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que le céder ou l'échanger : toutes choses qu'il pouvait faire quant à la surface.

En fait comme en droit naturel, la propriété d'une mine a donc été distincte de celle de la surface.

2. Droit domanial (de: dominium, bien, propriété du seigneur). Suivant ce système, les gisements minéraux, sous quelque endroit du sol qu'ils se trouvent, appartiennent à l'Etat, au seigneur qui représente l'État.

Lui seul peut en disposer: les exploiter lui-même ou les vendre au plus offrant, ou les affermer et en confier l'exploitation sous telles conditions qu'il lui plaît, soit pour un temps déterminé, soit à perpétuité, à qui lui plaît, sous réserve de diverses dispositions légales, tout comme lorsqu'il s'agit de vente ou de location de biens domaniaux ordinaires'.

Dans son rapport à l'Assemblée constituante, Regnault d'Épercy s'appuyait sur le droit de la nation remplaçant le droit du souverain, pour dire : « Les Mines sont à l'État. »

Bien que vivement combattue, cette théorie paraîtrait cependant avoir été sanctionnée par les mots inscrits et maintenus, sur les instances surtout de Mirabeau, en tête de la loi du 28 juillet 1791: «Les mines sont à la disposition de la nation », si cette phrase n'était suivie de la restriction: <«<en ce sens seulement que les substances ne peuvent être exploitées que sous son consentement et sous sa surveillance 2. »>

En résumé, le système de la domanialité se caractérise par ce fait que l'Etat qui concède une mine peut librement débattre les conditions de sa cession sans avoir à observer de règles légales dans l'établissement de ces conditions.

3. Droit d'occupation ou de prise de possession. C'est le droit d'exploiter reconnu au « premier occupant » ou encore celui acquis par l'inventeur (dans le sens latin du mot

Législation des Mines, par M. AGUILLON, inspecteur général des Mines, t. I. p. 7.

* NAUPIER, Traité théorique et pratique de la Législation des manes, minières et carrieres.

invenire, trouver) qui a recherché, trouvé le gîte minéral et en a pris possession par le fait même de « l'occupation ».

«Le privilège reconnu, dit M. Aguillon, à l'« inventeur », par certaines législations, répond à une notion philosophique et juridique, parfaitement fondée; l'invention est la meilleure justification, en droit pur, de l'appropriation. Malheureusement l'invention n'a pas toujours ces caractères de contingence qui permettent de la reconnaître sans hésitation; aussi comprend-on que beaucoup de législations se bornent à prendre, comme base du droit, la priorité de la demande, en admettant que le véritable inventeur sera toujours, en fait, le premier demandeur. »

Turgot et quelques économistes du dernier siècle estimaient que l'on doit donner le droit absolu de propriété des mines aux inventeurs et considéraient les richesses minérales comme des épaves, comme des biens sans maître, en un mot comme des res nullius (choses de personne) appartenant au premier occupant.

D'après cette théorie, chaque propriétaire, dit M. Dupont, aurait eu le droit d'ouvrir une exploitation minérale dans son fonds, puis de passer souterrainement dans le tréfonds du voisin, sans l'assentiment de celui-ci, et, dans ce cas, l'explorateur aurait acquis le droit de premier occupant sur la mine située chez lui et chez son voisin.

Le système de Turgot, qui n'est qu'une application à l'industrie des Mines de la célèbre doctrine du « laissez faire, laissez passer », aurait abouti dans la pratique, à l'anarchie la plus complète dans le domaine des Mines, en un mot, à une vraie guerre souterraine.

La surexcitation fébrile imprimée aux découvertes de mines aurait fait naître d'abord des milliers d'inventeurs ; puis les inventeurs sérieux, n'ayant pas l'assurance de jouir de leurs travaux et d'obtenir un champ d'exploitation suffisant, se seraient peu à peu retirés.

On aurait donc découragé les explorateurs sérieux en voulant exciter outre mesure les recherches de mines : les deux fléaux de l'agiotage et du gaspillage auraient envahi, à tout jamais, l'industrie minérale.

Le système de Turgot, il faut le dire, n'obtint l'assenti

ment ni des légistes, ni des hommes sérieux, s'occupant de l'art des mines; il fut regardé comme une utopie.

On ne peut toutefois méconnaitre que, abstraction faite des inconvénients, aussi graves que certains, signalés par M. Dupont, le système du droit d'occupation ou de prise de possession repose sur une idée assez équitable, la préhension effective d'une richesse minérale par le travail justifiant la propriété individuelle.

