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Compétence des tribunaux pour régler, en cas d'empiétement sur lesdites limites, les indemnités réciproques pouvant être dues entre exploitants de mines et exploitants de minières de fer.

On ajoutera enfin que la loi du 27 juillet 1880 n'a nullement ébranlé la doctrine posée par le Tribunal des Conflits pour la compétence en matière de délimitation de mines et de minières de fer.

4. Examen de la législation actuelle sur les mines et minières de fer. L'article premier de la loi du 9 mai 1866 a abrogé les articles 73 à 78 de celle du 21 avril 1810, qui soumettaient l'établissement des hauts fourneaux, forges et usines à l'obtention d'une permission. Cette industrie a donc été rendue libre, comme toutes les autres.

La conséquence de l'abrogation entière des articles 59 à 67, 79 et 80, et de l'abrogation partielle de l'article 70 dans la partie qui obligeait le concessionnaire à alimenter de minerais certaines usines, était la fin du régime spécial de protection intérieure pour les usines à fer.

Si chacun pouvait désormais établir librement des forges et des hauts fourneaux, sous la seule condition de se conformer aux prescriptions de salubrité et de sûreté, imposées de droit commun, les propriétaires de minières pouvaient, dès lors, vendre leurs minerais ou en affermer l'exploitation à qui et au prix que bon leur semblait.

La loi du 9 mai 1866 placa donc les usines à fer sous le régime du droit commun pour les approvisionnements de minerais, comme elles l'étaient déjà pour ceux de combustible, en même temps qu'elle imprima aux mines et aux minières de fer un développement considérable.

Plus d'obligation de permission pour les minières à ciel ouvert de minerais de toute origine, mais simple déclaration au préfet, qui en donne acte (art. 57 revisé ; plus d'exception à ce régime libéral pour les minières à ciel ouvert de fer en filons ou couches comme aux minières de minerais d'alluvion; plus de distinction du cas de superposition entre toutes ces minières et les mines de fer concédées. Depuis 1876, le propriétaire d'une minière n'est plus sou

mis qu'à la loi du libre commerce: celle de l'offre et de la demande.

Sous un autre rapport, l'article 69 lui donna la faculté de pousser son exploitation à ciel ouvert jusqu'au point où elle cesse d'être possible ou rendrait impossible l'exploitation par puits et galeries, sous la réserve de l'indemnité motivée par l'interdiction spécifiée par le nouvel article 70.

D'autre part, les concessionnaires de mines de fer n'étant plus tenus de fournir aux usines usagères, purent disposer librement de leurs produits et les utiliser entièrement pour eux-mêmes si eux aussi étaient maîtres de forges.

5. Droits respectifs des concessionnaires de mines de fer et des exploitants de minières, revisés par la loi du 27 juillet 1880. - Si la loi du 9 mai 1866 devait être favorablement accueillie, et sa mise en vigueur, impatiemment attendue par l'industrie métallurgique, elle ne laissait cependant de créer, pour le cas des minières et des mines de fer superposées, une profonde rivalité entre les exploitants des unes et des autres.

Des litiges nombreux de délimitation en étaient surgis, dont le Tribunal des Conflits avait eu à s'occuper. Et, à ce sujet, la circulaire ministérielle du 6 août 1880 s'exprimait ainsi :

La législation spéciale au minerai de fer présentait, dans l'application, des difficultés sérieuses quant à la délimitation des droits du concessionnaire et de ceux du propriétaire de la surface, ou mieux, quant à la ligne de démarcation à tracer entre la partie non concessible et la partie concessible ou concédée d'un gite comprenant légalement deux parties.

Il a paru possible d'aplanir ces difficultés et de prévenir les obstacles qu'une exploitation superficielle, présente ou future, pourrait susciter à l'exploitation des mines.

Comme on ne pouvait alors réunir une minière à une mine, l'existence d'une minière suffisait parfois pour détourner les demandeurs sérieux de gites qui auraient pu leur être concédés comme mines, au profit de l'intérêt général. Cet état de choses avait donc de si graves conséquences pour l'industrie métallurgique qu'en 1877 et 1878 il fut l'objet des

LÉGISLATION ET CONTROLE DES MINES.

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préoccupations du Parlement et que le Conseil d'État examina les deux propositions suivantes :

1o Faire régler par les tribunaux civils l'indemnité à payer par le concessionnaire aux propriétaires des minières dépossédées. Cette disposition est passée dans la loi du 27 juillet 1880;

2o Rechercher un moyen pour organiser, dans la pratique, la réunion, consentie par l'Administration, d'une minière à une mine. Ce moyen fut trouvé, adopté et précisé dans les deux premiers paragraphes du nouvel article 70, tel que le Conseil d'État l'a libellé dans la même loi du 27 juillet 1880.

