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le témoin nous demandons simplement si un homme de science avait été appelé pour constater la mort, et s'il avait délivré le certificat de décès.

Nous nous refusons à croire que, dans les centres civilisés, dans les villes où il existe un service public de vérification des décès, de pareilles erreurs puissent se produire. Dans les cas très rares où il y a le moindre doute, il est facile d'attendre (et on n'y manque jamais) que la putréfaction fasse apparaître sur la région abdominale la tache verte de putréfaction qui est le signe certain de la mort et dont on peut håter la production dans la saison froide. Dans les bourgs, les villages, les hameaux, toute vérification des décès fait complètement défaut; le médecin, quand il réside à une certaine distance, n'est souvent pas appelé pendant le maladie, à plus forte raison après la mort; l'ensevelissement, c'est-à-dire la mise en bière, est quelquefois précipitée, parce que le logis n'a qu'une chambre qui sert à plusieurs personnes et à des usages multiples. C'est dans ce cas qu'à la rigueur des erreurs funestes peuvent être commises.

Nous nous sommes demandé si l'appareil dit « le Karnice >> pouvait être utilisé dans ces localités éloignées de tout secours médical. On a proposé aux municipalités de faire l'acquisition d'un de ces appareils qui serait mis à la disposition des familles pour la somme de 15 francs, soit 1 fr. par jour. Mais combien trouvera-t-on de municipalités qui consentiront à l'achat d'un appareil coûteux et de personnes qui voudront en payer la location, pour prévenir un danger dont la réalité, si horrible qu'elle soit, n'est pas démontrée?

L'appareil ne serait donc pratiquement utilisable que dans les grandes villes où le danger n'existe véritablement pas, mais où il peut calmer pendant la vie les appréhensions de personnes pusillanimes. Il est difficilement applicable dans les petites loc. lités où la possibilité d'une inhumation précipitée est à la rigueu admissible, mais où l'on ne trouvera personne qui veuille en faire la dépense.

Le meilleur moyen de prévenir ce terrible danger est d'instituer partout une vérification des décès et de ne donner le permis d'inhumer que sur le certificat délivré par un médecin de la localité ou du voisinage, appelé à cet effet, fût-ce aux frais de la municipalité; quand il y a le moindre doute, on doit attendre le début de la putréfaction qui ne se fait guère attendre.

En conséquence, sans nier les avantages que peut présenter

l'usage de l'appareil dit «<le Karnice », nous pensons qu'il n'y a pas lieu pour l'Académie de demander aux pouvoirs publics d'en prescrire l'emploi, en vue de prévenir le danger, à la rigueur possible, des inhumations précipitées.

Les conclusions du présent rapport, mises aux voix, sont adoptées.

Communications.

1. Epidémies de ténias chez les faisans et les perdrix,

par M. MÉGNIN.

Messieurs, en ce temps de vacances et la chasse battant son plein, je me permets de venir vous parler de gibier, mais de gibier malade, ce qui intéresse jusqu'à un certain point l'hygiène publique.

L'année dernière et le printemps de l'année actuelle ont été très humides; cet état atmosphérique a favorisé singulièrement le développement et la multiplication des parasites vermineux chez certains animaux sauvages comme ceux qui constituent le gibier, et surtout chez le gibier d'élevage: car il y a maintenant un gibier d'élevage. Autrefois le chasseur pratiquait son sport favori en explorant les plaines et les bois à l'aide de son chien qui découvrait le gibier et le faisait lever à la portée du fusil de son maître. Aujourd'hui on ne chasse plus ainsi que dans certains coins reculés de la province; aux environs de Paris surtout on chasse suivant une mode d'importation allemande qu'on appelle la battue des rabatteurs poussent le gibier de tout un canton sur une ligne de chasseurs qui l'attendent immobiles et qui fusillent ou plutôt massacrent les malheureux faisans, lièvres et perdrix qui se précipitent éperdus dans leurs jambes ou à portée de leurs hamerless. Ces hécatombes ont, bien plus que les braconniers à deux ou à quatre pattes, amené dans notre pays une rareté de gibier telle, qu'on est forcé maintenant de l'élever comme on élève des poulets. C'est par vingt à trente mille qu'on élève les faisans et les perdrix dans les grandes chasses de MM. de Rothschild, Greffuhle, Potocki, etc., etc. Les chasses plus modestes en élèvent quelques milliers, enfin d'autres quelques centaines seulement.

Cette digression dans le domaine cynégétique était nécessaire pour montrer qu'outre les temps humides, il y a une autre cause pour expliquer l'apparition des maladies parasitaires épidémiques graves qui sévissent sur le gibier; elles ne sont si fréquentes aujourd'hui qu'à cause des agglomérations qui sont la conséquence de l'élevage en question.

Depuis une quinzaine et même une vingtaine d'années, c'était un parasite nématoïde, connu vulgairement sous le nom de ver rouge (le Syngamus trachealis), qui décimait les élevages de gibier et constituait un véritable fléau pour les chasseurs. Je suis arrivé à le vaincre par la désinfection des forêts où se faisaient les élevages et où il laissait sa graine néfaste, au moyen du sel marin dénaturé qui, répandu à profusion sur le sol, en détruit parfaitement les embryons.

