits de Bulletins départementaux qu'il contient ne forment guère moins de six cents feuillets et souvent il arrive qu'un même feuillet relate plusieurs traits méritoires ou louables. Point de département qui n'ait apporté sa gerbe à cette moisson de bonnes actions; et ainsi, une fois engrangée, elle offre dès l'abord un aspect imposant d'abondance propre à réjouir le cœur.

1. Ce recueil est aujourd'hui déposé à la bibliothèque du Musée pédago

On a relevé une multitude de cas où des écoliers, ayant fait une trouvaille, n'ont pas voulu se l'approprier, et j'estime que l'on n'a point eu tort de n'omettre aucun de ces traits que l'on a pu connaître. Sans doute la probité n'est pas une vertu brillante et les exemples qu'on en rapporte au Livre d'or prêtent peu à des effets littéraires. Mais si l'on veut songer au milieu, aux circonstances dans lesquels ils se sont produits, on reconnaît vite qu'ils ont vraiment du prix, plus de prix qu'il ne paraît au premier abord.

Certes la probité n'est heureusement pas rare parmi le peuple de nos villes et de nos campagnes; nos paysans, nos ouvriers répugnent à s'emparer du bien d'autrui, quand ils en connaissent le possesseur. Mais, lorsque ce bien est anonyme, ces répugnances cessent parfois. Il y a une sagesse des nations, comme on dit; elle a ses maximes, qui ne sont pas toujours conformes à la pure morale et qui, pour être très anciennes et très commodes, sont suivies assez volontiers. C'est elle qui dit des choses de ce genre: « Ce qui est bon à prendre est bon à garder, » ou encore « Ce qui tombe dans le fossé est pour le soldat. » La sagesse des nations n'enseigne guère le chemin du bureau des objets perdus. Cela est si vrai que souvent nous voyons les témoins d'une trouvaille engager celui qui l'a faite à la conserver comme une aubaine

« Le 18 février 1899, le jeune Theillère Claude, âgé de 8 ans et demi, trouva une pièce de 20 francs sur la voie publique. Se refusant à suivre les conseils d'un témoin peu consciencieux qui l'invitait à garder cet argent, l'honnête enfant alla le porter à son maître.» (École de Fleurie, Rhône.)

Ces jours derniers, le jeune Lesueur a trouvé sur la voie publique un porte-monnaie contenant une somme assez rondelette. Un gamin plus âgé aurait voulu que l'argent fût dépensé; mais le petit bonhomme s'empressa de porter sa précieuse trouvaille au commissariat de police. (École de Rueil, Seine-etOise.)

« Jeudi 19 octobre 1899, le jeune Louis Adam a trouvé un portefeuille contenant 12 fr. 50 et divers papiers. Au moment où il le ramassait, un jeune homme s'est approché et l'a engagé à garder sa trouvaille. Le jeune Adam a répondu que c'était mal

faire que de garder un objet trouvé, et a aussitôt remis le portefeuille entre les mains de son père. » (École de la Rue Dupuch, Alger.)

Voilà donc des enfants qui résistent aux mauvais conseils appuyés par les préjugés courants; il faut bien reconnaître qu'envisagé de cette façon le mérite de leur action se relève et n'a plus rien de banal.

Songeons aussi que pour ces petits écoliers, la tentation souvent est bien forte, et qu'en ne lui cédant pas ils ont presque de l'héroïsme, là où un homme ferait simplement preuve d'honnêteté.

La somme qu'ils trouvent est-elle importante? que l'on calcule l'effet produit sur ces imaginations promptes à s'enflammer, sur ces esprits qui connaissent mal la valeur de l'argent. Voici un enfant de douze ans, élève de l'école d'Ambérieux-en-Dombes : un jour qu'il garde le bétail de ses parents, il trouve une valise renfermant une somme de 4000 francs. Quatre mille francs! Pour ce petit, c'est une fortune: plus de dures journées à passer sous le vent, la pluie ou la neige, plus de guenilles, plus de pain noir. Si cet enfant, comme il l'a fait, refuse de garder cette fortune que le hasard lui offre, il semble que son acte atteste une âme de qualité peu vulgaire.

La trouvaille, au contraire, est-elle de mince valeur? la tentation de la retenir peut n'en être que plus pressante. D'abord on ne fait guère tort au possesseur de l'argent perdu; puis l'emploi de cet argent est bien facile, et personne ne s'inquiétera d'où il vient. L'écolier d'Ambérieux-en-Dombes a très bien agi; mais, à mon gré, il ne faudrait pas faire beaucoup moins d'estime du trait suivant :

« Le 29 juillet dernier, la jeune Marie Pernot, âgée de 11 ans, élève de l'école de Margilly (Haute-Saône), trouva un porte-monnaie contenant 3 fr. 90. Sans prendre le temps de retourner à la maison, cette honnête enfant porta sa trouvaille à l'instituteur. L'acte de probité accompli par cette enfant est d'autant plus louable, que la fête patronale avait lieu le lendemain et que la fillette, appartenant à une famille peu aisée, aurait pu, à cette occa

sion, être tentée de conserver cette petite fortune, dont il lui était si aisé de trouver l'emploi. »>

Plus que l'argent qui, pour beaucoup d'enfants, n'a qu'une valeur représentative très vague, certains objets exercent sur les imaginations enfantines un attrait qui rend difficile la victoire de la probité.

Sur les chemins de France, dans l'année 1899-1900, il s'est perdu beaucoup de montres d'argent et d'or. Peut-être y eut-il là un dessein providentiel par où la vertu de nos écoliers a trouvé l'occasion de se montrer dans son meilleur jour. Qui ne sait en effet que le rêve de tout écolier, c'est d'avoir une montre à soi! Qui n'a lu ce petit drame où M. Paul Bourget nous faisait voir dans un de ses derniers volumes la puissance de séduction qu'une montre peut avoir sur une âme d'enfant? Eh bien! les montres ont eu beau se perdre par centaines durant les mois récemment écoulés; nos écoliers n'ont pas voulu garder celles qu'ils ont trouvées sur leur route. Et c'est un beau triomphe de la morale.

Un bracelet, une bague, des boucles d'oreilles, etc., voilà qui, pour une fillette, est peut-être encore plus tentant qu'une montre pour un garçonnet. Voilà ce que, d'instinct, aiment passionnément toutes les petites filles : qu'elles soient de la ville ou des champs, toutes, sans connaître Gœthe ni Gounod, entendent l'air des bijoux chanter dans leur cœur. Mais les élèves de nos écoles n'ont pas souffert que cette musique séductrice étouffât la voix de leur conscience. Entre beaucoup d'autres, citons au moins un exemple de ce genre.

Le lundi 8 janvier 1900, la jeune Marguerite Seignabout trouva, en partant pour l'école, dans une petite motte de terre que son sabot avait partagée, une bague magnifique, diamant et rubis, d'une valeur de 1500 francs. Aussitôt l'enfant retourna sur ses pas, et porta le bijou à son père en lui disant qu'il devait appartenir à la fille de Mme de Beaumont. Le père, parfait honnête homme, s'empressa d'accompagner sa fille qui remit le bijou à sa propriétaire. Il faut noter que l'enfant connaissait par une bonne de Me de Beaumont la valeur de l'objet perdu et remarquer aussi que personne n'avait été témoin de sa trouvaille. Cette restitution, de la part de l'enfant comme du père, qui est un

me

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