6. Interprétation de l'article 70 revisé, dans le cas de litige entre propriétaire de minière et concessionnaire de mine de fer. Si l'on admet, d'une part, qu'après avoir achevé l'exploitation à ciel ouvert proprement dite (c'est-à-dire sans l'aide de puits et galeries), le propriétaire d'une minière superposée à une mine de fer, poursuive cette exploitation sur la seconde partie, c'est-à-dire celle qui ne pourrait être exploitée à ciel ouvert sans rendre ensuite impossible une exploitation par puits et galeries régulières; et que l'on admette, d'autre part, qu'à ce moment, le concessionnaire de la mine de fer, s'appuyant sur le premier paragraphe de l'article 70 revisé, demande qu'un arrêté ministériel interdise cette minière.

Comment le différend se réglera-t-il ?

Si la délimitation de la minière et de la mine n'a pas été faite, elle doit être provoquée par le Ministre et opérée par le Conseil d'État, car le Ministre est compétent pour interdire et ne l'est pas pour délimiter (arrêt du 28 février 1880, du Tribunal des Conflits).

Il pourra arriver, lorsque cette délimitation sera chose faite, que le concessionnaire de la mine renonce à sa demande d'interdiction de la minière, et alors les tribunaux, compétents en matière d'indemnité, auront charge de maintenir exploitant de minière et concessionnaire de mine en leurs limites respectives.

Mais, s'il arrive que ce dernier persiste en sa demande d'interdiction de la minière, il ne peut ignorer ue dans le

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cas où il l'obtiendrait, il aurait à indemniser le propriétaire de la minière dans la proportion du revenu qu'il en tirait, car cette obligation, imposée par le paragraphe premier de l'article 70 revisé, est aussi formelle, aussi impérative que si elle figurait dans son acte de concession.

Quelle autorité sera compétente pour fixer l'indemnité, si l'interdiction est prononcée par le Ministre?

Comme il s'agit d'intérêts privés, on est fondé à penser que cette compétence appartient aux tribunaux; car bien que le paragraphe premier de l'article 70 n'en parle pas, le paragraphe 3 déclarant les tribunaux compétents dans le cas de réunion d'une minière à une mine, l'esprit général de l'article 70 paraît bien étendre cette compétence à la question des indemnités ; et la circulaire ministérielle du 6 août 1880, abonde d'ailleurs en ce sens.

Saisi d'un litige de ce genre, le tribunal nommera des experts qui apprécieront, en prenant la délimitation pour base, la quantité de minerai restant à extraire de la minière et sur laquelle porte conséquemment l'interdiction. Recherchant la quantité précédemment extraite et le bénéfice que l'exploitant en a tiré, ils évalueront par comparaison le quantum du bénéfice que lui aurait procuré la partie interdite, mais en ayant grand soin de faire entrer comme élément important, dans leurs calculs, la question du temps employé dans le passé et de celui qu'on eût normalement employé pour exploiter la partie frappée d'interdiction.

Cette question du temps est d'ailleurs très délicate, l'exploitant de mine substitué à l'exploitant de minière peut n'avoir pas le même intérêt que ce dernier à exploiter rapidement; pour trancher la difficulté, le tribunal peut ordonner que le nouvel exploitant de la partie interdite sera tenu d'y occuper un nombre fixe d'ouvriers, jusqu'à épuisement complet de la minière, et de payer à l'ancien une redevance de tant par tonne sur les minerais ainsi extraits, ou encore de fournir caution au propriétaire évincé de la minière pour la valeur approximative du bénéfice dont celui-ci sera privé.

C'est, à notre avis, dans ce même ordre d'idées que jugerait un tribunal, quant à l'indemnité due par un concession

naire de mines de fer qui, invoquant le bénéfice du paragraphe 2 de l'article 70, demanderait et obtiendrait la réunion, à sa concession de mine, de minières exploitables à ciel ouvert ou non encore exploitées.

En ce cas, la délimitation préalable de la minière et de la mine par le Conseil d'État serait également nécessaire.

En revisant ainsi l'article 70 de la loi de 1810, le législateur de 1880 a donc justement réparti l'autorité administrative et l'autorité judiciaire quant aux compétences respectives.

Il a donné aux concessionnaires de mines de fer le moyen pratique soit de faire interdire une minière superposée dont l'exploitation prolongée pourrait rendre impossible une exploitation par puits et galeries régulières, soit de réunir à leurs mines des minières exploitées ou exploitables à ciel ouvert ou non encore exploitées; mais il a aussi consacré, et formellement, le principe de la juste indemnité.

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