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favoriser la circulation des parois cardiaques, il était indiqué de le prescrire, d'une façon prudente il est vrai, dans certains cas d'angine de poitrine d'origine coronarienne, et c'est ainsi que chez un de nos malades on vit, le soir même du premier massage, les urines augmenter considérablement et monter de 1 litre à 3 litres dans les vingt-quatre heures, en même temps que la pression artérielle tombait de 23 à 21, puis à 16, et que les crises angineuses devenaient plus rares et disparaissaient.

II. Le massage abdominal répond à deux indications principales réduire la stase circulatoire intra-abdominale, activer la diurèse. Si l'on admet encore avec Stapfer, la notion du réflexe dynamogénique, il a encore pour effet d'exciter le cœur et la circulation générale.

Mais ce massage abdominal ne suffit pas; il faut y joindre encore le massage des muscles, la gymnastique passive ou de résistance.

Aux«< cures de terrain » dont on a fait si grand bruit et dont on a tant abusé, qui promettent une hypertrophie thérapeutique du cœur pour donner souvent la cardiectasie, nous opposons les cures de repos avec massage, non pas que ce repos consiste dans l'immobilité absolue du sujet; mais nous estimons qu'avec la méthode dite d'OErtel, on augmente trop le travail du cœur central quand nous devons au contraire chercher à l'économiser, à soulager l'organe en ouvrant en quelque sorte le cœur périphérique représenté par tous les vaisseaux.

L'action sur le cœur périphérique est surtout réalisée par le massage méthodique, par des contractions musculaires modérées qui font passer dans le muscle en mouvement cinq ou neuf fois plus de sang que dans le muscle au repos. La méthode allemande veut augmenter le travail d'un cœur déjà profondément amoindri dans sa puissance fonctionnelle par l'envahissement. de la sclérose; la méthode suédoise et française diminue son travail en atténuant les résistances périphériques, en ouvrant toutes larges les voies d'écoulement sanguin, et elle réalise ainsi une grande loi de la thérapeutique : l'art d'adapter les moyens médicamenteux à la puissance fonctionnelle des organes et de l'organisme. Elle obéit encore à l'un des premiers principes de la cardiothérapie soulager le cœur pour le fortifier.

La kinésithérapie méthodique comme je l'écrivais dans le chapitre « Hygiène du cardiaque » du Traité de thérapeutique

appliquée vise la circulation artérielle et veineuse qu'elle active, les vaisseaux intra-musculaires qu'elle dilate, le cœur périphérique qu'elle excite et tonifie, et ainsi elle peut être assimilée à une sorte de digitale des vaisseaux.

Pour se convaincre de cette influence salutaire, on n'a qu'à rappeler l'action physiologique des contractions musculaires. Elles augmentent les combustions respiratoires, comme les expériences de Cl. Bernard l'ont démontré, elles s'accompagnent d'une production et d'une consommation plus grandes d'acide carbonique et d'oxygène, elles accélèrent la circulation périphérique, elles font passer dans le muscle en travail une quantité de sang beaucoup plus considérable, cinq fois plus qu'à l'état de repos d'après Kaufmann et neuf fois d'après d'autres expérimentateurs, elles dilatent les vaisseaux et diminuent la tension artérielle, d'où un effet dérivatif au profit du cœur central.

Ainsi, l'exercice musculaire, en favorisant la circulation sanguine vers la périphérie, soulage le cœur, facilite son travail sans l'augmenter, produit les effets d'une saignée déplétive sans en avoir les inconvénients, et comme s'il s'agissait d'une saignée interne. Les vaisseaux sont les auxiliaires du cœur, et les muscles par leurs contractions sont les auxiliaires des vais

seaux.

Le massage d'un muscle ne favorise pas seulement la circulation périphérique, mais il a encore pour résultat de faciliter la disparition des déchets organiques qui l'intoxiquent, quelquefois à un haut degré dans les cardiopathies condamnant les malades à un repos plus ou moins prolongé. Ainsi, Zabludowski a pu démontrer que, chez l'homme, un repos de quinze minutes, après un travail fatigant, réussit à peine à restaurer la force musculaire, tandis que le massage pratiqué à temps égal, double la quantité de travail que peut fournir le muscle.

D'autre part, les effets des contractions musculaires ne se limitent pas aux régions qui sont le siège de mouvements ou aux muscles excités par le massage, et M. Chauveau a fait remarquer que chez le cheval contractant son masséter dans les mouvements de mastication, l'accélération du cours sanguin se fait sentir jusqu'aux artères du pied. Et c'est ainsi que par la contraction musculaire, il se fait, suivant l'expression de Lagrange, une sorte de « drainage du sang » capable de réduire à distance les stases circulatoires.

Que conclure de ces considérations et de ces faits?