Aujourd'hui d'autres ennemis du gibier ont surgi: ce sont diverses espèces de ténias qui se multiplient chez les faisans et les perdrix avec autant de rapidité que le syngame, et en faisant parfois autant de victimes.

L'année dernière, dans la propriété de Guéville, près Rambouillet, qui appartient à M. le sénateur Chiris, une grave épidémie se déclarait sur les faisans qu'on y élève chaque année; près de trois cents avaient déjà succombé quand on réclama mon intervention. L'autopsie de quelques sujets me montra qu'ils succombaient à des obstructions intestinales causées par des ténias. Je présente à l'Académie un tube contenant quelques douzaines de ces ténias avec un intestin ouvert montrant la situation des parasites dans cet organe. La cause étant connue, l'épidemie fut promptement arrêtée par l'addition, dans la pâtée destinée aux faisans, de poudre de noix d'arec, dans la proportion d'un gramme pour six oiseaux. Depuis sept ou huit ans je constate que la noix d'arec est le tænifuge par excellence pour les cestoïdes du chien, voilà pourquoi je n'ai pas hésité à l'employer contre les ténias des faisans et cela avec autant de succès.

Le ténia qui tuait ainsi les faisans de M. Chiris est une espèce très curieuse et que je crois nouvelle, tout au moins pour notre pays, et je m'explique son importation chez nous, par des faisans qu'on fait venir à grands frais de l'étranger Angleterre ou Hongrie, pour le repeuplement des chasses.

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Ce ténia appartient au genre Davainea, créé par nos collègues R. Blanchard et Raillet en l'honneur de Davaine, et pour un groupe de cestoïdes qui ont, non seulement un rostre armé de

crochets, mais des ventouses couvertes d'épines sur leur pourtour. Je propose de le nommer Davainea Guevillensis parce que c'est dans l'élevage de faisans de Guéville que je l'ai découvert et constaté ses méfaits.

En voici la description et la figure :

Davainea Guevillensis nov. sp. (fig. 1 et 2). Long de 6 à 7 centimètres; extrémité antérieure effilée et aiguë; partie moyenne large de 3 millimètres; extrémité postérieure large de 2 millimètres. Les trois quarts antérieurs du corps sont composés d'anneaux très étroits, beaucoup plus larges que longs, semblables à de petites nacelles renversées, s'emboîtant les unes dans les autres (fig. 1, C et D); ils s'arrondissent vers l'extrémité postérieure qui est, par ce fait, moniliforme. Les anneaux de la partie moyenne du corps sont sexués et les pores génitaux unilatéraux; la poche du cirre ne se voit bien que sur un anneau séparé et examiné à plat; on voit alors cette poche située près du bord, mais à une certaine distance (fig. 1, D). Les œufs sont réunis au nombre de quatre ou cinq dans une capsule gélatineuse assez épaisse, large de 0mm,25 (fig. 1, F), et ces capsules remplissent les derniers anueaux (Fig. E).

A propos de la tête, ce ténia présente une particularité curieuse, c'est que, même dans le plus jeune âge, il y a des individus inermes et d'autres armés. J'avais déjà constaté un fait analogue chez beaucoup de ténias, seulement je l'attribuai exclusivement à l'âge (1); mais ici je l'ai constaté chez des individus ayant à peine un centimètre de long à côté d'individus de même grandeur et, par conséquent, du même âge, qui avaient le rostre et les ventouses armées de crochets, au point que j'ai cru pendant longtemps à l'existence de deux. espèces différentes vivant côte à côte; mais la forme et l'organisation du corps étant identiques chez les uns et chez les autres, force m'a été de reconnaître l'existence de deux formes dans la même espèce.

La tête, qu'elle soit inerme ou armée, est large d'un quart de millimètre, piriforme, à rostre rétractile. Dans le premier cas, les ventouses sont plus grandes, renflées en dessous en nid d'hirondelle ou à ouvertures tournées vers le haut (fig. 1 BB'). Dans la forme armée, la tête est plus ovoïde, avec un cou moitié moins large que la tête (fig. 2 A) ou d'égale largeur (fig. 2 B). Le rostre est armé à sa base d'une double couronne très serrée de petits crochets au nombre de 200, et en forme de petite pioche à bec courbé (fig. 2 C). Les ventouses, grandes et elliptiques, sont entourées d'un bourrelet couvert d'une dizaine de rangs de petits crochets ou épines, plantés en quinconce

(1) P. Mėgnin. De la caducité des crochets et du Scolex lui-même, chez les Ténias, in Journal de l'anatomie, 1881.

1898.

N° 37.

- 3° SÉRIE, TOME XL.

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(fig. 2 D); j'ai trouvé des individus chez lesquels l'armature des ven

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FIG. 1.

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Davainea Guevillensis Mégain, forme inerme.

A, grandeur naturelle. B, sa tête. B', la même à rostre rétracté (grossies). C, un groupe d'anneaux du milieu du corps. D, un de ces anneaux isolé (grossi. E, un anneau de l'extrémité postérieure. F, œufs encapsulės (très grossis.

touses était en partie disparue, comme dans la figure 2 B, et où l'on ne voyait plus aucun crochet à la base du rostre.

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