4. Droit régalien. Ce système repose également sur ce principe que les gisements minéraux sont res nullius et n'appartiennent pas plus à l'Etat qu'au propriétaire superfi

ciaire.

Le droit de les exploiter ne peut s'acquérir, même par l'État, que d'après les dispositions fixées par la loi, mais lui seul peut constituer pour leur exploitation, dans des limites de gisement qu'il apprécie discrétionnairement, des droits en faveur de particuliers qu'il peut librement choisir.

L'État entier, qui se réserve ainsi le droit de disposer, pour le plus grand avantage de la Société, de la propriété souterraine, comme d'une propriété publique indépendante de la propriété privée du terrain qui la recèle, fut, pendant bien des siècles et chez bon nombre de peuples, représenté par un souverain portant le titre de roi, d'où le droit « régalien (regalis, royal).

Le système du droit régalien confère à ce représentant de T'État la triple attribution de :

4° Préciser la destination de la propriété souterraine, c'est-à-dire concéder le privilège de l'exploiter aux personnes qui lui paraissent pouvoir le mieux la mettre en valeur ;

2o En surveiller l'exploitation dans ses rapports avec l'ordre public, avec la conservation du sol et avec la sûreté des ouvriers mineurs;

3o De percevoir tel ou tel tribut sur les produits qu'en retire l'exploitant.

Telle est l'interprétation que donne du « droit régalien » M. l'Inspecteur général Migneron; mais, comme le fait remarquer si judicieusement M. Aguillon, le pouvoir discrétionnaire de l'État s'arrête au choix du concessionnaire et à

la fixation des limites du gisement à concéder. La loi seule fixe les droits et charges du titre de concession qu'il a remis et qui constitue le droit d'exploiter.

M. Aguillon observe aussi que le droit régalien n'a été invoqué bien souvent que par opposition au droit privé du propriétaire du sol, considéré comme propriétaire de la mine par accession, afin de marquer la nature de la séparation du fonds et du tréfonds.

Il est aussi un mode tout spécial d'obtention du droit d'exploiter les mines: celui de l'adjudication publique; mais on peut considérer ce mode comme dérivant :

Du droit domanial, si l'adjudication s'effectue sur des bases laissées à l'entière discrétion de l'Administration qui adjuge;

Ou du droit régalien, si la loi seule fixe les droits à conférer et les charges à imposer à l'adjudicataire.

Mais il faut bien reconnaitre que l'idée même d'adjudication est en opposition avec le principal attribut du droit régalien, c'est-à-dire le choix discrétionnaire du concessionnaire.

En résumé, si l'on compare les différents systèmes suivant lesquels la propriété des mines peut être envisagée, on en déduit que le droit de les exploiter peut constituer une véritable propriété dotée de tous les avantages de la propriété perpétuelle et régie par le droit commun, mais sous réserve des exceptions que nécessite la nature spéciale de l'objet même de la propriété et qui constituent le droit minier proprement dit.

Aussi, et sans l'assimiler complètement au droit commun, M. Aguillon estime que le droit minier est, au même titre que le droit commercial et le droit maritime:

<< Un droit qui fixe, tant pour l'institution de la propriété minérale que pour les relations des mines avec la surface et les exploitations voisines, ainsi que pour la police des mines, les règles que le droit commun est impuissant à donner, parce qu'il a été fait pour régler les droits relatifs à des choses de natures essentiellement différentes.

« Le droit minier, ajoute M. Aguillon, se lie en partie au droit administratif, en partie au droit privé:

< Au droit administratif, parce qu'il est impossible de concevoir, hors du système de l'accession, qu'une exploitation puisse être constituée ou puisse disparaître sans l'intervention d'actes administ: atifs;

«Au droit privé, puisque des relations doivent nécessairement s'établir, créant des oppositions d'intérêts privés, entre les exploitants d'une part, et d'autre part, les propriétaires superficiaires et les exploitants voisins. >>

On vient de parler de la nature même de l'objet de la propriété. En effet, des distinctions sont à faire :

Certaines substances minérales peuvent, tout en constituant de véritables dépendances du sol, n'être, par leur nature ou leur disposition, que peu utiles à la Société.

Pour d'autres, au contraire, que l'on ne peut consi'érer comme partie intégrante de la surface du sol, les règles du droit minier s'imposent à leur exploitation.

En sorte que toutes les législations minérales, non fondées sur le système de l'accession, comportent une distinction primordiale, c'est-à-dire une classification légale des substances minérales dont il sera question ultérieurement,

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