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SECTION V

DÉPENDANCES DU DOMAINE PUBLIC

A priori, les mêmes principes de réparation de dommages causés par les travaux de mines aux propriétés privées de la surface, paraissent devoir s'appliquer, lorsqu'il s'agit des dépendances du domaine public, à la diligence de l'autorité chargée de la conservation, et l'arrêt du 21 juillet 1885 de la Cour de cassation a confirmé cette sorte d'assimilation, en disant que « La responsabilité du concessionnaire existe «sans qu'il y ait lieu de distinguer si les constructions ou <<< installations sont d'intérêt public ou privé. »

On remarquera cependant que, quand il s'agit du domaine public, on est amené à se reporter aux règles du droit administratif, lesquelles, applicables entre les particuliers et la puissance publique, ne sont pas nécessairement celles dérivant du droit civil appliquées aux rapports entre particuliers.

Le dommage causé à une dépendance du domaine public peut tout d'abord entraîner une action publique à effet pénal, indépendamment de l'action civile à fin de réparation.

Dans l'action pénale ou répressive, la nature de la dépendance endommagée influe sur le caractère de la contravention commise et, par suite, sur le genre de la juridiction appelée à la réprimer : Conseil de préfecture pour les contraventions de grande voirie, tribunal de simple police pour celles de petite voirie ou de voirie municipale.

Si, d'une part, le droit administratif reconnaît que l'exécution de travaux publics ne peut léser l'intérêt privé sans donner ouverture à un droit d'indemnité, d'autre part l'article 50 de la loi de 1810 donne à l'Administration le droit d'imposer à l'exploitant certaines mesures pour la conservation des établissements de la surface en général et de ceux du domaine public en particulier.

De là des difficultés dont on peut toutefois sortir, en tenant compte des dates respectives de l'institution de la mine

et de la création de la dépendance du domaine public, ou de l'entreprise d'intérêt public qui se trouvent en présence. Sans doute la réparation du dommage causé peut être poursuivie de deux manières :

L'autorité chargée de la police de la dépendance en question peut poursuivre cette réparation sous forme d'indemnité pécuniaire allouable par le Tribunal compétent ou bien elle peut ordonner au concessionnaire de faire des travaux particuliers qu'elle exécutera elle-même et d'office, s'il refuse d'obtempérer à son injonction, tout en poursuivant contre lui le recouvrement des frais occasionnés.

Mais, abstraction faite de toute pénalité qu'il peut avoir encourue pour contravention de voirie, il est intéressant de voir si le concessionnaire de la mine est toujours, et en n'importe quel cas, tenu de réparer le dommage.

L'affirmative n'est pas douteuse, lorsque la dépendance du domaine public ou encore l'entreprise publique intéressée a été établie avant l'institution de la concession.

Mais s'il s'agit, par exemple, d'un chemin de fer établi postérieurement à l'institution de la mine, le concessionnaire dudit chemin de fer doit seul supporter, ainsi que le prévoit l'article 24 de son cahier des charges, les inconvénients pouvant résulter pour lui de la traversée sur un sol concédé.

A défaut par lui d'avoir provoqué, pour défendre sa ligne, des mesures prises en application de l'article 50, il doit seul, s'il survient quelque avarie à la voie, la réparer, car c'est la conséquence immédiate de la clause portant que : « Tous « les dommages résultant de la traversée de la mine sont à sa charge. »>

D'après un arrêt du 25 juillet 1885 de la Cour de cassation, cette clause qui, en fait, est une dérogation au droit commun des mines, n'est applicable qu'aux chemins de fer dont les cahiers de charges le stipulent explicitement.

C'est ainsi qu'un jugement du tribunal de Saint-Etienne en date du 28 novembre 1889, a débouté de sa demande une compagnie de chemins de fer à voie étroite, qui avait été obligée de réparer sa voie à la suite de travaux effectués par une compagnie minière, lesdits travaux étant d'ailleurs

autorisés par le cahier des charges ayant institué la concession de la mine. Ce jugement a en outre été confirmé par un arrêt de la Cour de cassation en date du 11 novembre 1890.

Par suite, la responsabilité civile du concessionnaire de la mine reste entière pour toutes les dépendances du domaine public ou les entreprises publiques autres que les chemins de fer, aussi bien pour celles établies postérieurement que pour celles établies antérieurement à la concession. Dans une argumentation très serrée, M. Aguillon conteste cette doctrine et observe que si les tribunaux judiciaires se sont, sans difficulté, déclarés compétents en cette matière, c'est cependant la juridiction des Conseils de préfecture qui doit connaître, le cas échéant, des indemnités que le concessionnaire de la mine peut avoir à payer pour dommages causés à une entreprise publique rentrant dans la grande voirie.

Et M. Aguillon cite, à l'appui de sa manière de voir, l'article premier de la loi du 29 floréal an X et le paragraphe 5 de l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII qui charge le Conseil de préfecture de statuer sur « les difficultés qui pourront s'élever en matière de grande voirie ».

SECTION VI

DOMMAGES CAUSÉS A LA MINE PAR LE PROPRIÉTAIRE
DE LA SURFACE

Avant de clore cette étude sur les relations des concessionnaires de mines avec les propriétaires du sol et notamment sur la réparation des dommages que les travaux des premiers peuvent occasionner aux seconds, il paraît assez logique d'envisager le cas inverse, c'est-à-dire celui des préjudices que peuvent causer à l'exploitation d'une mine certaines entreprises faites ou poursuivies par le propriétaire superficiaire.

Bien que la propriété de la surface soit de droit naturel et que celle du fonds soit créée par la loi, toutes deux sont propriétés de même ordre; la jouissance de l'une ne doit pas nuire à celle de l'autre.

Suivant le droit commun, il faut admettre le principe d'une action du concessionnaire contre le propriétaire superficiaire, quand celui-ci a outrepassé les limites qu'autorise le voisinage; et certaines décisions juridiques paraissent s'être inspirées de cette doctrine.

Ainsi, la Cour de cassation, dans son arrêt du 3 mars 1841, a dit que le propriétaire du sol n'a pas le droit de pratiquer. des travaux nuisibles à l'exploitation dans l'étendue du périmètre concédé.

Dans un arrêt du 28 juillet 1876, la Cour de Dijon confirmait un jugement du tribunal de Chalon-sur Saône, condamnant un propriétaire à faire disparaître un étang créé par lui, parce que cet étang occasionnait des infiltrations préjudiciables à une mine.

Le 5 mars 1847, la Cour d'Angers condamnait le propriétaire d'une carrière de sable à indemniser l'exploitant d'une mine dans laquelle ce propriétaire occasionnait une infiltration d'eau et augmentait ainsi les frais d'épuisement.

Enfin, le 3 janvier 1843, la Cour de Lyon reconnaissait ce même principe à propos du canal de Givors, en disant que

LÉGISLATION ET CONTROLE DES MINES.

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la Compagnie de ce canal ne serait responsable que dans le cas où cet ouvrage n'aurait pas été établi suivant les règles de l'art, et où les précautions nécessaires n'auraient pas été prises pour empêcher les infiltrations ou l'accroissement des infiltrations dans la mine.

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