Il faut attribuer désormais pour la cardiothérapie, une grande importance, une place peut-être prépondérante à la médication par l'hygiène et les agents physiques, comme M. Cautru l'a établi dans sa récente communication à l'Académie, comme mon interne M. Piatot l'a démontré avec moi dans sa thèse inaugurale (Traitement des maladies du cœur par l'hygiène et les agents physiques, Paris 1898), et ces idées demandent à être propagées dans un temps où l'on abuse singulièrement de la médication iodurée, de la digitale et de ses trop nombreux succédanés. On peut se montrer grand praticien - disait Tissot à la fin du dernier siècle sans ordonner des médicaments; le meilleur remède est souvent de n'en prescrire aucun. »

Ces faits démontrent encore que la thérapeutique dans les affections du cœur a changé son orientation. Elle n'est plus seulement basée sur la présence, sur l'intensité, et surtout sur l'affaiblissement d'un souffle valvulaire, que poursuivent encore quelques médecins, chercheurs de la pierre philosophale en cardiothérapie, sans doute « par révérence de l'antiquaille »; elle ne se contente pas de voir un cœur à fortifier, mais aussi un cœur à soulager; elle ne doit pas toujours provoquer « l'hypertrophie compensatrice du cœur », qui est déjà un acte pathologique, elle veut contribuer au phénomène physiologique et vital de l'adaptation des vaisseaux et de l'organisme à la lésion cardiaque; elle ne considère pas seulement le cœur central, elle vise le cœur périphérique, et s'il est malheureusement vrai que nous ne guérissons qu'exceptionnellement les valvulites chroniques ou les scléroses vasculaires définitivement constituées, nous pouvons au début en arrêter l'évolution progressive à la condition de nous conformer à ces principes que j'ai naguère exposés en 1889 et en 1893 dans mon Traité des maladies du

cœur:

<< Quand un obstacle siège dans une machine, l'ouvrier, s'il ne le trouve pas dans le jeu des soupapes, dans le piston ou dans le corps de pompe, s'empresse de le chercher dans les tubes de conduite ou de canalisation. Jusqu'ici, le médecin n'avait dans les maladies du cœur qu'une préoccupation presque constante la recherche des lésions orificielles et la localisation des souffles valvulaires.

<< Dans les cardiopathies artérielles (auxquelles il faut adjoin

dre maintenant les cardiopathies veineuses), l'obstacle n'est pas au cœur central, mais au cœur périphérique, aux confins du courant circulatoire. C'est là qu'il faut le chercher pour le vaincre de bonne heure... A cette période, vouloir tonifier le cœur par la digitale, serait aussi illogique que si l'ouvrier, pour triompher d'un obstacle situé à la périphérie, voulait exercer une forte pression sur le piston de sa machine. Pour être de bons ouvriers en cardiothérapie, nous ne devons pas nous contenter de constater un obstacle; il faut aussi en discerner la nature et surtout le siège. Or, au début de la maladie, la lésion des artères périphériques atteignant rapidement leur tunique moyenne, détruit ou amoindrit de bonne heure l'élasticité dont elles sont douées, et il est prouvé que « l'élasticité des artères économise le travail du cœur » (Marey); elle n'augmente certainement pas la quantité de ce travail, mais elle l'utilise, elle ne le laisse pas perdre. Par conséquent, au début de l'artériosclérose, le cœur central dont l'aptitude fonctionnelle a pu diminuer de moitié par suite de son insuffisance nutritive due à l'endartérite coronarienne, va être obligé de doubler son travail pour vaincre les obstacles situés à la périphérie du système vasculaire. C'est là un cercle vicieux d'où l'on ne peut sortir qu'en agissant directement sur le cœur périphérique représenté par les vaisseaux. Par là, on soutient déjà, et l'on protège en quelque sorte le cœur central. »

Telles sont les considérations importantes, suggérées par l'excellent travail que M. Cautru vous a présenté à l'une de vos dernières séances. Vous penserez comme moi - je l'espère du moins que ces recherches intéressantes méritent vos encouragements sinon votre approbation. Aussi, je vous propose d'adresser des remerciements à M. Cautru et de déposer honorablement son mémoire dans les archives de l'Académie.

Les conclusions du rapport, mises aux voix, sont adoptées.

Communication.

Pathogénie et traitement du strabisme concomitant,

par M. JAVAL.

Dans son importante communication, qui a occupé une grande partie de la dernière séance, M. Panas a exposé, sur la pathogénie du strabisme concomitant, des idées qui coïncident à peu près exactement avec celles que j'ai toujours soutenues et qui sont reproduites dans mon Manuel du strabisme (Paris, Masson, 1896); je me bornerai donc, en ce qui concerne la pathogénie, à exprimer ma vive satisfaction de me trouver d'accord avec notre confrère.

Cette satisfaction est encore augmentée par cette circonstance que, dans la Bowman lecture de cette année, dont M. Panas ne pouvait pas encore avoir connaissance mardi, notre éminent confrère Priestley Smith exprime des opinions tout à fait concordantes avec celles que j'ai exposées et qui sont en profond désaccord avec les théories qui régnaient il y a trente ans.

Pour le traitement, j'ai à soumettre quelques réserves à notre collègue, M. Panas.

Nous sommes bien d'accord pour partager, le plus souvent, la correction opératoire entre les deux yeux et pour donner, quand cela se peut, la préférence à la vieille ténotomie, dont les suites sont si bénignes et le manuel opératoire tellement simple, que le temps principal s'en peut exécuter pour ainsi dire les yeux fermés pratiquer la ténotomie est presque aussi facile que de détacher une huitre de sa coquille. Les précautions antiseptiques sont inutiles: témoin les milliers de ténotomies faites par v. Gräfe avant l'invention de l'antisepsie et dont aucune n'a été suivie de suppuration de l'œil. Je ne mets ni suture, ni bandeau et mes strabiques rentrent chez eux à pied, immédiatement après l'opération.

A l'appui de l'opinion, qui m'est commune avec M. Panas, je citerai le cas d'un strabique dont on opéra, par erreur, l'œil non dévié : le résultat n'en fut pas plus mauvais, car il s'agit de corriger la position relative des yeux et non la position absolue de chacun.

Voici maintenant où nous ne sommes plus en parfait accord.

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